Depuis son adoption en juin 2006, le plan local d'urbanisme (PLU) de la Ville de Paris a fait l'objet de plus d'une trentaine de procédures d'évolution, dont trois modifications dites générales, la dernière adoptée en juillet 2016. Celle-ci avait pour principal objet de pallier la suppression du coefficient d'occupation des sols (COS) par la n° 2014-366 du 24 mars 2014. Elle a aussi introduit des dispositions en faveur de l'environnement, qui exigent notamment des constructions un niveau renforcé de performance énergétique et environnementale (nouvel article 15).
Conférence citoyenne. Aujourd'hui, la capitale souhaite aller plus loin en se dotant d'un « PLU bioclimatique », sans que cette terminologie ne corresponde à une notion définie par le Code de l'urbanisme (C. urb.). Selon Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris notamment en charge de l'urbanisme, de l'architecture et du Grand Paris, « c'est la première fois qu'une collectivité de rang mondial se fixe un objectif aussi exigeant de sobriété environnementale ».
Pour ce faire, elle a prescrit la révision générale de son document d'urbanisme lors de son conseil des 15, 16 et 17 décembre 2020 et a approuvé les objectifs et les modalités de la concertation préalable. Cette délibération, qui a été précédée de manière inédite d'une conférence citoyenne réunissant 100 habitants de Paris et de la Métropole du Grand Paris, constitue la première étape d'une longue procédure.
Un calendrier ambitieux
Pour mémoire, le Code de l'urbanisme prévoit plusieurs procédures d'évolution d'un PLU : - la mise à jour, qui est spécifique aux annexes du PLU ; - la modification, lorsque la collectivité envisage de ne faire évoluer que certains aspects du document ; - la mise en compatibilité avec une déclaration de projet, qui permet de faire évoluer le PLU pour rendre possible la réalisation « d'une action ou d'une opération d'aménagement » ou « d'un programme de construction » présentant un caractère d'intérêt général ; - la révision, procédure la plus longue et la plus complète dont l'objectif est de refonder le PLU.
Le PADD, clé de voûte du PLU. Cette dernière procédure s'impose notamment lorsqu'il est envisagé de changer les orientations définies dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du document d'urbanisme. En effet, ce dernier décrit dans le détail les objectifs que la municipalité se fixe pour aménager et développer le territoire sur le long terme. Il constitue la clé de voûte du PLU.
Or pour se doter d'un PLU bioclimatique, la Ville de Paris entend inscrire et développer dans le PADD les thématiques suivantes : la lutte contre le réchauffement climatique, l'économie circulaire et son application au domaine de la construction, la santé environnementale et la lutte contre la pollution, la protection de la biodiversité, etc.
Le Conseil de Paris devrait approuver le nouveau PLU à la fin de l'année 2023
Quatre délibérations. La procédure de révision suppose, d'un strict point de vue juridique, quatre délibérations du Conseil de Paris : - une première délibération (celle adoptée en décembre 2020) prescrivant la révision du PLU et fixant les objectifs et les modalités de la concertation préalable qui sera menée par la Ville avec les habitants, conformément à l' ; - une deuxième délibération (prévue pour fin 2021) actant les termes du débat, au sein du Conseil de Paris, sur les orientations générales du PADD ; - une troisième délibération approuvant le projet de PLU (prévue pour fin 2022) et le mettant à l'enquête publique (début 2023) ; - une quatrième délibération approuvant, au vu notamment du rapport d'enquête publique, le PLU révisé. Si ce calendrier - ambitieux - est respecté, cette dernière délibération devrait intervenir à la fin de l'année 2023.
Des objectifs généraux
La révision du PLU de la capitale poursuit cinq objectifs, exprimés en termes assez généraux, reprenant les enjeux débattus lors de la conférence citoyenne. Ainsi, le conseil municipal veut faire de Paris une ville inclusive ; aux patrimoines et paysages préservés ; durable, vertueuse, résiliente et décarbonée ; attractive, productive ; actrice de la métropole. Chacun d'entre eux se décline en plusieurs sous-objectifs, parmi lesquels : - offrir un logement abordable et accessible à tous, en poursuivant la dynamique engagée en faveur de la production de logements sociaux ; promouvoir la mixité sociale et fonctionnelle ; développer une offre de nouveaux modes d'habiter ; - renforcer les protections patrimoniales en augmentant le nombre de bâtiments protégés et en encadrant plus strictement la transformation des façades des commerces et ateliers ; - encourager la transformation des bâtiments existants plutôt que leur destruction, notamment la transformation de bureaux en logements ; - renforcer la présence de la faune et de la flore par la protection, l'augmentation et la végétalisation des espaces libres, l'identification des arbres de valeur paysagère et écologique à préserver ; - proposer des dynamiques de projets partagés entre Paris et le territoire métropolitain, notamment sur les sites d'interfaces, et en particulier autour du boulevard périphérique, des bois parisiens et en lien avec la Seine.
Les problématiques climatiques en ligne de mire
Selon l'exposé des motifs préalables à la délibération de décembre 2020, l'adoption d'un PLU bioclimatique viserait une double exigence : « celle d'adapter la ville aux changements pour la rendre plus résiliente » d'une part, et celle « d'œuvrer à réduire radicalement son empreinte environnementale et écologique en mobilisant les ressources locales pour adapter le cadre de vie des Parisiennes et des Parisiens aux nouvelles conditions et leur offrir un environnement plus sain », d'autre part. Ces enjeux devront être déclinés dans toutes les thématiques abordées par le PLU : cadre de vie, développement économique, habitat, solidarité et inclusion, nature et patrimoine, etc.
OAP climat. La révision pourrait aussi être l'occasion d'intégrer des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) sur la thématique énergie-climat destinées à traduire les objectifs du nouveau plan climat-air-énergie territorial de Paris (PCAET) adopté en 2018 et que le PLU doit prendre en compte. Ce PCAET prévoit notamment que toute nouvelle construction devra intégrer une part importante d'énergie renouvelable ou de récupération de chaleur à hauteur de 60 % de ses besoins énergétiques d'ici à 2030, et 100 % d'ici à 2050. Néanmoins, et compte tenu de la durée de la procédure de révision, la Ville de Paris réfléchit à mener, parallèlement, et comme le prévoit l', une procédure de modification du PLU afin d'intégrer plus rapidement ces « OAP climat ».
De nouvelles destinations et sous-destinations à préciser
Cette révision sera également l'occasion de rendre applicables à Paris les cinq nouvelles destinations listées à l'article R. 151-27 du code (exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de services, équipements d'intérêt collectif et services publics, autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire) et les 21 sous-destinations, introduites par la et son décret d'application ().
Anciennes destinations encore applicables. En effet, le PLU de Paris n'ayant pas fait l'objet d'une révision prescrite après le 1er janvier 2016, les neuf destinations de l'ancien article R. 123-9 du Code de l'urbanisme (habitation, hébergement hôtelier, bureaux, commerce, artisanat, industrie, exploitation agricole ou forestière, entrepôts, constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif) restent applicables, comme le prévoit l' relatif à la modernisation du contenu du PLU.
A noter que les dispositions générales du règlement du PLU actuellement en vigueur donnent une définition assez précise de ces neuf destinations. A titre d'exemple, les bureaux des personnes publiques relèvent actuellement de la destination « bureaux » dès lors qu'ils n'accueillent pas du public.
Lorsque le PLU est en cours de révision, le certificat d'urbanisme a un intérêt potentiel jusqu'à la troisième délibération
La nouvelle rédaction du Code de l'urbanisme prévoit que la destination « équipements d'intérêt collectif et services publics » comprend, notamment, la sous-destination « locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés ». Il est donc raisonnable d'en déduire que, comme c'est le cas actuellement, les « locaux et bureaux [n'] accueillant [pas] du public des administrations publiques et assimilés » relèveront de la destination « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire » et de la sous-destination « bureau ».
Toutefois, l' définissant les destinations et sous-destinations des constructions précise que cette « sous-destination locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés recouvre les constructions destinées à assurer une mission de service public. Ces constructions peuvent être fermées au public ou ne prévoir qu'un accueil limité du public ».
Il précise également que « la sous-destination “bureau” recouvre les constructions destinées aux activités de direction et de gestion des entreprises des secteurs primaires, secondaires et tertiaires », sans envisager l'hypothèse que des bureaux (au sens générique du terme) occupés par des administrations puissent relever de cette sous-destination. Aussi, le postulat du PLU de Paris selon lequel les bureaux des administrations sont des « bureaux » lorsqu'ils n'accueillent pas de public n'est plus aussi simple et méritera d'être précisé.
Conséquences sur les demandes d'autorisation d'urbanisme
Conformément à l', lorsqu'un PLU(i) fait l'objet d'une procédure d'élaboration ou de révision générale, le maire peut opposer un sursis à statuer à toute demande de permis de construire si les travaux sont « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur [PLU(i)], dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ».
Sursis à statuer. Ainsi, théoriquement, à partir de la deuxième délibération actant les termes du débat sur les orientations du PADD et qui devrait avoir lieu fin 2021, sur tout le territoire pa-risien, la maire pourra surseoir à statuer sur toute demande d'autorisation d'urbanisme portant sur une opération manifestement contraire au projet de PLU. Néanmoins, au stade de cette délibération, le projet de PLU révisé n'est pas suffisamment avancé, et il est rare qu'une opération immobilière soit contraire à ces grandes orientations. Le sursis à statuer intervient donc généralement après la troisième délibération approuvant le projet de PLU révisé, soit fin 2022.
Certificat d'urbanisme. Dans ce contexte se pose la question pour les acteurs de l'immobilier d'obtenir, dès à présent, un certificat d'urbanisme, qui - en substance - permet au porteur d'un projet d'en revendiquer le bénéfice pendant dix-huit mois pour se voir appliquer la version du PLU en vigueur à la date du certificat et non pas la nouvelle version du PLU, qui pourrait lui être moins favorable. Dans un arrêt isolé mais remarqué, une cour administrative d'appel a admis l'application, malgré l'existence d'un certificat d'urbanisme, de nouvelles règles d'urbanisme plus favorables au projet ().
Il convient néanmoins de préciser que cet effet cristallisateur est toutefois plus limité en cas de révision du PLU. En effet, le Conseil d'Etat a jugé que parmi les règles d'urbanisme cristallisées figure la faculté dont dispose le maire de surseoir à statuer (, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Aussi, pour que le porteur du projet puisse revendiquer l'effet cristallisateur d'un certificat d'urbanisme, il est nécessaire d'établir que sa demande de permis - si elle avait été déposée à la date de son certificat - n'aurait pas pu légalement donner lieu à sursis à statuer. Dans le cas contraire, il pourra toujours se voir opposer un sursis et se voir, in fine, appliquer les nouvelles règles d'urbanisme.
Autrement dit, lorsque le PLU est en cours de révision, le certificat d'urbanisme a un intérêt potentiel jusqu'à la troisième délibération. A compter de cette date en effet, le projet de PLU révisé est connu en détail. Si l'opération envisagée lui est manifestement contraire, le certificat d'urbanisme n'aura pas d'effet cristallisateur. L'opérateur devra modifier son projet et déposer une nouvelle demande.