En principe, les contrats conclus entre personnes privées ne sont pas des contrats administratifs, sauf si l’opérateur privé chargé de la réalisation de travaux par la personne publique conclut pour le compte de cette dernière des contrats avec des constructeurs (Tribunal des conflits, 7 juillet 1975, « commune d’Agde », n° 02013). Mais si ce même opérateur est un concessionnaire, il est présumé agir pour son propre compte et non pour celui de la personne publique (TC, 9 juillet 2012, « Compagnie des eaux c/ ministre de l’Écologie et du Développement durable », n° C3834), ses contrats relèvent donc du droit privé.
Contrats d’exploitation et d’entretien
Le Tribunal des conflits a généralisé sa jurisprudence « Compagnie des eaux », jusque-là applicable aux seuls concessionnaires, dans une décision du 16 juin concernant la Tour Eiffel. En l’espèce, l’exploitation et l’entretien du monument avaient été confiés à une entreprise par la ville de Paris propriétaire. L’exploitant a conclu, pour le remplacement de rails d’ascenseurs, trois contrats respectivement avec un maître d’œuvre, une entreprise générale et un contrôleur technique. Des désordres ayant été constatés après réception des travaux sans réserve, la ville a confié, par une convention de délégation de service public (DSP), la gestion et l’exploitation de la Tour Eiffel à une autre société. Après avoir remplacé les rails défectueux, ce nouveau concessionnaire a engagé la responsabilité des trois constructeurs pour se faire indemniser au titre des travaux réalisés. Le juge judiciaire et le juge administratif s’étant successivement déclarés incompétents pour se prononcer sur le litige, l’affaire arrive devant le Tribunal des conflits (TC).
Contrôle du délégataire et financement des travaux
Les juges consacrent un nouveau principe. Désormais, lorsqu’une personne privée, même non titulaire d’une délégation de service public, conclut avec d’autres entreprises des contrats pour la réalisation de travaux sur l’ouvrage public qu’elle est chargée d’exploiter, cette personne privée doit être regardée, sauf conditions particulières, comme agissant pour son propre compte.
Tel était le cas, en l’espèce, estiment les juges au regard des conditions dans lesquelles l’entreprise exploitante exerçait sa mission (libre accomplissement des actes d’exploitation et d’administration nécessaires à la mission confiée ; définition des travaux de gros entretien et de renouvellement usuel des installations ; exécution de l’opération) et au regard du « contrôle exercé par la ville de Paris sur la programmation de ces travaux [qui] n’excédait pas le pouvoir que conserve le propriétaire de l’ouvrage public […] ». De plus, « les travaux étaient financés par les produits de l’exploitation de la Tour Eiffel par le biais de provisions constituées à cette fin et non par des subventions directes de la ville de Paris ».
La société avait donc bien agi pour son compte en passant des contrats de droit privé avec des constructeurs pour la réalisation des travaux. L’action en responsabilité décennale exercée par le nouveau délégataire à l’encontre de ses constructeurs relève donc de la compétence du juge judiciaire, conclut le Tribunal des conflits.
Pour consulter la décision du Tribunal des conflits du 16 juin 2014, n° C3944, cliquez ici