« Bénéficier d’une écoute plus attentive des pouvoirs publics et de l’Afnor, afin d’élaborer des règles et des textes consensuels, non-discriminants, et conformes, entre autres, aux règles de la concurrence et au principe de liberté d’entreprendre ». Telle est la réaction, sur les réseaux sociaux, du président de l’Union des consultants et ingénieurs en environnement (UCIE) à la décision du Conseil d’Etat du 21 juillet 2021 publiée au « JO » du 8 août. La Haute juridiction administrative annule deux textes concernant les sites et sols pollués, l’un réglementaire – l’arrêté du 19 décembre 2018 définissant les modalités de certification des entreprises en matière de sites et sols pollués - l’autre, normatif.
Attestation réalisée par un bureau d’études certifié
Rappelons que depuis l’adoption de la loi Alur du 24 mars 2014, lorsqu’une demande d’autorisation de construire (ou de lotir ou d’aménager) porte sur des terrains ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif ou situés dans un secteur d'information sur les sols, le maître d’ouvrage doit joindre à son dossier une attestation de la prise en compte et de la mise en œuvre de mesures de gestion de la pollution des sols.
Ce document doit être réalisé par un bureau d'études spécialisé dans le domaine des sites et sols pollués et « certifié conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l'environnement » (art. L. 556-1 du Code de l’environnement). Cette attestation doit garantir la réalisation d'une étude de sols et la prise en compte des préconisations de cette étude pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage futur du site. Elle fait l'objet d'un modèle fixé par arrêté ministériel (art. R. 556-3 du Code de l’environnement).
Par une décision du 19 décembre 2018, le directeur général de l'Afnor a homologué la norme révisée NF X 31-620, et un arrêté du même jour est venu prévoir que les bureaux d'études chargés de délivrer l’attestation précitée devront être certifiés conformément aux parties 1 et 5 de ladite norme et a défini le modèle de l'attestation du bureau d'études.
L’UCIE a demandé à l’Afnor de retirer sa décision d’homologation. Face au refus de l’Association, l’Union des consultants et ingénieurs en environnement et d’autres requérants ont alors formé un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l’Afnor et l’arrêté du 19 décembre 2018.
Accord général
Pour se prononcer sur la légalité de la décision d’homologation, le Conseil d’Etat se fonde sur l'article 1er du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, selon lequel « la normalisation est une activité d'intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées ».
Pour la Haute juridiction, cette disposition signifie « qu'un projet de norme doit recueillir, au terme d'un processus visant à rapprocher toutes les positions exprimées, un accord général, lequel se caractérise par l'absence d'opposition ferme d'une partie importante des représentants des intérêts en jeu à l'encontre d'éléments substantiels du projet. » En l’espèce, un accord général des parties prenantes avait été trouvé, « à l’exception de l'obligation d'emploi d'un superviseur distinct du chef de projet pour certaines prestations ».
Opposition ferme
Dans la recherche du consensus requis, « la commission de normalisation a adapté cette obligation, en autorisant le recours à la sous-traitance ». Toutefois, pour le Conseil d’Etat, cette proposition, bien que destinée à éviter que les exigences de la norme empêchent l'accès au marché des petites structures, « a suscité une opposition ferme d'une partie importante des représentants des intérêts en jeu. Dès lors, eu égard au caractère substantiel des points de désaccord, la commission de normalisation a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet de norme révisée avait été élaboré de manière consensuelle ».
Effets de l’annulation différés
Quant à la légalité de l’arrêté du 19 décembre 2018, les Sages énoncent que s'il était loisible au ministre compétent (en l’espèce, environnement et économie) de reprendre, le cas échéant, le contenu d'un projet de norme préparé par l'Afnor même s'il n'a pas fait l'objet de consensus, en revanche, lorsqu'il se borne à rendre obligatoire tout ou partie d'une norme à laquelle l’arrêté renvoie, « l'annulation de celle-ci au motif qu'elle n'a pas été élaborée de manière consensuelle emporte, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté en cause ».
Et « compte tenu des effets excessifs d'une annulation immédiate et des risques qu'elle comporterait tant pour les porteurs de projets que pour les bureaux d'études », le Conseil choisit « de différer l'effet de l'annulation jusqu'au 1er mars 2022 ».
CE, 21 juillet 2021, n° 428437, JO du 8 août 2021
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