Chaque été, lors de sa traditionnelle (et légale) revalorisation en juillet, le Smic rattrape le ou les premiers niveaux de salaires minima fixés par les conventions collectives, et ce tous secteurs confondus. La crue fut particulièrement sensible en juillet 1997 en raison du « coup de pouce » donné (+ 4 %). Le BTP n'y échappe pas et les deux premiers coefficients de la grille ouvriers des travaux publics sont rattrapés dans la quasi totalité des régions (1).
« Comme chaque année, observe la fédération régionale des travaux publics (FRTP) de la région Paca, nous avons décidé fin 1996 une double augmentation de nos minima, en janvier et en octobre 1997. Malgré ceci, notre deuxième niveau est sous le Smic. Nous réunirons nos partenaires sociaux en fin d'année pour 1998. Nos augmentations ont toujours été supérieures à l'inflation. Mais aujourd'hui, les chefs d'entreprise de la région sont frileux, d'autant que se profile la conférence nationale du 10 octobre sur les salaires et la réduction du temps de travail ». Des craintes partagées par la FRTP Picardie. « Nous sommes relativement attentistes. En juillet dernier, nous avons négocié avec nos partenaires pour sortir le deuxième coefficient au-dessus du Smic. Nous avons adopté une valeur de point différente pour les deux premiers coefficients (100 et 110) et les autres ». Une tactique adoptée également par la fédération régionale du bâtiment (FRB) du Nord-Pas-de-Calais qui a pris une décision unilatérale pour sortir le deuxième coefficient de la grille bâtiment du Smic. « C'est une position d'attente », convient cette fédération.
Les pratiques diffèrent d'une région à l'autre
Globalement, les TP s'en sortent moins bien que le bâtiment. Trois régions seulement ont hissé dans les TP leur deuxième coefficient ouvrier au-dessus du Smic, dont la région Ile-de-France qui n'a pas revalorisé sa valeur de point depuis 1995. « De toute façon, on négocie les minima, fait observer un négociateur régional, pas les salaires réels » (2). Dans le bâtiment, davantage de régions ont hissé leur deuxième coefficient (170) au niveau du Smic. Faut-il y voir l'effet du binôme (voir encadré) ? Les pratiques diffèrent sensiblement d'une région à l'autre. « Le binôme est un élément de souplesse dans les négociations, remarque FO. En cette période de conjoncture difficile et de faible inflation, les régions préfèrent jouer sur la partie fixe et ouvrir la grille quand ça va mieux ». « Notre souhait, précise la CFDT, est une diminution de la partie fixe et une augmentation de la valeur du point, afin d'offrir aux salariés une véritable reconnaissance de leurs qualifications » . « Ces dernières années, explique la FRB Bretagne, nous avons pratiqué une forte hausse (3 % environ) de la valeur du point. Notre politique consiste à combler la baisse du pouvoir d'achat du fait de l'inflation et à donner un petit coup de pouce (+ 2,2 % cette année). Si l'on veut attirer les jeunes, il faut que nous ayons une politique salariale plus motivante » . La FRB Picardie a décidé de majorer la partie fixe pour les deux premiers coefficients, tandis que sa consoeur d'Aquitaine « applique une augmentation linéaire de la valeur du point et de la partie fixe. Pour la première fois, nous n'avons pas augmenté les minima en début d'année et nous avons prix une décision unilatérale début juillet. La conjoncture est très difficile », précise-t-elle. C'est en Rhône-Alpes que se rencontre la partie fixe la plus faible (732 francs) et la valeur de point la plus élevée (36,53 francs).
L'instauration du binôme dans les TP n'est pas à l'ordre du jour, rappelle la FNTP, ni d'ailleurs la remise à plat des grilles Etam et cadres que demandent depuis plusieurs années les fédérations syndicales. L'attentisme prime.
(1) Voir les valeurs du point ouvrier récapitulées dans les cahiers détachables de ce numéro. (2) Voir l'enquête salaires publiée dans ce numéro, p.52.
Une grille nationale, des négociations régionales
Concernant les ouvriers, les partenaires sociaux définissent au niveau national une grille de classification et un mode de calcul des salaires minima. Les TP conservent un système classique (valeur du point x coefficient = salaire minima). Le bâtiment a opté depuis 1991 pour le binôme, comprenant une valeur du point et une partie fixe (partie fixe + (valeur du point x coefficient) = salaire minima. Il incombe ensuite au niveau régional, très rarement au niveau départemental, de définir la valeur du point (et de la partie fixe pour la grille bâtiment), ce qui explique les disparités d'une région à l'autre (voir tableau).
TABLEAU : Minima : des réalités régionales disparates
D'une région à l'autre les minima ouvriers peuvent varier de façon assez importante.