Comment redonner de la valeur à l’eau quand elle est gratuite ou très peu chère la plupart du temps et dans la majorité des pays ? Les dirigeants du groupe Saint-Gobain se sont posé la question, d’autant plus vivement que sur les 1000 sites industriels que compte l’enseigne, une centaine représentent 80 % des consommations hydriques. Pire, certains d’entre eux se trouvent dans des zones qui connaissent des périodes de stress hydriques. « C’est le cas pour le sites situés au Moyen-Orient, au Mexique, en Inde, en Chine… », énumère Emmanuel Normant, directeur développement durable du groupe. Si la France n’est pas encore concernée, la canicule et la sécheresse de l’été 2022 ont contribué à la prise de conscience.
L’industriel s’est donc donné deux objectifs : « réduire de moitié nos prélèvements en eau, qui tous pays confondus un total d’environ 40 millions de m3. Et éviter les rejets d’eaux industrielles dans les zones à stress hydrique », reprend Emmanuel Normant. Deux ambitions qui concernent la période 2017-2030.
Et pour donner les moyens à chaque site d’investir sur le sujet, l’industriel a créé en 2022 un fonds eau doté de 15 millions d’euros chaque année. Le premier défi est de mesurer les volumes consommés. « Une difficulté quand l’eau est gratuite, comme c’est le cas pour les prélèvements de nappe et les eaux de surface », précise Elodie Fenayon, directrice environnement et économie circulaire du groupe Saint-Gobain. Les premières attributions du fonds eau concernent donc souvent l’installation de compteurs, afin de connaître précisément les consommations.
« Parmi nos sites, la centaine qui représentent 80 % des consommations sont prioritaires », reprend la directrice. Depuis les premières attributions en 2023, plusieurs usines ont ainsi réalisé des économies significatives. C’est le cas, par exemple, des deux sites américains de Kansas City (Kansas) et d’Athens (Géorgie) où sont produits des isolants. « Chacun a bénéficié de 1,7 million d’euros, un montant qui leur a permis d’économiser 330 000 m3 d’eau chacun. En Suède, nous avons attribué 900 000 euros à une usine Weber, pour remplacer des sécheurs, un process industriel qui sèche du sable et utilise pour cela du froid », détaille Elodie Fenayon. Ici, le changement de dispositif a réduit les consommations de 70 000 m3.
Mesurer les quantités d’eau qui entrent dans les usines permet surtout de cartographier les usages du précieux liquide. Pour le groupe, la majorité des consommations servent au refroidissement des matières premières, devant l’eau de process, en particulier celle mélangée au gypse pour réaliser des plaques de plâtre. Enfin, le dernier poste clé concerne l’eau de nettoyage, en particulier pour les vitrages Sekurit des pare-brise.
Par rapport à l’objectif de réduction, « nous sommes pour l’instant un peu en avance sur notre objectif intermédiaire », dévoile Emmanuel Normant. Le fonds eau tient ses promesses et va donc continuer à attribuer des budgets pour investir. Dans le même temps, Emmanuel Normant et Elodie Fenayon sont mobiliser pour rendre tangibles les coûts réels de l’eau. « Il s’agit de prendre en compte toutes les dépenses liées et pas seulement le prix du m3. En l’occurrence, il y a celui des traitements de l’eau, de son transport, de l’entretien du matériel comme les pompes et autres circulateurs, mais aussi les résines échangeuses d’ions qui doivent être remplacées tous les trois mois », développe Elodie Fenayon. A l’aune de l’ensemble de ces dépenses, le retour sur investissement des économies d’eau devient plus rapide.
