Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation : le cadre réglementaire dévoilé

Prévus en application de la loi Industrie verte, trois projets de textes sont soumis à la consultation du public jusqu’au 3 juillet. Demande d’agrément, modalités de vente des unités de compensation…, ils précisent la procédure permettant aux opérateurs de s’assurer de la pertinence écologique des « opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité » proposées.

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compensation environnementale
Les textes instituant les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation sont en consultation publique jusqu'au 3 juillet 2024.

Relancer le mécanisme de compensation par l’offre créé en 2016 par la loi Biodiversité. Tel est l’objectif de l’article 15 de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023. Comment ? En créant des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) en remplacement des sites naturels de compensation (SNC) dont le dispositif n’a guère eu de succès (*).

(*) Seuls deux SNC ont été agréés :
- le SNC de Cossure (Bouches-du-Rhône) porté par CDC Biodiversité a été agréé par un arrêté du 24 avril 2020 ;
- beaucoup plus récemment, le SNC de « Cros du mouton » (Var), également porté par CDC-Biodiversité, vient d’être agréé par un arrêté du 3 juin 2024. Ce SNC sera considéré comme un SNCRR.

Obligations de compensation, engagements volontaires

Inscrits dans un nouvel article L. 163-1 A du Code de l’environnement, les SNCRR pourront non seulement être utilisés pour répondre aux obligations de compensation écologique des projets mais ils pourront aussi être mobilisés dans le cadre d'engagements volontaires d'entreprises ou de collectivités en matière de restauration ou de renaturation des milieux, « ce qui concourt à une meilleure efficacité écologique et participe d’une démarche de planification écologique dans les territoires », assurent les services du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Les trois projets de textes (deux décrets et un arrêté) qui permettront de mettre en œuvre le dispositif sont soumis à la consultation du public jusqu’au 3 juillet.

Les préfets de région à la manoeuvre

Les SNCRR doivent, comme pour les anciens SNC, faire l’objet d’un « agrément préalable de l’autorité administrative compétente ». Mais les conditions de délivrance sont plus souples. En effet, le pétitionnaire ne sera plus tenu de démontrer le gain précisément obtenu (« état écologique final visé ») des opérations de compensation, de renaturation et de restauration, mais le gain écologique « attendu » (art. L. 163-1 A du Code de l’environnement).

Le premier projet de décret – qui sera adopté en Conseil d’Etat – donne compétence aux préfets de région pour délivrer, modifier ou retirer un agrément. L’agrément des SNC était délivré par arrêté ministériel. Les dossiers seront instruits par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) devra au préalable donner son avis. Pour les SNC, c’est l’avis du Conseil national de la protection de la nature qui était requis. Le silence du préfet dans les six mois à compter de la réception de la demande vaudra décision d’acceptation.

Pertinence des opérations envisagées

Le contenu de l’agrément est détaillé dans le second projet de décret – simple. Il doit attester « de la pertinence des opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité entreprises sur le site naturel de compensation, de restauration et de renaturation concerné ». Ces opérations peuvent d’ailleurs être menées sur un seul site ou « une pluralités de sites » et doivent contribuer « à l’amélioration de l’état écologique du territoire dans lequel le site s’insère ».

Les nombreuses pièces constitutives du dossier de demande d’agrément sont quant à elles énumérées dans le projet d’arrêté. Outre son identité, la description synthétique du site, sa localisation, etc., le pétitionnaire doit également indiquer la durée de validité de l’agrément souhaitée, qui ne peut être inférieure à 30 ans, ainsi que « les raisons l’ayant conduit à retenir cette durée ».

Autre pièce justificative exigée : l’évaluation de la pertinence écologique du SNCRR au regard des critères établis en annexe de l’arrêté (implantation du site, objectifs et actions de restauration, de renaturation et de développement d’éléments de biodiversité, actions d’entretien des gains écologiques et de suivi).

Des unités de compensation, de restauration et de renaturation à vendre

Le projet de décret simple précise que le gain écologique attendu de ces opérations « est mesuré par des unités de compensation, de restauration et de renaturation [UCRR] selon une méthode de calcul fiable et transposable. Il est additionnel à celui obtenu par la mise en œuvre d‘opérations […] sur le site considéré qui sont rendues obligatoires ou qui sont déjà soutenues par des aides publiques » dédiées.

Ces UCRR pourront être vendues dès la délivrance de l’agrément. Elles ne pourront pas être cédées « de manière fractionnée dans le temps ou en fonction des différents éléments de biodiversité qu’elle[s] restaure[ent] ou qu’elle[s] développe[ent]». Elles ne pourront pas non plus être revendues « et ne constitueront pas un marché secondaire », insiste la note de présentation.

Concrètement, ces UCRR pourront :

-  être vendues sous forme de prestations de services à des maîtres d’ouvrage ayant des obligations de compensation ;

-  être vendues  à des personnes physiques ou morales souhaitant contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire (politique RSE des entreprises, collectivités qui souhaitent préserver la qualité de leurs espaces naturels, assureurs qui souhaitent contribuer à la diminution des risques naturels…) ;

-  être utilisées par l’opérateur lui-même pour contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire, ou pour répondre à ses propres obligations de compensation le cas échéant.

Attention toutefois, l’acquisition d’UCRR « ne préjuge pas de l’appréciation de leur suffisance par l’autorité administrative compétente au titre de la compensation des atteintes à la biodiversité », précise le projet de décret. De la même manière, une unité utilisée au titre de la compensation ne pourra plus constituer « une contribution au rétablissement de la biodiversité pour une autre raison ».

Le projet de décret prévoit également les modalités de fonctionnement et de suivi des SNCRR, ainsi que les modalités de modification, de retrait et de transfert de l’agrément.

Demandes en cours

Enfin, les demandes d’agrément qui auraient été présentées au ministre de la Transition écologique avant la date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif sont instruites conformément aux dispositions antérieures à la loi Industrie verte (art. L. 163-3 du Code de l’environnement). Les SNC ainsi agréés seront considérés comme des SNCRR, précise le texte. Cela pourrait bien être le cas du projet de restauration écologique « Abbaye de Valmagne » (Hérault), portée par la société Biotope et la famille d’Allaines, propriétaire du site, dont la demande d’agrément au titre d’un SNC a été déposée le 9 octobre 2023.

Consultation du public sur les textes instituant les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR)

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