«La priorité est d'apporter une solution durable au recyclage et à la valorisation des matériaux inertes, dans un souci de préservation de l'environnement, insiste Alain Mazza, président de la FRTP Rhône-Alpes (1). Outre la mobilisation des entreprises, l'implication des collectivités est un préalable nécessaire pour une mise en pratique partenariale. » Le tout sur fond de nouvel élan suggéré par la fin de la mise en décharge des déchets (autres que les déchets ultimes) dès juillet 2002.
Au rang des avancées, on inscrira les plans départementaux des déchets du BTP qui constituent autant de guides à destination des intervenants de l'acte de construire. On y ajoutera l'engagement de la Direction des routes en faveur de la réutilisation des fraisats et autres matériaux dans le domaine routier.
Autre atout, le Code des marchés publics réformé. « Il prévoit que le maître d'ouvrage peut imposer des conditions d'exécution particulières liées à l'environnement en les inscrivant au cahier des charges », explique Jean-Louis Courbon, secrétaire général des fédérations régionales Rhône-Alpes bâtiment et travaux publics. Pour les variantes, il ajoute : « sauf interdiction expresse et motivée du maître d'ouvrage, elles sont toujours autorisées : ce qui ouvre un choix de réponses extraordinaire à l'entreprise ».
« D'autres freins restent à lever », déplorent Alain Mazza et ses confrères présidents de l'Unicem Rhône-Alpes, du Sprir Rhône-Alpes et de BTP Rhône. Ces blocages sont de trois ordres : économique, car le produit recyclé n'est pas toujours concurrentiel des granulats naturels ; normatif, car, selon la réglementation, la filière agréée est obligatoire mais quasi inexistante dans le BTP ; et enfin psychologique, car les matériaux recyclés sont souvent considérés comme des matériaux d'occasion et le faible retour d'expérience sur leur qualité freine les donneurs d'ordre.
« Compte tenu des augmentations qui menacent la production de produits nobles, les produits recyclés, déjà utilisés par la maîtrise d'ouvrage privée, vont devenir économiquement intéressants », estime Alain Mazza.
L'imminente parution du guide d'utilisation des graves de recyclage de démolition et de mâchefer pour le Rhône (lire l'entretien avec Pierre Silvestre) devrait libérer de certaines pesanteurs.
Les entrepreneurs, tout comme les syndicats professionnels de la construction, n'ont pas attendu pour prendre position. Ainsi, l'Unicem Rhône-Alpes a-t-elle, à l'automne 2001, installé une commission recyclage des déchets pour véhiculer une politique régionale en matière d'harmonisation des contraintes de remblaiement, de savoir-faire et de développement durable, participer à l'émergence d'un guide régional de l'utilisation des matériaux recyclés, enfin pour partager les expériences acquises dans les différents plans départementaux de gestion des déchets du BTP.
« En réponse aux interrogations de la maîtrise d'ouvrage publique, l'industrie routière rhônalpine démontre depuis fort longtemps un savoir-faire technique dans le recyclage des matériaux et dans leur valorisation sur chantier », se réjouit Jean-Noël Ducruet, président du Sprir Rhône-Alpes. Ainsi, dès 1994, Screg Sud-Est a mis en oeuvre des bouteilles plastiques en remblais légers, une technique abandonnée depuis le tri sélectif.
Des maîtres d'ouvrage montrent également la voie. La Société française du tunnel routier du Fréjus, pour la réalisation de l'A43, a marqué sa volonté d'intégration environnementale jusqu'à imposer une revalorisation des déchets : 80 000 pneus usagés de poids lourds, 30 000 m3 de boues de compost et 9 000 m3 de mâchefers (2).
Le conseil général du Rhône est très incitatif
Ou encore le conseil général du Rhône « particulièrement incitatif, selon Pierre Sanselme - ingénieur qualité au département du Rhône, en charge des relations avec le Grand Lyon et la DDE pour la valorisation des déchets recyclés dans le génie civil - sur la valorisation des matériaux recyclés depuis une délibération de 1994 qui admet, dans les appels d'offres, les variantes sur la mise en oeuvre de ces matériaux ».
Producteur abondant de mâchefers, le Grand Lyon demeure, paradoxalement, un faible prescripteur malgré une volonté marquée par Raymond Barre, son président d'alors (3). « Un triple postulat mécanique, environnemental et concurrentiel, sous-tend cette constatation pour un Grand Lyon dont la voirie est composée surtout de chaussées enterrées », justifie Jack Rampignon du laboratoire de la voirie du Grand Lyon.
Cela n'empêche pas Claude Pillonel, vice-président du Grand Lyon en charge de la voirie, de travailler à l'intégration d'une rubrique éco-matériaux dans les marchés, tout comme Etienne Tête, adjoint en charge des travaux et des marchés de Lyon, de s'interroger, dossier par dossier, sur les opportunités d'emploi des matériaux recyclés ou de substitution.
Face à ce constat, la FNTP propose une action en six points, déclinée en Rhône-Alpes : instaurer un état des lieux environnemental ; prendre en compte l'élimination des déchets dans les dossiers d'appel d'offres ; recourir aux matériaux recyclés ; sensibiliser les décideurs publics ; et obtenir l'adhésion des entreprises. « A la lumière du long chemin parcouru depuis cinq ans, je suis optimiste pour le futur », prophétise Alain Mazza qui, pour les matériaux d'occasion comme pour les matériaux neufs, parie sur la qualité de la production. Un message sensible adressé aux maîtrises d'ouvrage.
(1) La FRTP et la FRB Rhône-Alpes ont conjointement recruté un spécialiste ès-environnement.
(2) « Le Moniteur » du 21/07/00, p. 36.
(3) « Le Moniteur » du 26/02/99, p. 162 et du 26/03/99, p. 146.
PHOTOS :
Regemat dispose à Anse (Rhône) d'une installation de traitement et de valorisation de déchets du BTP qui produit chaque année 100 000 t de matériaux recyclés
.Signe du dynamisme des «noirs», Ferrari TP (Screg Sud-Est) mettait en oeuvre, dès 1995, quelque 1 225 m3 de pneus usagés (système Pneusol) pour la reprise d'un virage en épingle à Hermillon (Haute-Savoie).