L’administration doit-elle motiver sa décision et respecter une procédure contradictoire lorsqu’elle constate la caducité d’un permis de construire ? En principe oui, mais il faut nuancer, répond en substance le Conseil d’Etat dans un avis du 1er juillet 2025, publié au « Journal officiel » le 9.
A l’origine de cet avis, un contentieux entre une SCI et une commune qui avait constaté la péremption du permis de construire. La société conteste la décision et en demande l’annulation au tribunal administratif. Avant de statuer, ce dernier transmet le dossier au Conseil d’Etat pour lui soumettre ces deux questions :
- la décision constatant la péremption d'un permis de construire doit-elle être motivée en application du 5° de l'article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'administration?
- en cas de réponse positive à cette question, est-elle alors soumise à une procédure contradictoire en application de l'article L. 121-1 du même code ?
Péremption acquise sans qu’une décision intervienne
La Haute juridiction commence par rappeler qu’une autorisation d’urbanisme est périmée « si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 [du Code de l’urbanisme] ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. » Pour le Conseil d’Etat, la péremption instituée est acquise, « sans que soit nécessaire l'intervention d'une décision de l'autorité qui a délivré. »
Motivation des décisions défavorables
Puis il s’appuie sur le Code des relations entre le public et l’administration qui prévoit une obligation de motivation et le respect d’une procédure contradictoire préalable « des décisions administratives individuelles défavorables », et notamment celles qui « opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance » (art. L. 211-2 et L. 121-1).
Dès lors, la décision de constater la caducité d'une autorisation d'urbanisme doit être motivée, « comme toute décision de refus fondée sur la péremption de cette autorisation, et précédée d'une procédure contradictoire », puisqu’elle « manifeste l'opposition de l'autorité administrative à la réalisation du projet du pétitionnaire, motif pris de ce qu'elle considère qu'il est déchu du droit de construire attaché à l'autorisation d'urbanisme qui lui a été accordée », énoncent les juges du Palais Royal.
Compétence liée
Mais le Conseil d’Etat tempère cette affirmation et considère que ces obligations ne s’appliquent pas lorsque la péremption découle uniquement de la seule expiration du délai. « Lorsque cette décision procède du seul constat de l'expiration d'un délai, l'autorité administrative se trouve en situation de compétence liée et les moyens tirés de ce que sa décision serait insuffisamment motivée ou procéderait d'une procédure irrégulière sont, dès lors, inopérants. »
Nature et importance des travaux entrepris
En revanche, lorsque « l'autorité administrative est conduite à porter une appréciation sur les faits, notamment sur la nature et l'importance de travaux entrepris, les moyens tirés du défaut de motivation de sa décision et de ce qu'elle n'a pas été précédée du recueil des observations du pétitionnaire sont opérants ». La décision devra donc être motivée et faire l’objet d’une procédure contradictoire préalable.
Une solution qui n’est pas sans rappeler la décision du 29 décembre 2006. Le Conseil d’Etat avait alors jugé que, lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à celle-ci, « le maire qui est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits, ne se trouve pas, pour prescrire l'interruption de ces travaux sur le fondement de l'article L. 480-2, alinéa 10, du Code de l'urbanisme, en situation de compétence liée ».
CE, avis, 1er juillet 2025, n° 502802, JO 9 juillet 2025