Avez-vous eu confirmation du report de la loi d’orientation des mobilités ?
Bruno Cavagné. Officiellement, son lancement est toujours attendu pour mi-avril. Pour autant, nous anticipons les conséquences d’un début d’engorgement législatif, notamment lié à la réforme de la SNCF, qui laisse augurer un report. En outre, ma récente visite à Matignon m’a confirmé que de nombreux arbitrages restaient à rendre. Qu’ils portent sur le scénario de développement des infrastructures retenu ou sur le contenu de la loi elle-même. S’organisera-t-elle en fonction des différentes mobilités ou par type de projets ? Rien n’est tranché.
Faut-il s’inquiéter d’un retard éventuel ?
B.C. Un décalage ne serait pas un drame en soi. Dès lors que les travaux se poursuivent pour maintenir les contrats Etat-Régions et doter l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) d’un budget. Le véritable impératif, c’est de parvenir à dégager un scénario afin de voter cette loi d’ici octobre. Elle doit passer avant la fin d’année et le projet de loi de finance (PLF) pour être active en 2019.
Craignez-vous que ce calendrier ne puisse être tenu ?
B.C. C’est vrai que la réforme de la SNCF crée de l’incertitude. Si demain, nous sommes tous pris dans une grève générale, le gouvernement aura probablement d’autres soucis que le vote de la loi d’orientation des mobilités. Reste à espérer que cette réforme se déroulera suffisamment bien.
Seriez-vous choqué que les scénarios de développement proposés par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) soit modifiés ?
B.C. Nos trois scénarios ont été construits en fonction de nombreux critères : économie, développement durable, émissions de CO2… Mais compte tenu de la rapidité du processus [le COI a eu moins de trois mois pour élaborer son rapport, NDLR], certains paramètres nous ont peut-être échappés. Dans ce cas, il me paraîtrait normal qu’il puisse y avoir des modifications. La messe est encore loin d’être dite et il faut prendre le temps nécessaire pour réfléchir et consulter, notamment les élus locaux. Ensuite seulement viendra le temps des arbitrages.
Comment s’assurer que l’ambition du rapport soit maintenue ?
B.C. Le Conseil d’orientation est une structure faite pour durer et qui sera inscrite dans la loi. Nous serons ainsi capables d’évaluer à intervalles réguliers les actions menées. Dans mon esprit, l’exercice s’apparenterait au rapport de la cour des comptes, mais appliqué aux projets d’infrastructures de transport. Sans un véritable suivi, en général les dossiers n’avancent pas. Or, le gouvernement en a plus d’un à traiter. Un rappel régulier pour le « challenger » dans ses décisions me semble une bonne méthode.
Quelle tendance se dessine dans le choix du scénario ?
B.C. Si vous prenez le premier scénario cela revient à ne rien faire. Et il y a peu de chances pour que la troisième option [NDLR : la plus ambitieuse] soit retenue. Il me semble qu’un certain consensus se dégage autour du scénario 2. Une version « 2+ » supposerait notamment d’accéder aux demandes de certaines collectivités locales pour le financement de grands projets. Par dérogation, elles pourraient ainsi obtenir des financements similaires à celui du Grand Paris, pour partie assis sur des taxes de bureaux. La mouture « 2-» consisterait à retrancher des projets et serait une vraie déception. Comment pourrions-nous parler d’ambitions pour la mobilité du quotidien, si l’on retient une cote mal taillée entre les scénarios 1 et 2 ? Il faut se donner les moyens de ses ambitions.