En Allemagne, dans la région de la Ruhr, la station d'épuration de Bottrop prévoit de réduire ses émissions de dioxyde de carbone. Géré par la coopérative de l'Emscher, le plus grand service de gestion des eaux du pays, le site traite les effluents d'un secteur comptant plus de 1,3 million d'habitants. « Or, pour les municipalités, les stations d'épuration représentent une consommation d'énergie importante », souligne Emanuel Grün, membre du conseil d'administration pour la gestion de l'eau et les services techniques de cette coopérative. « Le traitement des eaux usées nécessite à la fois de l'électricité pour faire fonctionner les machines et de la chaleur pour sécher, puis brûler les boues, ce qui rend le processus à la fois très énergivore et fortement émetteur de carbone », précise-t-il.
Jusqu'à récemment, les 220 000 t de boues d'épuration de la station de Bottrop étaient combinées avec 20 000 t de charbon pour être incinérées. Chaque année, l'opération entraînait le rejet de 60 000 t de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Afin d'éliminer les énergies fossiles du processus, il a donc été décidé d'adjoindre une installation de séchage solaire thermique à la station. Après deux ans de travaux, elle sera mise en service cet été par l'unité Osmo de Spie, faisant de Bottrop la plus grande usine du monde à utiliser un tel dispositif.
Sa finalité ? Eviter l'addition de charbon dans l'incinérateur, et réduire ainsi les émissions de CO2. A cet effet, les boues seront d'abord préparées pour une combustion autonome en continu. Elles devront atteindre un pouvoir calorifique de 4 400 kJ/kg. Pour ce faire, la matière sera séchée afin que son taux d'humidité soit compris entre 60 et 70 %, puis mélangée à d'autres boues d'épuration déshydratées. Ce mélange, dont la teneur en eau sera d'environ 52 %, permettra l'auto combustion dans le four.

43 000 m2 de serres. C'est là que la nouvelle installation de séchage des boues, qui combine l'énergie du soleil et l'apport de chaleur résiduelle récupérée sur site, prend tout son sens. Dans un premier temps, de mai 2019 à l'été 2020, les équipes de Spie Osmo ont construit sur un site de 61 000 m² 32 serres, lesquelles représenteront une surface de 43 000 m². Les boues y sécheront entraînant l'évaporation d'environ 103 000 m³ d'eau par an. « Ces serres forment en réalité des halles intelligentes, explique Emanuel Grün. Elles permettent une exposition au soleil, mais sous nos latitudes septentrionales, celui-ci ne peut fournir qu'environ 20 % de l'énergie nécessaire. Nous devons donc ajouter les 80 % manquants sous forme de chaleur issue de nos propres sources. » Une gageure, sachant que les besoins supplémentaires de chaleur ont ainsi été évalués à 145 000 MWh par an.
Le complément de chaleur sera apporté par l'usine d'incinération et une centrale de cogénération
Celle-ci proviendra de deux sources distinctes. La première sera l'usine d'incinération de la station d'épuration, dont la turbine à vapeur fournira 80 000 MWh par an de chaleur résiduelle. Une énergie qui était jusque-là dilapidée. Les 65 000 MWh par an restants proviendront quant à eux d'une centrale de cogénération produisant à la fois de la chaleur et de l'électricité, installée dans un hall en béton dont la construction a été achevée en octobre 2020, après sept mois de travaux. Cette centrale est alimentée au gaz naturel, lui-même produit sur site. « Nous capturons les gaz de fermentation issus des eaux usées dans nos digesteurs pour produire du biogaz », détaille Emanuel Grün. L'unité est constituée de quatre modules d'une puissance thermique totale de 11,5 MW et d'une puissance électrique d'environ 10,7 MW. La chaleur générée est ensuite distribuée via 480 serpentins de chauffage dans les halles de séchage.

Pleine charge prévue au second semestre. Dans la continuité de ce processus circulaire, l'électricité produite sera quant à elle utilisée pour couvrir les besoins de la station et participer à son autosuffisance énergétique. « Qui plus est, en supprimant le charbon du mélange, nous pourrons brûler davantage de boues, ce qui augmentera l'efficacité énergétique de notre incinérateur », se félicite Emanuel Grün.
Après une exploitation expérimentale des premières halles de séchage fin 2020, lors de laquelle la technologie des procédés a été mise en service étape par étape, l'opération d'essai est actuellement étendue. D'autres halles et l'unité de cogénération fournissent successivement de la chaleur supplémentaire. La mise en service de toutes les centrales à pleine charge est prévue au second semestre 2021.