L'année du désastre. C'est ainsi que la Fédération des promoteurs immobiliers a qualifié l'année 2024 lors de sa conférence de presse du 13 février dernier. Effectivement, au cours de ces derniers mois, plusieurs promoteurs ont dû faire l'objet de mesures de protection (sauvegarde, redressement judiciaire), certains ayant même été placés en liquidation judiciaire en l'absence de perspective de redressement. Cela a eu pour conséquences des dizaines de chantiers arrêtés, faute de subsides suffisants pour terminer les travaux.
Garantie financière d'achèvement. Heureusement, conformément à l'article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), les acquéreurs bénéficient d'une garantie financière d'achèvement émise par un établissement financier ou un assureur. Ce dernier s'engage à payer les sommes nécessaires à l'achèvement du programme. Les chantiers arrêtés ont donc nécessairement vocation à redémarrer.
Validité des permis de construire
Si, sur le papier, les choses paraissent relativement simples, en pratique, elles sont bien plus complexes, et la reprise des travaux prend du temps, souvent beaucoup de temps. Si bien que dans certains cas, le permis de construire aura expiré !
Délai de validité de trois ans. En effet, conformément à l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme (C. urb.), le permis de construire devient caduc si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de sa notification au pétitionnaire ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il est également périmé si, passé ce délai de validité de trois ans, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
Rappelons que ce délai de trois ans pour démarrer les travaux peut être suspendu - notamment en cas de recours contre le permis de construire - et surtout prorogé deux fois pour une durée d'un an sur demande du bénéficiaire et sous réserve « que les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard » (art. R. 424-21 C. urb.).
Interruption des travaux. Une première question se pose, celle de savoir ce qu'il faut entendre par « interruption des travaux ». La cour administrative d'appel (CAA) de Paris a jugé que les travaux étaient interrompus « en cas d'absence d'activité sur le chantier » (CAA Paris, 30 décembre 1996, n° 95PA02185, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Ce qui signifierait que l'ensemble des démarches entreprises pour organiser la reprise du chantier (consultations d'entreprises, négociations avec les assureurs…) ne changerait pas la donne : le chantier resterait interrompu.
Articulation des délais. Une deuxième question vient ensuite, celle de l'articulation entre le délai d'interruption des travaux et celui de la validité du permis de construire. Autrement dit, un maître d'ouvrage qui a interrompu ses travaux pendant plus de douze mois mais qui les reprend avant l'expiration du délai de validité du permis de construire peut-il toujours se prévaloir de son autorisation d'urbanisme ? La réponse est affirmative, l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme ne prévoyant de caducité de l'autorisation du fait d'une interruption des travaux qu'une fois le délai de validité de trois ans expiré : « Il en est de même si, passé ce délai, les tra vaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ».
Absence de prorogation du délai d'interruption
Il n'y a en revanche pas de réponse à cette question en cas de prorogation du délai de validité du permis de construire. Si le maître d'ouvrage a sollicité une prorogation du délai de validité du permis de construire, porté à quatre voire cinq ans, peut-il, à l'intérieur de ce délai, interrompre ses travaux pendant plus de douze mois et reprendre l'activité sans solliciter de nouvelle autorisation ? Rien n'est moins sûr.
Le Code de l'urbanisme ne prévoit aucune possibilité de proroger le délai d'interruption d'un an et à notre connaissance, le juge administratif ne s'est pas aventuré dans cette voie, notamment lorsque l'interruption des travaux résulte des difficultés financières du maître d'ouvrage et non d'une volonté délibérée de sa part. En conséquence, si les travaux sont interrompus plus de douze mois consécutifs, alors le permis de construire devient caduc. Dura lex sed lex.
Des conséquences sévères pour le porteur de projet
Les conséquences de la caducité du permis de construire sont en effet sévères : du fait de sa péremption, le permis a disparu de l'ordonnancement juridique et ne peut donc ni être transféré (par exemple, à un nouveau promoteur qui reprendrait l'opération), ni modifié (CE, 3 janvier 1975, n°s 93525, 93526, 93876 et 93882, publié au Recueil).
Surtout, les travaux ne peuvent reprendre (sauf pour le maître d'ouvrage et les constructeurs à se rendre coupables d'une infraction réprimée par les articles L. 480-1 et suivants du Code de l'urbanisme) que si une nouvelle autorisation de construire est obtenue.
Etat d'avancement des ouvrages. La nature de cette autorisation - permis de construire portant à la fois sur la régularisation du bâtiment inachevé et sur les travaux restant à réaliser ou déclaration préalable (DP) portant uniquement sur les travaux restant à faire - dépendra de l'état d'avancement des ouvrages.
Si l'état d'avancement est suffisant (clos et couvert achevés), le bâtiment pourra être considéré comme existant, et les termes de l'article R. 421-17 du Code de l'urbanisme qui exempte, sauf exceptions, du permis de construire les travaux sur constructions existantes auront vocation à s'appliquer. Autrement dit, une DP suffira.
C'est ce qu'illustre un arrêt récent (CAA Paris, 2 octobre 2024, n° 24PA00362). Reprenant le considérant de la célèbre jurisprudence « Thalamy » sur les constructions irrégulières (CE, 9 juillet 1986, n° 51172, publié au Recueil), la CAA a jugé que « lorsqu'une construction, en raison de son inachèvement, ne peut être regardée comme ayant été édifiée dans le respect du permis de construire obtenu et que celui-ci est périmé, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments qui doivent être soumis à son autorisation ».
Dans cette affaire, le bâtiment était hors d'eau mais pas entièrement hors d'air. Les juges ont considéré qu'« eu égard au stade de son avancement à la date à laquelle le permis de construire s'est trouvé périmé, la construction ne pouvait être regardée comme édifiée dans le respect de l'autorisation d'urbanisme obtenue » de sorte que le maître d'ouvrage devait solliciter une autorisation pour le tout.
Règles d'urbanisme en vigueur. Cette solution n'est pas anodine puisque la demande du nouveau permis de construire sera instruite au regard des règles d'urbanisme alors en vigueur, qui potentiellement seront devenues plus contraignantes. On peut même imaginer que dans certains cas les nouvelles règles interdiront purement et simplement la reprise des travaux.
Ce qu'il faut retenir
- Selon l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme, un permis de construire devient caduc si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de sa notification au pétitionnaire ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai de trois ans, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
- Ce délai de trois ans peut être prorogé deux fois, pour une durée de un an, sur demande du bénéficiaire et sous conditions posées par l'article R. 424-21 du code précité.
- Un porteur de projet, dont le permis a été prorogé, qui interrompt ses travaux pendant plus de douze mois et qui les reprend avant l'expiration du délai de validité du permis ainsi prorogé, ne peut se prévaloir de son autorisation et doit en solliciter une nouvelle pour redémarrer le chantier.
- La nature de cette autorisation - permis portant à la fois sur la régularisation du bâtiment inachevé et sur les travaux restant à réaliser ou déclaration préalable sur les travaux restant à faire - dépendra de l'état d'avancement des ouvrages.