Connu pour ses innovations dans le domaine du bois, le territoire vosgien se veut aussi pionnier de la réutilisation de ce matériau en gros œuvre. Ainsi, à Epinal, une expérimentation a été engagée par le promoteur local Les Constructeurs du bois en partenariat avec la chaire de recherche en architecture bois, coanimée par l'école d'architecture de Nancy (Ensa) et l'école supérieure des technologies et industries du bois d'Epinal (Enstib). Commencée il y a dix-huit mois, cette collaboration doit déboucher sur la création d'un guide méthodologique du réemploi.
Affiner les évaluations préliminaires. Pour le promoteur, il s'agissait d'abord de dénicher le cas d'étude auquel adosser ses travaux. C'est le site Bragard, une ancienne friche textile installée en bordure de Moselle et dotée de bureaux des années 1930, qui a été retenu. « Ces locaux renfermaient de belles charpentes avec des pannes en bon état et des planchers industriels, mais leur réemploi supposait des études techniques précises », se remémore François Duchaine, président des Constructeurs du bois, et ingénieur formé à l'Enstib.

Le terrain de jeu était donc tout trouvé pour affiner les indispensables évaluations préliminaires à la déconstruction sélective : les quantités de matériaux disponibles, leurs qualités, leurs dimensions, les nouveaux usages envisageables… Sur ce site qui fera l'objet d'un programme neuf composé de 100 logements dont une résidence étudiante, d'une crèche et de cabinets médicaux, François Duchaine a fait plancher des étudiants du master 2 « Architecture bois, construction ». Ces derniers ont quantifié la ressource et confirmé l'opportunité, comme la faisabilité technique, d'une réutilisation en gros œuvre des éléments de charpente. « Les élèves, qui ont travaillé jusqu'à la phase du permis de construire, ont également positionné les quatre édifices du programme, imaginé l'aménagement de la parcelle et établi le cahier des charges des 50 logements de la résidence étudiante, de façon à ce qu'elle utilise des bois de récupération », décrit Franck Besançon, directeur de la chaire d'architecture bois.
Les éléments récupérés pourront être mis en œuvre en structure comme en planchers.
Limiter la détérioration des poutres. Pour procéder à une déconstruction sélective et soigneuse, trois laboratoires accompagneront la société Marcel Leclerc, spécialiste du gros œuvre, qui doit commencer à travailler sur le site en septembre 2020. « Il s'agit d'identifier les outils les plus adaptés afin de limiter la détérioration des bois », souligne Franck Besançon. L'entreprise organisera la planification millimétrée des tâches en étroite collaboration avec le centre de recherche MAP-Crai de l'école d'architecture.
Une fois les bois déposés, le Laboratoire d'étude et de recherche sur le matériau bois (Lermab) de l'université de Lorraine sera chargé d'analyser le comportement mécanique des poutres et des pannes, tandis que le Centre de ressources de la filière, le Critt bois d'Epinal, conduira les essais de traitements insecticide et fongicide. A partir des données récoltées, les experts évalueront l'impact de ces produits sur la qualité de l'air intérieur. Les éléments récupérés pourront ensuite être mis en œuvre en structure comme en planchers. Une fois ces multiples obstacles franchis, il sera temps pour les partenaires d'engager l'ultime étape du projet, celle du calcul de l'impact carbone du réemploi. Toutes ces données seront ensuite mises à disposition dans le guide méthodologique, dont la publication est prévue pour 2022.