Alors que le projet de schéma de cohérence territoriale (Scot) de la Métropole du Grand Paris fait actuellement l’objet d’une enquête publique (du 3 octobre au 5 novembre), la Ville de Paris poursuit la procédure de révision de son plan local d'urbanisme (PLU), qu’elle veut « bioclimatique ».
Dernière phase de concertation
Par délibération des 15-17 décembre 2020, le Conseil de Paris a prescrit la révision de son document d'urbanisme, en lui assignant cinq objectifs : une « ville inclusive et solidaire », une « ville aux patrimoines et paysages préservés », une « ville durable, vertueuse, résiliente et décarbonée », une « ville attractive et productive », une « ville actrice de la métropole ».
L’année suivante, il a délibéré sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables (PADD), mises à la concertation publique, en application de l’article L. 103-2 du Code de l’urbanisme (C. urb.).
Au-delà des modalités traditionnelles d’information (en particulier via le site internet de la ville), des étapes de concertation sont prévues au fur et à mesure de l’avancement de l’écriture du document d’urbanisme. C’est ainsi que, du 5 septembre au 4 novembre 2022, est ouverte une nouvelle et dernière phase de concertation, portant sur une partie des projets d’orientations d’aménagement et de programmation (OAP) et du règlement. « Il s’agit de la phase de concertation la plus concrète puisque vous allez pouvoir vous exprimer sur les changements et les évolutions que vous souhaiterez voir demain dans votre rue, votre quartier, votre arrondissement et même à l’échelle de la ville », indique le site internet de la ville.
De nouvelles OAP
Les OAP, dans la mesure où elles ne fixent que des orientations - et non des prescriptions -, ne s’imposent aux autorisations d’urbanisme que dans un rapport de compatibilité (art. L. 152-1 C. urb.). Cette compatibilité laisse donc une certaine marge d’appréciation aux acteurs, les projets faisant l’objet des demandes d’autorisation ayant uniquement l’obligation de ne pas remettre en cause les choix essentiels traduits dans ces orientations.
Le Code de l’urbanisme distingue plusieurs types d’OAP :
- les OAP dites « thématiques » (art. L. 151-7 C. urb.),
- les OAP dites « sectorielles » qui concernent des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, renaturer, restructurer ou aménager (art. L. 151-7 C. urb.).
- les OAP dites « de secteur d’aménagement » (art. R. 151-8 C. urb.).
La particularité de ces OAP de secteur d'aménagement tient à ce qu’elles définissent à elles seules les conditions d’aménagement et d’équipement de secteurs particuliers. Elles s'appliquent de manière autonome, dans les secteurs des zones U et AU où elles sont instituées, sans prescription dans le règlement. Elles sont le principal vecteur de l’urbanisme dit « de projet » car elles permettent de soumettre à une réglementation souple, sous la forme d’orientations, des secteurs dont l’urbanisation n’est pas figée et dont le devenir peut en partie être dessiné en fonction des initiatives des opérateurs publics ou privés. Ainsi, si le projet d'aménagement évolue, il n'est pas nécessaire de modifier le règlement.
En raison de cette particularité, elles doivent faire l’objet d’une justification particulière dans le rapport de présentation du PLU, porter au minimum sur les objectifs listés à l’article R. 151-8 du Code de l'urbanisme (insertion architecturale, mixité, qualité environnementale et prévention des risques, stationnement et desserte) pour garantir la cohérence avec le PADD et comporter un schéma d’aménagement précisant les principales caractéristiques d’organisation spatiale du secteur.
OAP thématiques
Le PLU parisien comporte actuellement une OAP thématique en faveur de la « cohérence écologique » qui serait remplacée par une OAP « biodiversité et adaptation au changement climatique » et une OAP « espace public », auxquelles s’ajouteraient 4 autres nouvelles orientations :
- une OAP « quartier du quart d’heure » visant notamment à favoriser le renforcement, la requalification et la diversification du commerce de proximité ; à encourager la préservation et la création de lieux pour l’agriculture urbaine ainsi que l’intégration de la logistique urbaine dans la ville pour décarboner le « dernier kilomètre » ;
- une OAP « liens métropolitains » tendant notamment au renforcement des porosités avec les communes limitrophes, via un travail important sur les franchissements du boulevard périphérique et la revalorisation des portes. Cette OAP identifie cinq secteurs spécifiques qui seraient soumis à des orientations localisées, et notamment le boulevard périphérique ;
- une OAP « héritage et transformation » visant à promouvoir la réhabilitation du bâti existant. L'idée est de conserver au maximum les éléments existants, réemployer les matériaux, offrir des espaces extérieurs, promouvoir l’isolation thermique des bâtiments, la transformation et la végétalisation des toits en zinc et la végétalisation des pignons. Cette OAP risque de donner lieu à des discussions compliquées avec les architectes des bâtiments de France, ces derniers étant davantage sensibles à la conservation, voire la restitution des toitures anciennes plutôt qu'à leur végétalisation ;
- une OAP « construction neuve » tendant notamment à favoriser une architecture bioclimatique et réversible (par exemple, favoriser les volumes qui permettent la réversibilité du bâti, en portant attention à la structure, la distribution des réseaux et aux circulations verticales). A noter que la réversibilité sera toutefois limitée par le contrôle des destinations (surface de plancher dédiée à la fonction résidentielle [SPH] et surface de plancher à vocation économique [SPE]).
OAP sectorielles
Par ailleurs, le PLU actuel compte 25 OAP sectorielles. Elles se présentent sous la forme de schémas d’aménagement composés d’un texte explicatif et d’un document cartographique qui décrit le projet de renouvellement urbain souhaité. Dans le cadre du futur PLU, une actualisation de ces secteurs est prévue, en fonction du degré d’avancement des opérations.
Ainsi, le PLU ne comporterait plus que 13 OAP sectorielles parmi lesquelles on relève la création des OAP « Portes de l’Est parisien », qui comprend quatre secteurs de projets dont le nouveau secteur « Python-Duvernois » (20e), « Bartholomé-Brancion (15e), et « Héliport, Suzanne-Lenglen, Frères Voisin /Aquaboulevard » (15e).
Il pourrait utilement être envisagé de transformer certaines de ces OAP sectorielles en OAP « de secteur d’aménagement » afin de permettre une certaine stabilité du document d’urbanisme face à la temporalité longue des projets d'aménagement.
Un règlement innovant
Le règlement est le document le plus important de mise en œuvre des politiques publiques sectorielles que le PLU peut traiter, et qui sont déclinées dans le PADD. Le moins que l’on puisse dire est que les choix exprimés par la Ville de Paris sont résolument volontaristes et annoncent une forte inflexion des possibilités et conditions de construction dans la capitale. En voici quelques exemples.
Moins de bureaux, plus de logements
La Ville de Paris a mis en ligne une carte interactive permettant de visualiser, grâce à un code couleur, des nouveaux emplacements réservés prévus pour des espaces verts, des équipements publics, des espaces de logistique, et surtout des logements.
De nombreux immeubles de bureaux, essentiellement dans le quartier central des affaires (QCA) [8e arrondissement et une partie des 1er, 2e, 9e, 16e et 17e arrondissements] pourraient ainsi être « pastillés » - dans la perspective de rééquilibrer les surfaces d’activité par rapport aux surfaces résidentielles. Sur ce point, il faut souligner que l'inscription en emplacement réservé s'imposera au propriétaire de l'immeuble en cas de travaux de démolition/reconstruction ou de « réhabilitation lourde » ; et que ledit propriétaire a, conformément aux articles L. 230-1 et suivants du Code de l’urbanisme, la faculté d’exercer, à tout moment, son « droit de délaissement » pour solliciter de la Ville de Paris qu’elle fasse l’acquisition de son immeuble. A défaut d’accord entre les parties, le prix est fixé par le juge de l’expropriation, au regard de la valeur réelle de l’immeuble, sans tenir compte de son inscription en emplacement réservé.
Si chaque nouvelle pastille proposée devait se traduire effectivement par un emplacement réservé, on peut s'interroger sur le budget dont dispose la capitale pour faire face aux demandes d’acquisition, en particulier lorsque l’on connaît la valeur des immeubles de bureaux dans le QCA…
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Contrôle des destinations maintenu
En outre, il ne devrait plus être possible d’augmenter la SPE des bureaux existants. Le règlement du PLU va en effet conserver le mécanisme actuel de contrôle des destinations qui interdit, dans le secteur de protection de l’habitation, de transformer de la SPH en SPE, de créer de la SPE supplémentaire lorsque l’immeuble est mixte, et qui limite l’extension d’un immeuble d’activité à 10 % de la SPE existante.
Au contraire, une servitude de mixité fonctionnelle imposerait, au-delà d’un certain seuil de surface de plancher, d’aménager un minimum d’habitation à l’occasion de toute opération de construction neuve et de « restructuration lourde ». A cet égard, il serait opportun que le PLU donne une définition précise de ce que recouvre les notions de « restructuration », « réhabilitation » ou « rénovation lourde » qui rendraient applicables certaines servitudes (emplacement réservé, mixité fonctionnelle, etc.).
Logements sociaux
Parallèlement, les obligations de création de logements, notamment sociaux, seront renforcées : augmentation du pourcentage dans certains arrondissements, abaissement du seuil de déclenchement - de 800 à 500 m² - de la servitude de mixité sociale, servitude de taille minimale des logements, etc.
Urbascore
Par ailleurs, la Ville de Paris étudie la mise en place d’un dispositif permettant de valoriser les projets architecturaux et urbains particulièrement innovants et sobres : « la valorisation des externalités positives ». Lesquelles correspondent aux « effets bénéfiques [du projet] sur son environnement urbain, environnemental et social, à l’échelle du voisinage jusqu’à celle du territoire de Paris », expose l'avant-projet.
A notre sens, il s’agit là de la proposition la plus audacieuse sur le plan juridique : « Les projets de construction neuve ou de restructuration lourde seraient évalués sur trois grandes thématiques : biodiversité et environnement ; programmation ; efficacité et mobilités. Pour chacune de ces trois thématiques, trois critères quantitatifs ou qualitatifs seraient fixés, dépassant les niveaux de base attendus dans le règlement. Tout projet devrait atteindre un seuil de performance majoré sur trois des neuf critères, dans au moins deux thématiques », afin de pouvoir être autorisé.
On suppose que le fondement légal de ce « scoring » sera l’article R. 151-12 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel « les règles peuvent consister à définir de façon qualitative un résultat à atteindre, dès lors que le résultat attendu est exprimé de façon précise et vérifiable ». Mais la rédaction de cette règle qualitative - dont l’objet est d’exiger des pétitionnaires un certain dépassement de règles quantitatives fixées par le règlement - risque de s’avérer complexe.
Réchauffement climatique
L’un des axes majeurs du futur PLU parisien est de lutter contre le réchauffement climatique. Dans cette optique, le futur règlement comprendra des règles renforcées en matière de protection/création des espaces verts, de végétalisation des parcelles, d'aménagement d’espaces de pleine terre, de performances environnementales,… qui demeureront - comme c’est actuellement le cas - différentes selon que les travaux portent sur une construction nouvelle ou une réhabilitation.
Règle de hauteur
Enfin, il faut relever que le projet de règlement envisage une refonte de la règle maximale de hauteur, avec notamment la disparition des « filets de hauteur » et l’apparition d’une règle qualitative, permettant la prise en compte de l’environnement existant. Les cœurs d’îlot accueilleraient ainsi des constructions d’une hauteur limitée à 15 mètres, sauf exception, et les bâtiments auraient vocation à s’implanter autour de cœurs d’îlots végétalisés.
La Ville de Paris annonce un calendrier assez ambitieux, avec un arrêt du projet de PLU début 2023, une enquête publique au milieu de l’année 2023, et une approbation fin 2023 – début 2024, étant souligné que - pendant toute cette période et depuis la délibération de novembre 2021 sur les orientations du PADD - la maire peut surseoir à statuer sur toute demande d’autorisation d’urbanisme qui serait manifestement contraire au projet de PLU.