Tertiaire - Le bureau en plein décloisonnement

Avec la crise, les entreprises repensent leur stratégie immobilière. Elles privilégient des bâtiments sains et flexibles, et intègrent désormais le télétravail dans leurs réflexions.

 

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Conçu par Arte Charpentier Architectes pour Covivio, le campus Dassault Systèmes à Vélizy (Yvelines) s'articule autour d'un cœur végétal.Ces "jardins à travailler" sont équipés de terrasses et de kiosques connectés au wifi.

Après avoir travaillé pendant des mois confinés à leur domicile, les salariés sont confrontés depuis le 1er septembre à une expérience tout aussi inédite : le port du masque obligatoire. Cantine, open space, machine à café, couloirs, ascenseurs… Aucune zone de l'entreprise, à l'exception des bureaux individuels, n'échappe au nouveau protocole mis en place par le gouvernement.

Ces règles sanitaires, doublées de l'incitation au télétravail dans les zones les plus touchées par l'épidémie de Covid-19, bouleversent le rapport au bureau traditionnel et poussent les entreprises à s'interroger sur leurs stratégies immobilières. Faut-il réduire les surfaces tertiaires ou, au contraire, « dédensifier » ? Quel est l'avenir des espaces ouverts et du flex office ? Comment adapter les espaces de travail corporate aux nouveaux usages ? Faut-il proposer aux collaborateurs des tiers-lieux, en complément du siège de l'entreprise et du « home office » ? Quels que soient leurs tailles et leurs secteurs d'activités, dans le public comme dans le privé, toutes les organisations se posent les mêmes questions. Elles réfléchissent à différents scénarios bâtis autour de cinq tendances, qui devraient faire évoluer durablement l'immobilier de bureau.

Convivialité, confort et high-tech

C'est d'abord pour se retrouver et échanger que les salariés se rendront au bureau, d'où la nécessité de concevoir des espaces conviviaux et confortables. « Les services, notamment les restaurants d'entreprise, ne peuvent plus être relégués au sous-sol, ils doivent être dans les parties les plus nobles du bâtiment », estime Philippe Zivkovic, le cofondateur de WO2. En plus d'être accueillants, les futurs locaux professionnels devront aussi être connectés. « La visioconférence se développera de plus en plus. Nous proposons des salles de trois personnes avec une bande passante importante et une haute qualité de vidéo. L'objectif est de donner l'impression que la personne est en face de soi », décrit Mickael Huron, dirigeant de Axeos, une société d'aménagement d'espaces connectés.

Flexibilité

Pour s'adapter à une présence fluctuante des salariés, les bureaux devront être modulables. William Teissonnière, chef de projet chez Arch. Design, une société d'architecture et de conseil en aménagement de bureaux, observe ainsi « une tendance de fond, qui s'accélère, pour faire des espaces de travail plus flexibles ». Pour répondre à cette demande, Arch. Design a conçu des salles de réunion sans table mais avec des sièges mobiles équipés de tablettes. Un gain de place qui permet de rassembler plus de personnes tout en respectant les mesures de distanciation. « Nous avons aussi développé une cloison de séparation entre les bureaux qui absorbe l'air et le renouvelle », ajoute-t-il. L'objectif de ces différentes offres est de « permettre aux salariés de s'approprier leur espace de travail », affirme William Teissonnière.

Faut-il proposer aux collaborateurs des tiers-lieux, en complément du siège de l'entreprise et du « home office » ?

Hybridation

Pour Frédérique Miriel, directrice workplace consulting, change management et R & D chez Colliers, « les entreprises vont vers un mode de travail hybride ». « On ne reviendra pas à ce qu'on a connu avant le Covid. Les entreprises qui s'exonèrent du télétravail risquent d'être mises sur la touche par les candidats. Il faudra trouver le juste équilibre entre présentiel et distanciel », confirme Philippe Cuenot, DRH innovation et développement social du groupe Bouygues. « Il y a un espace intermédiaire à inventer entre le bureau et le domicile », renchérit Jean-Claude Bassien, directeur général de Nexity Solutions Entreprises. Le leader de l'immobilier veut remettre au goût du jour Blue Office, un réseau d'espaces de travail situés au cœur des zones résidentielles. Lancé en 2014, le concept n'avait pas rencontré le succès escompté. « Sur la base de cet échec, nous imaginons un projet adapté au marché actuel. Notre objectif est d'exploiter, dans les dix-huit à vingt-quatre mois, entre 100 et 150 tiers-lieux, situés à distance douce du domicile, dans des villes franciliennes de plus de 20 000 habitants. Nous imaginons des locaux à taille humaine, de 100 à 300 m², pouvant accueillir jusqu'à 20 postes de travail », détaille Jean-Claude Bassien. Pour répondre aux nouveaux besoins des entreprises et des collaborateurs, Clément Altaresco, président-fondateur de l'enseigne de coworking Morning, a lancé quant à lui l'idée d'un « ticket-bureau ». A l'instar du ticket-restaurant pour les repas, il permettrait aux employeurs de subventionner leurs collaborateurs pour un temps d'usage dans un tiers-lieu.

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Le protocole de construction du promoteur WO2 comporte l'utilisation de technologies de renouvellement et de purification de l'air intérieur.

Bien-être, santé et écologie

« La promotion immobilière ne s'est jamais sérieusement posé la question de la santé et du bien-être dans les bureaux », regrette Guillaume Poitrinal, cofondateur de WO2. Or, avec le coronavirus et la généralisation du télétravail, « les promoteurs doivent se remettre en question pour faire du bien à la planète et aux individus », prévient-il. Pour y parvenir, WO2, la maison mère de Woodeum, s'est associée à un comité scientifique rassemblant médecins et biologistes.

Ensemble, ils ont conçu un nouveau protocole de construction destiné à maîtriser le risque pandémique et à assurer la santé et le bien-être au travail. Le groupe a ainsi pris plusieurs engagements, notamment l'utilisation du bois, qui permet de diminuer le stress, et une façade recouverte à 50 % de fenêtres pour assurer luminosité et ventilation. Pour lutter contre la menace épidémique, le protocole comporte également l'utilisation de technologies de renouvellement et de purification de l'air intérieur.

Accessibilité et connexion aux mobilités douces

La localisation des bâtiments deviendra également un élément crucial de leur capacité de résilience, avec une prime à la centralité : « Le quartier central des affaires (QCA) de Paris pourrait être plus résistant que La Défense ou la première couronne », prévient Boris Cappelle, P-DG de Savills, une société de conseil en immobilier. Les bureaux post-Covid seraient donc plus grands et au cœur de la ville. « Les salariés auront une exigence de qualité de vie dans l'expérience de travail, qui passe par l'imbrication de l'entreprise dans la ville », analyse Jacques Perpère, secrétaire général de l'Association des directeurs immobiliers (ADI).

« La proximité des transports sera aussi essentielle », affirme Cees van der Spek, directeur des affaires publiques et des relations de Edge Technologies. Les bureaux du futur devront également être facilement accessibles aux mobilités douces. Pour répondre à l'engouement suscité par le vélo suite à la pandémie, ils pourront accueillir des garages à bicyclettes. Le groupe WO2 prévoit ainsi de créer autant de places de stationnement pour les vélos que pour les voitures.

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