Rhône-Alpes Les acteurs retiennent leur souffle

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Il y a crise. Personne ne le nie plus en Rhône-Alpes. Mais quelle en est la profondeur et à quel moment ses effets s’en feront-ils vraiment sentir ?

Économie régionale

Comme au niveau national, la région subit un passage à vide difficile à évaluer. « Pour bon nombre de secteurs, les derniers mois ont été marqués par un ralentissement de l’activité », affirme Jean-Paul Mauduy, président de la CRCI Rhône-Alpes, qui devrait se poursuivre au troisième trimestre. Ce que confirme la dernière enquête de la Banque de France notant que « l’orientation défavorable de l’activité constatée depuis le printemps en Rhône-Alpes, s’est confirmée en octobre », affectant la plupart des secteurs d’activité, en particulier la métallurgie, la plasturgie et l’automobile. Dans tous les secteurs, le nombre de créations d’entreprise diminue. Néanmoins, l’investissement de l’industrie a bien résisté au deuxième trimestre, les délais de paiement se sont réduits et les exportations régionales ont continué de progresser. Enfin, Rhône-Alpes a continué d’enregistrer un emploi salarié en progression. « Il me semble capital de tout entreprendre pour endiguer les spirales du pessimisme », souligne Jean-Paul Mauduy qui, comme beaucoup, pointe du doigt une perte de confiance que rien ne légitime.

Économie du BTP

La disparité des réactions est éloquente. Certes, la dernière enquête de conjoncture (octobre) de la FFB est totalement orientée à la baisse, qu’il s’agisse du gros œuvre ou du second œuvre. Et le dernier trimestre 2008 rend le secteur plus pessimiste : trésorerie, carnets de commandes, effectifs, tout est orienté à la baisse. Sur le terrain, le constat est pourtant moins sombre. Entre avril et octobre, David Guilleman, président de la Capeb Rhône, constate « un ramollissement au niveau des demandes. C’était beaucoup plus dynamique il y a six mois, un an. On avait même un surcroît d’activités ». Une aubaine pour le négoce et les 38 000 entreprises du BTP de Rhône-Alpes, « mais ce n’était pas une croissance naturelle, on atteignait des pics ». Et, de fait, « les premiers effets se sont fait sentir cet été et se confirment aux troisième et quatrième trimestres », observe Alain Berlioz-Curlet, président de la Capeb Rhône-Alpes, « mais on ne peut pas dire qu’on soit déjà vraiment dans la crise ». Plutôt, comme le disent les professionnels du secteur, « dans un retour brutal à la normalité ». Mais après ? « Le pire est à venir, selon David Guilleman. Chez nos clients, la trouille est omniprésente, on revient dans une zone de concurrence normale, celle qu’on connaissait il y a six ou sept ans. »

La situation présente de multiples contrastes

Les avis sont très partagés. Alain Bernard, Pdg de F. Bernard SA (23 salariés, 6 M€ de CA/2007), remarque : « On a été très bien jusqu’à fin septembre. Octobre mollissait, novembre aussi, mais ce n’est pas le drame ». Le fondateur, il y a trois ans, du groupement Aubern et cheville active de CMEM (Centrale multi enseignes matériaux) groupement de groupements, note même à propos des interruptions de chantiers : « Le côté positif, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de stocks. Les promoteurs ayant arrêté de construire, si on continue comme ça, on va se retrouver en état de pénurie. Ce qui peut laisser espérer un redémarrage ».

A l’évidence, non seulement tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne, mais on constate les plus grandes disparités sur le terrain.

Ainsi, selon Franck Bernigaud, président de la Fédération des négociants de matériaux en construction de Rhône-Alpes (qui inclut aussi l’Allier, la Haute-Loire et la Saône-et-Loire), « 2009 s’annonce très compliquée (…) ». Evoquant les cinq établissements BigMat dont il s’occupe, il note : « Les agences qui travaillent sur le neuf sont très touchées. Celles installées à la campagne sont plus sereines et s’attendent globalement à un marché soutenu grâce à la rénovation ». Mais son verdict est clair : « On est dans le flou artistique, c’est la première fois depuis vingt ans que je ressens cela. On s’attend à tout, au point que, sur les prévisions, je ne sais pas quoi mettre ».

Côté négoce de matériaux, la baisse des carnets de commandes s’étale de - 10 % pour les « nationaux locaux » à - 20 %, passant « du jour au lendemain » de un an à trois mois. Les promoteurs de maisons individuelles accusent une baisse de « - 20 à - 30 % ». Et surtout, le gros œuvre serait le plus atteint, accumulant les stocks (moellons, etc.). En revanche, les couvreurs n’ont pas constaté de baisse d’activité. « On n’a pas trop d’explication rationnelle », dit Franck Bernigaud mais, selon lui, comme pour beaucoup d’autres, le « matraquage médiatique » a été déterminant. Conséquence la plus nette : « On ne parvient pas à garder nos marges. C’est le leitmotiv des confrères. Faire - 5 % ou - 10 %, ce n’est pas grave. Le plus gros souci, c’est de se faire payer, de ne pas prendre un “carton” en 2009 ».

Le secteur plomberie-sanitaire semble plus préservé. Selon David Guilleman, même si elle se révèle plus tendue, l’activité se maintient. « Il y a six mois, on avait beaucoup d’avance. Aujourd’hui, on revient dans une zone de concurrence normale telle qu’on l’a connue il y a six ou sept ans. Il ne faudrait pas que ça continue de baisser. » Bernard Céramique, dont la clientèle est professionnelle à 95 %, enregistre pour sa part, une progression de 25 % de son CA sur le carrelage-sanitaire. « Les particuliers soignent de plus en plus leur installation sanitaire », remarque son Pdg, Alain Bernard.

Côté électricité, enfin, le secteur reste stable. Thierry Touzard, électricien et président de la Capeb Nord-Isère, note que l’activité est assurée durant tout le premier semestre 2009. « Après, on entre dans une période d’incertitude. »

Les initiatives originales concernent le développement durable

Tout ce qui touche au développement durable est aussi de plus en plus demandé. « Le bois est très tendance. Alors qu’avant il faisait peur, il est désormais recherché », note Alain Bernard. Ce que confirme Alain Berlioz-Curlet : « Avant c’était embryonnaire, désormais ça se multiplie ». Le Grenelle de l’environnement fait ici de plus en plus sentir ses effets. « Il y a des créneaux à prendre », observe le président de la Capeb Rhône-Alpes, que ce soit, comme le rappelait également Bernard Fontanel, président de la FFB Rhône-Alpes, sur le secteur de l’entretien-rénovation, ou sur l’adoption de la réglementation thermique dans l’existant. L’isolation apparaît de plus en plus au centre de tout, tout comme les toitures économiques, les maisons moins sophistiquées, aux formes plus simples, « on sent que c’est le créneau de l’avenir ». D’où l’importance de la mise en place prochaine du label « Eco-artisan », attendu pour la fin du premier semestre 2009. En tout cas, les professionnels du négoce privilégient encore plus qu’avant le « sérieux » et la qualité. « Tout le monde tente d’en faire beaucoup pour les clients », explique Franck Bernigaud.

Les grands chantiers urbains comme soupape nécessaire

Enfin, si les grands programmes de neuf sont stoppés, de nombreux chantiers de rénovation HLM se poursuivent. A Lyon, c’est le cas de quelques opérations phares en cours ou à venir, ainsi le grand projet de ville de la Duchère ou l’aménagement du quartier Confluence à Lyon-Presqu’Ile qui « donneront du travail en cascades » ou encore la rénovation des établissements scolaires (lycées, etc.) ou hôteliers.

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