Ministre de la Ville... et de Marseille. Après Bernard Tapie et Jean-Claude Gaudin, Sabrina Agresti-Roubache est la troisième élue de la deuxième villedu pays à récupérer le portefeuille de la Ville dans un gouvernement. Trente ans après l’ancien patron de l’Olympique de Marseille, éphémère ministre du gouvernement Bérégovoy (4 mois en deux périodes) et vingt-six ans après le passage de l’ancien sénateur-maire en tant que ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ville et de l'Intégration du second gouvernement Juppé entre 1995 et 1997, cette ancienne productrice audiovisuelle entrée en politique sur le tard a été promue secrétaire d’Etat à la Ville et au plan Marseille en grand du gouvernement Borne 3. Une consécration attendue pour cette femme de 46 ans dont la faconde et le parcours ont séduit le couple Macron en 2016, lors d’un déplacement sur les rives du Vieux-Port de celui qui était alors ministre candidat à la présidentielle.
Une enfance dans la cité Félix Pyat
Les enjeux âpres de la politique de la ville, la nouvelle secrétaire d’Etat a eu l’occasion de les appréhender de près durant son enfance passée dans la cité Félix Pyat, une grande copropriété dégradée des quartiers nord dans le radar de l’arsenal de la rénovation urbaine depuis la fin des années 1990. Une origine populaire que celle qui fut élue députée sous l’étiquette Renaissance dans une circonscription des quartiers Est en 2022 n’hésite pas à brandir comme un certificat d’authenticité dans un sérail politique friand de symboles.
Cet ancrage dans une cité aujourd’hui inscrite dans le plan national initiative copropriétés est à vrai dire l’un des seuls liens avec son mandat ministériel. La politique de la ville, la nouvelle secrétaire d’Etat n’en maîtrise pas les rouages institutionnels et administratifs. Son passé de productrice audiovisuelle ne l’a pas amené à se plonger dans la gestion quotidienne de ces quartiers où les bailleurs sociaux sont souvent investis du rôle ingrat de voiture balai de la République. Un manque d’expérience du terrain social qui la rapproche finalement de ses deux prédécesseurs phocéens.
Discours sécuritaire
Alors qu’elle aura pour directrice de cabinet Chloé Lombard, ex-cheffe de pôle, coordination des politiques de la ville et du logement, rénovation urbaine et contrats de ville au cabinet d’Olivier Klein, Sabrina Agresti-Roubache n’a laissé poindre aucune piste quant à ses priorités. Elle s’en est tenue à ce qu’elle maîtrise le mieux : l’image, considérant sa nomination comme un « signal fort post émeutes ».
Un signal qui sera rapidement mis à l’épreuve du réel. Notamment à Marseille, ville qui concentre une dizaine de quartiers inscrits en Quartiers Prioritaires de la Ville, où l’Anru injecte plus d’un milliard d’euros dans une œuvre régénératrice qui se frotte régulièrement aux méandres du microcosme politique local. Et cette fois, pas d’exception marseillaise à mettre en avant : alors qu’en 2005, la métropole méditerranéenne avait échappé aux émeutes, après la mort de Nahel, son centre-ville s’est lui aussi embrasé en juillet.
En 1995, Jean-Claude Gaudin avait dégainé un antidote miracle pour relancer l’économie des quartiers sensibles : les zones franches urbaines. Un dispositif qui avait connu des résultats contrastés dans l’Hexagone. Mais pas à Marseille, avec une ZFU (Saumaty-Séon) qui avait attiré les investisseurs en masse, ces derniers étant alors séduits autant par les carottes fiscales que par les grands tènements fonciers proches du port et de l’autoroute.
Un quart de siècle plus tard, Sabrina Agresti-Roubache tient un discours plus sécuritaire. Une rhétorique en phase avec les attentes d’une population qui vit sous le joug des trafiquants de stupéfiants. Et son secrétariat d’Etat est placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. Plus qu’un symbole : un symptôme du glissement de la politique de la ville vers des enjeux moins urbanistiques. La police plutôt que la polis.