La loi Elan du 23 novembre 2018 a prévu plusieurs dispositifs de lutte contre la vacance et les friches commerciales. Outre la dispense d’AEC dans les centres-villes identifiés par les opérations de revitalisation des territoires (ORT), le texte permet au préfet du département de suspendre l’enregistrement et l’examen de certaines demandes pour les implantations situées en dehors de ces secteurs d’intervention (art. L. 752-1-2 et R. 752-29-1 et suivants du Code de commerce). Une circulaire mise en ligne le 20 novembre 2019, signée des ministres de l’Economie et de la Cohésion des territoires, indique aux préfets la marche à suivre.
Caractère exceptionnel mais fondamental
Le texte rappelle tout d’abord que ce dispositif « ne doit pas remettre en cause le principe de libre établissement, ni être disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ». Et qu’il repose sur un « examen au cas par cas des projets », traduisant « le caractère exceptionnel, mais néanmoins fondamental, de la faculté de suspension » ainsi accordée aux préfets.
La circulaire revient ensuite sur la question du délai : circonscrit à 5 semaines maximum à compter de l’enregistrement de la demande d’AEC, ce délai doit impérativement être respecté. La faculté de suspension répondant « à une raison impérieuse d’intérêt général en termes d’aménagement du territoire, […] elle ne saurait avoir pour conséquence que des projets présentant potentiellement un risque pour [les ORT] bénéficient d’autorisations implicites, en cas de dépassement des délais empêchant leur examen en CDAC (1) ». Concrètement donc, « si passé trente-sept jours à compter de l’enregistrement de la demande d’AEC, aucun arrêté […] n’est pris, la procédure n’est plus susceptible de suspension ». Ce n’est qu’une fois l’arrêté préfectoral signé, soit au plus tard au 38e jour après l’enregistrement de la demande au secrétariat de la CDAC, que la suspension produit ses effets.
Faisceaux d’indices, signaux d’alerte
Par ailleurs, même si la loi ne le vise pas expressément, la suspension répond à une certaine urgence et doit porter sur une situation et des difficultés présentant une certaine évidence : il faut donc que les préfets expliquent « en quoi il est impératif de neutraliser immédiatement le projet ».
Pour ce faire, ils s’appuieront sur des indices tels que la vacance commerciale, la vacance des logements et le chômage ainsi que « tous autres marqueurs forts de l’état et de la vitalité d’un territoire ». La mobilisation des élus concernés (2) participe d’ailleurs aussi à ce faisceau d’indices.
Ces données, qui figureront dans l’arrêté de suspension, doivent être analysées dans la durée « au regard des particularités de chaque territoire en tenant compte des réalités locales ». Il ne s’agit pas d’opposer « par principe, le centre-ville à la périphérie », mais d’être vigilant sur « les signaux d’alerte », soulignent les ministres.
Et si le préfet a un doute sur un projet, la procédure devant la CDAC doit être poursuivie. Il appartiendra alors à cette dernière de rendre le cas échéant un avis défavorable. Sur ce point, la circulaire rappelle que les préfets devront veiller à ce que les décisions des CDAC puissent être soumises à la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) lorsqu’elles posent des difficultés importantes, au regard notamment des enjeux de revitalisation des centres-villes. Et que le préfet peut lui-même, comme toute partie prenante, déposer un recours contre une décision de la CDAC (voir circulaire du 3 mai 2017 sur la législation en matière d’aménagement commercial).
Un premier bilan de ce dispositif, pointant les difficultés rencontrées, devra être réalisé en fin d’année 2020.