L’un des bureaux d’études les plus importants de l’Est, Serue Ingénierie, fête des 60 ans ce vendredi 25 avril. Il a choisi la formule « Du crayon au BIM » pour résumer les six décennies de son existence et les mutations qui les ont traversées. A la fondation de la Société d’études régionale d’urbanisation et d’équipement en 1965 par Francis Burcklé, « les plans se tracent à la main, les maquettes se montent à la colle et l’ingénierie est une aventure presque artisanale. Aujourd’hui, c’est : modélisation BIM, lean management et gouvernance partagée », exprime sa direction. Celle-ci est incarnée depuis 2013 par le tandem Martial Deboeuf – Thierry Schmitt, troisième équipe dirigeante de la société de 62 salariés établie à Schiltigheim en périphérie de Strasbourg (Bas-Rhin) et qui annonce un chiffre d’affaires de 9,6 millions d’euros en 2024.
« Notre histoire est celle d’une suite de grandes périodes », relate Martial Deboeuf. La première est dominée par les grandes implantations industrielles des Trente glorieuses en Alsace, auxquelles il s’agit de répondre par l’ingénierie des bâtiments. Lui succède celle des « grands équipements » publics des années 1970 au milieu des années 1980. S’ouvre alors l’épopée des transports collectifs, avec la reconquête des villes par les modes alternatifs à la voiture.
Strasbourg se situe à l’avant-garde nationale du mouvement. Après avoir planché pour la municipalité de centre-droit sur l’hypothèse du métro automatique VAL à partir de 1983, la victoire historique des socialistes conduits par Catherine Trautmann en 1989 va lancer l’entreprise, désormais dénommée Serue Ingénierie, sur le chemin de la conception de lignes de tramways. Elle va devenir une référente, appelée par exemple pour l’extension du tram suisse de Bâle à l’agglomération frontalière de Saint-Louis (Haut-Rhin) concrétisée fin 2017. Son association avec six autres bureaux d’études régionaux de taille en France (1) au sein d’« Alliance Ingénierie » lui offre l’occasion d’« exporter » ses compétences, en particulier sur ce sujet des transports urbains. En témoignent la création de la ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) au Mans (Sarthe) en 2016 et l’extension de celle de Toulouse (Haute-Garonne).
Le bureau d’études a déployé hors de Strasbourg son expertise des lignes de tramway acquise dans cette métropole, comme à Saint-Louis (Haut-Rhin) pour le prolongement transfrontalier du tram suisse de Bâle. © Saint-Louis Agglomération
Sur la voie du « tramway sans rail »
Pour autant, « nous avons toujours veillé à ne pas nous spécialiser », souligne Martial Deboeuf. Le bureau d’études a plutôt agrégé les compétences au fur et à mesure de leurs appropriations, de sorte à revendiquer « l’ADN de la mise en œuvre du plan d’ensemble », capable de conjuguer, selon les attentes des donneurs d’ordre, les missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de direction de projet, d’ordonnancement, pilotage, coordination [OPC, NDLR] et les diverses facettes de l’ingénierie de la construction. C’est ainsi que la société a pu associer son nom à une multitude de réalisations majeures principalement à Strasbourg, dont parmi les plus récentes le « Studium » de l’université, la reconversion par Bouygues Immobilier de l’Hôtel des Postes emblématique de la période allemande de la fin du XIXe siècle, la restructuration de la piscine du Wacken, ou plus lointainement le centre commercial Rivétoile, sans oublier sa participation à la maîtrise d’œuvre du nouveau bâtiment du Parlement européen, « l’IPE-IV » à la fin des années 1990.
Les ouvrages de parking forment l’une des autres « étiquettes » associées à Serue, nonobstant son profil polyvalent, tant l’ingénieriste en a accumulé les références à Strasbourg et dans ses environs, comme celui de l’industriel pharmaceutique Merck à Molsheim (Bas-Rhin). L’équipe dirigeante reste attentive à saisir les nouvelles opportunités qui s’ouvrent, comme en ce moment les réseaux de chaleur. Martial Deboeuf les définit comme « une forme de tramway sans rails » pour souligner la convergence de tels projets d’infrastructure avec celle de prédilection de Serue.
La conception d’ouvrages de stationnement (ici, le parking de l’industriel Merck à Molsheim) figure au rang des spécialités atypiques de Serue Ingénierie. © Airmegapix - Laurent Rothan
Ambassadeur du lean chantier
Le bureau d’études se pose aussi en ambassadeur du « lean chantier », l’application à la construction des préceptes du lean management industriel, « au sens du respect des délais et de l’efficacité de coordination entre les corps d’état », précise Martial Deboeuf. « Nous le mettons en œuvre désormais systématiquement lorsque nous exerçons la mission d’OPC ».
Depuis 2018, les dirigeants ont ouvert le capital aux salariés. Près des deux tiers d’entre eux ont fait suite à la proposition et détiennent 40 %. De plus, Serue Ingénierie a adopté le statut d’entreprise à mission il y a deux ans.
(1) Hexa (Nord), Cetrac (Nantes), Cetab (Bordeaux), Cler Ingénierie (Lyon), Garcia Ingénierie et R2M (Marseille)
