Une résidence étudiante droite dans ses bottes

Paille -

 

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Du foin, dans la capitale, la Porte de Versailles y est habituée, Salon de l'agriculture oblige. Sur les murs d'un immeuble, beaucoup moins. Pourtant, c'est bien de la paille, comme matériau de construction alternatif, qui est utilisée ici pour la reconversion d'un immeuble tertiaire dans le XVe arrondissement. A deux pas de l'Aquaboulevard, le bâtiment de quelque 4 000 m² fait l'objet d'une réhabilitation lourde.

Le projet, emmené par NZI Architectes pour le bailleur Paris Habitat, consiste à démolir une trame et demie en partie centrale de l'immeuble d'origine, afin d'y créer deux blocs autonomes. Objectif : amener la lumière naturelle dans les 139 chambres de la future résidence étudiante, livrée en octobre prochain, en créant une cour intérieure. Cette intervention sera complétée par une surélévation d'un étage, via une solution classique avec poteaux-poutres métalliques.

Autrement plus innovant pour ce désormais R + 3, la pose d'une enveloppe constituée de caissons en ossature bois incluant une isolation faite de bottes de paille compressées. Un sous-produit céréalier issu d'un champ du Val-de-Marne, conditionné par l'entreprise Meha, un charpentier situé à Valenton, dans le même département.

Les bottes de paille rectangulaires (36 cm d'épaisseur), tout juste sorties de la moissonneuse-batteuse, ne subissent aucun traitement et sont disposées dans leur gabarit originel à l'intérieur de panneaux bois de 6 m de long sur 3 m de hauteur. Empilées, frappées au maillet pour les compresser et éviter tout tassement ultérieur, les bottes sont encloses dans le caisson d'une épaisseur de 50 cm. Celui-ci est ensuite refermé à l'extérieur par un panneau OSB sur lequel est collé un pare-pluie. Face interne, un pare- vapeur est mis en œuvre sur un second panneau OSB.

« Solution de remplissage ». Une fois refermés, les modules préfabriqués sont amenés sur site et mis en œuvre par grue mobile. Des cornières métalliques viennent les assujettir sur les planchers en haut et en nez de dalle. Le débord du caisson vers l'extérieur est renforcé par des lisses en bois. « Il s'agit d'une solution de remplissage et non de mur porteur, complète Sandra de Giorgio, architecte de l'agence NZI. Les éléments sont disposés à cheval sur les dalles de façon à prendre environ 25 cm à l'intérieur de l'ouvrage et 25 cm à l'extérieur. En s'appuyant ainsi sur le bâtiment existant, on assure une bonne répartition de l'épaisseur du caisson. » Pour Sandra de Giorgio, « utiliser de la paille telle quelle élimine toute transformation et limite l'utilisation d'énergie complémentaire pour fabriquer l'isolant ». Et d'ajouter : « Ainsi “agri-culturalisée” en atelier, la paille trouve toute sa pertinence dans le logement en raison de sa simplicité de traitement et de son coût attractif en regard d'autres matériaux biosourcés. »

Si Paris Habitat avait, dans son appel d'offres, préconisé une isolation biosourcée, il a fallu néanmoins convaincre de l'intérêt technique, écologique mais aussi économique du chaume face à des isolants plus conventionnels de type laines minérales. « Un mur en béton coûte 100 euros/m2 , contre 150 euros pour un mur en paille, poursuit Sandra de Giorgio. Ce prix peut grimper à 200 euros/m2 pour un mur en chanvre. La solution choisie est donc un bon compromis, d'autant que la paille, une fois compressée, a une stabilité au feu identique à celle du bois. »

Envisagée un temps, une ATEx a été abandonnée au profit d'un simple avis de chantier du bureau de contrôle. La réglementation limite à 8 m de hauteur la pose de caissons en paille : le dernier plancher à 9,30 m aura eu raison du caractère 100 % innovant souhaité pour cette enveloppe biosourcée.

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