A travers la création des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR), la relative à l'industrie verte tente de relancer le mécanisme de compensation par l'offre créé en 2016. L'idée est de susciter l'intérêt des acteurs territoriaux pour ce dispositif, en élargissant son objet à des opérations volontaires de restauration de la biodiversité.
La compensation, un dispositif très encadré
La loi Biodiversité du 8 août 2016 a créé le cadre juridique applicable aux mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Il s'agit de mesures « rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser [...] les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification » (art. L. 163-1 du Code de l'environnement [C. env.]).
Lorsque la compensation est nécessaire à la réalisation d'un projet, plan ou programme, la nature des mesures proposées est précisée dans l'étude d'impact figurant dans le dossier de demande d'autorisation. Leur description doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes et de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur l'environnement (art. R. 122-5-II-8° C. env.). Le projet ne peut pas être autorisé si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante.
Eviter-réduire-compenser. La compensation s'inscrit en effet dans le cadre de la séquence dite « ERC » (éviter-réduire-compenser) et ne doit intervenir qu'en dernier recours, lorsque les impacts du projet n'ont pu être ni évités, ni réduits suffisamment. Les mesures de compensation ne peuvent donc pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Elles doivent respecter un principe d'équivalence entre la qualité des milieux restaurés par rapport aux milieux impactés et être « mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne » (art. L. 163-1 C. env.). La compensation doit viser un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité et être effective pendant toute la durée des atteintes.
ZAN. Depuis la loi Climat et résilience du 22 août 2021, les mesures de compensation sont réalisées par priorité au sein des zones de renaturation préférentielle identifiées par les documents d'urbanisme. Elles participent ainsi à la mise en œuvre de l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon 2050.
Les maîtres d'ouvrage disposent de trois options : réaliser eux-mêmes les mesures de compensation, en confier par contrat la réalisation à un opérateur dédié, ou acquérir des unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation (SNC). C'est cette dernière modalité qui a été réformée par la loi Industrie verte.
Des sites naturels de compensation…
Les SNC correspondent à des opérations de restauration ou de développement de biodiversité réalisées par un opérateur tiers, qui vend la valeur écologique ainsi créée sous forme d'unités de compensation (UC) aux maîtres d'ouvrage. Les opérateurs doivent obtenir un agrément de la part de l'Etat avant toute vente d'UC.
Mutualisation. Les UC vendues sont soumises aux mêmes exigences (proximité, équivalence, absence de perte nette) que celles applicables aux mesures de compensations réalisées par le maître d'ouvrage lui-même ou par l'opérateur. L'autorité administrative est chargée de vérifier la correspondance entre les UC et les obligations compensatoires. Avant la loi Industrie verte, ces sites devaient être mutualisés, c'est-à-dire répondre aux besoins en compensation environnementale de plusieurs projets (ancien art. L. 163-3 C. env.).
Complexité technique. Sept ans après sa création, force est de constater que ce dispositif n'a pas connu le succès escompté. Seul le SNC de Cossure (Bouches-du-Rhône) porté par CDC Biodiversité a été agréé par un arrêté du 24 avril 2020. Selon l'exposé des motifs du projet de loi Industrie verte, cet échec s'explique par la complexité technique de la démarche d'agrément : celle-ci nécessitait de préciser les gains écologiques théoriques qui seront obtenus à l'issue d'opérations de restauration non encore engagées. Mais aussi par l'absence d'intérêt des collectivités pour ce mécanisme « insuffisamment inscrit dans une démarche conciliant aménagement du territoire et reconquête de la biodiversité », ou encore par l'impossibilité d'utiliser cet outil dans le cadre d'engagements volontaires.
… aux sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation
La loi du 23 octobre 2023 a donc créé les SNCRR en remplacement des SNC (nouvel ). Ils porteront sur des « opérations de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité ». Selon l'étude d'impact de la loi, l'objectif est de « favoriser le déploiement par des collectivités de sites “clés en main” incluant la compensation environnementale en vue de futures implantations industrielles, notamment sur des sites plus isolés ou dans des territoires au plus faible dynamisme économique ».
Engagements volontaires. Les SNCRR pourront non seulement être utilisés pour répondre aux obligations de compensation écologique des projets mais pourront aussi être mobilisés dans le cadre d'engagements volontaires d'entreprises ou de collectivités en matière de restauration ou de renaturation des milieux. L'article L. 163-1-A précité précise ainsi que les unités peuvent être vendues « à toute autre personne publique ou privée ». Cette double finalité est censée rendre ces sites plus attractifs. De surcroît, ils pourront bénéficier à des projets relevant d'un seul maître d'ouvrage et non plus seulement de manière mutualisée.
Agrément. L'agrément préalable est toujours requis mais ses conditions de délivrance sont plus souples. En effet, le pétitionnaire ne sera plus tenu de démontrer le gain précisément obtenu des opérations de compensation, de renaturation et de restauration, mais le gain écologique « attendu ». En outre, l'agrément devra « notamment » prendre en compte l'intégration du site dans les continuités écologiques - renforçant ainsi sa contribution à la politique de restauration écologique du territoire -, sa superficie et les pressions anthropiques qui s'exercent sur ce site. L'adverbe « notamment » laisse entendre que ces critères ne sont pas limitatifs. Un décret sera nécessaire pour préciser les modalités dudit agrément et celles du suivi des SNCRR, ainsi que la nature et les modalités de vente des unités de compensation, de renaturation et de restauration.
Ces nouvelles mesures permettront-elles aux SNCRR de se développer ? Difficile de le présager d'autant que la disponibilité des terrains répondant aux exigences de la compensation demeure un obstacle majeur.