Comment transformer un territoire en déclin démographique et à l’image dégradée par des immenses usines au panache gris en destination touristique et économique incontournable ? Pour Patrice Vergriete, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, né en 1968 dans un quartier populaire de Dunkerque, où ses parents occupent toujours un logement social, l’aménagement joue un rôle central.
Transport en commun
Pour changer l’image de sa ville, modifier les comportements, voire dégager du foncier pour créer des logements, l’expert en urbanisme, qui a notamment dirigé l’agence d’urbanisme dunkerquoise, a d’abord mis le paquet sur ... les transports en communs. « Nous avons réalisé 560 millions d'euros de travaux d'aménagement, notamment pour notre projet de bus gratuit, qui a changé le visage de l'agglomération. Nous y sommes allés fort, avec des travaux concentrés sur moins de deux ans ! » soulignait-il en 2021 dans Le Moniteur.
Première mondiale
Cette amélioration conséquente de l’offre de transport en commun couplée avec sa gratuité, une première mondiale pour une agglomération de cette importance (200 000 habitants), à l’époque, fait mouche. « La fréquentation des bus a augmenté de 50 % en semaine et de 140 % le week-end ! Cette hausse a même des impacts sur notre foncier disponible. En centre-ville, 25 % de la surface est constituée de parkings. Aujourd'hui, avec cette nouvelle mobilité, un tiers des places sont libres », expliquait-il au Moniteur en 2018.
En parallèle, pour booster l’attractivité touristique mais aussi pour attirer les cadres, Patrice Vergriete a investi des millions sur l’aménagement du front de mer avec le gros chantier de rénovation de la digue de mer de Malo-les-Bains, le quartier balnéaire de la ville. « Un joyau dont le potentiel n’était pas exploité à sa mesure », rappelle-t-il souvent.
Hôtel 4 étoiles
Symbole le plus fort de ce renouveau : L’imposant hôtel Radisson Blu et sa façade de style art déco qui a ouvert en décembre dernier à l’extrême ouest de la digue. Quatre étoiles, un spa, un restaurant, 110 chambres et 18 000 personnes hébergées depuis l’ouverture.
Jamais encore Dunkerque n’avait disposé d’un équipement hôtelier de ce standing. Et la ville n’en a pas encore terminé avec ses ambitions puisqu’elle a dévoilé un projet d’extension de sa digue jusqu’au port de plaisance à l’ouest, avec cafés, restaurants et plusieurs centaines de logements haut de gamme d’ici 2030.
Logements neufs
Côté logement, justement, le nouveau ministre a aussi montré de l’ambition et s’est révélé maire bâtisseur afin de freiner la perte de population à laquelle le territoire était confronté mais aussi d’éviter que les prix de l’immobilier ne flambent. « Nous sommes devenus attractifs pour les promoteurs privés. Plus de 2 000 logements sont déjà en construction, uniquement sur l'hypercentre. L'objectif est bien de densifier le centre-ville, pour y dynamiser le commerce. En tout, 4 500 nouveaux logements sont prévus sur ce mandat, avec des projets qui comprennent jusqu'à 30 % de logements sociaux selon leur positionnement. Et nous avons encore des réserves foncières », se satisfaisait-il en 2021, tout juste réélu maire.
Les efforts consentis et le soin porté au niveau de l'aménagement et de l'urbanisme ont aussi permis de relancer l'écoquartier du Grand Large.
Recréer des bureaux
Et le Dunkerquois a aussi poussé fortement pour recréer une offre de bureaux neufs, devenue inexistante sur la ville car aucun programme de bureaux conséquent n’avait été mené depuis 20 ans. Et ce pari aussi semble gagné avec l’opération Quai de Leith couplant bureaux et hôtel.
Industrie décarbonée
Mais Patrice Vergriete, c’est aussi le chantre de la décarbonation industrielle et du développement de nouvelles filières dans l’énergie décarbonée, lui qui, depuis 2014, a fait de Dunkerque, le « laboratoire de toutes les transitions », selon la formule adoptée par la communauté urbaine.
Un engagement, notamment incarné par le « Collectif CO2 » et le pôle Euraénergie mis en place par les industriels locaux et la communauté urbaine en collaboration avec la CCI Littoral Hauts-de-France et le port de Dunkerque. Objectif : réduire de 30 % les émissions de CO2 en 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050.
Un tiers des émissions carbone de la région
Pari osé quand on sait que les industriels du Dunkerquois sont responsables de presque un tiers des émissions de la région Hauts-de-France. La dynamique impulsée a favorisé le changement de cap des industriels et la captation par ces derniers de millions d’euros de financements de l’état, mais aussi de l’Europe. La politique volontariste menée par un des industriels phares du Dunkerquois, Arcelor Mittal, un des plus gros émetteurs de carbone des Hauts-de-France, illustre bien le virage pris. Et ce pari d’une industrie « verte » couplé à un foncier disponible et « clefs en main », sur le port de Dunkerque attire.
20 000 emplois attendus
Le territoire connaît ainsi une réindustrialisation inédite et est en passe de devenir « la vallée de la batterie électrique » avec l’implantation de deux gigafactories, l’une française, Verkor, et l’autre taïwanaise, ProLogium. Il va également accueillir deux réacteurs EPR nouvelle génération. D’ici 10 ans, ce ne sont pas moins de 20 000 nouveaux emplois qui sont attendus sur le territoire. Du jamais-vu depuis les années 1960.
Patrice Vergriete dit désormais vouloir quitter la mairie de Dunkerque où son premier adjoint, Jean Bodart devrait lui succéder. Cependant, selon une interview donnée à nos confrères de La Voix du Nord, il souhaiterait conserver la présidence de la communauté urbaine. Et cela au moment même où le territoire est confronté à de nombreux défis parmi lesquels la construction de logements, la formation des jeunes et le développement des transports à plus grande échelle pour répondre aux enjeux multiples des 20 000 emplois annoncés.