Décryptage

Ressources humaines : comment apprivoiser la génération Z

Donner envie, être à l'écoute, manager avec bienveillance… Les employeurs doivent redoubler d'efforts pour attirer et fidéliser ces nouveaux venus sur le marché du travail.

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Alors que nous avions l'habitude de recevoir en entretien d'embauche des jeunes bien sages qui se conformaient aux codes vestimentaires, ceux que nous voyons désormais arriver ne sont pas toujours à l'heure, arborent des tenues bien moins conventionnelles et posent des questions parfois audacieuses ! » sourit Jérôme Pavillard, DRH du groupe Razel Bec. Le comportement des représentants de la génération Z, nés entre la fin des années 1990 et 2010, a de quoi désarçonner plus d'un recruteur.

L'évolution n'a pas échappé à Jacques-Olivier Durand, DRH d'Ingérop. « Nous n'avons plus droit à l'erreur dans le cadre des entretiens : si nous n'accrochons pas d'emblée le jeune candidat sur la façon de présenter l'entreprise et les avantages que nous offrons, tels la flexibilité en matière d'organisation, en particulier du télétravail, ou l'intérêt des projets qui lui seront confiés, nous n'aurons probablement pas une deuxième occasion de faire bonne impression. » Car le postulant n'hésitera pas, sans gêne aucune et avec un naturel désarmant, à mettre un terme à l'échange au bout de quelques minutes si les conditions d'emploi ne correspondent pas exactement à ses attentes.

« Logique de droits purs ». Autre constat : « Là où les personnes appartenant à la génération Y [nées entre 1980 et la fin des années 1990, NDLR], une fois qu'elles ont trouvé dans leur poste le sens qui les anime, sont prêtes à se mobiliser dans la perspective d'obtenir une reconnaissance - promotion, nouvelles missions… -, les juniors abordent le travail dans une logique de droits purs », ajoute Jacques-Olivier Durand, soucieux au demeurant d'« éviter les lieux communs » sur le sujet. Le credo, énoncé de façon décomplexée par les intéressés : « Je ne donne à l'entreprise que ce qu'elle m'offre en retour : pas plus, pas moins ».

Une posture qui bouscule leurs aînés. « Il nous appartient ainsi de faire le trait d'union entre les attentes de la génération Z qui commence à arriver sur le marché du travail et les collaborateurs en position de décision, et de leur permettre de communiquer », reprend le DRH. C'est dans cette optique qu'Ingérop va proposer à ses managers des formations destinées « à leur fournir des grilles de lecture ». L'un des enjeux est « de comprendre que ces jeunes, même s'ils raisonnent différemment, n'ont pas forcément tort. » Chez Razel Bec également, « le sujet passionne les encadrants depuis quelque temps, et les amène à se poser nombre de questions », témoigne Jérôme Pavillard. Le groupe a ainsi déjà fait appel à plusieurs consultants afin « d'ouvrir l'esprit des anciens », et délivre là aussi des sessions qui apportent des outils pour recruter et manager. « Nous enjoignons à nos encadrants d'être proches de leurs collaborateurs et d'échanger avec eux s'ils perçoivent une baisse de régime, ce qui n'était pas forcément le cas il y a encore dix ans », expose le professionnel des RH. Il est notamment question d'apprendre aux tuteurs « à donner envie aux jeunes… plutôt que des ordres ! »

« Fermeté bienveillante ». Les employeurs ont d'autant moins le choix de s'adapter à cette nouvelle donne « que la pénurie de compétences et la difficulté à attirer des jeunes sur les chantiers se sont accrues ces dernières années, pointe Francis Dubrac, P-DG de Dubrac TP (Seine-Saint-Denis). Auparavant, les salariés confrontés à un management autoritariste n'avaient d'autre choix que de se taire. » Une époque révolue. « Il s'agit aujourd'hui de trouver un juste milieu en faisant preuve de fermeté bienveillante avec les jeunes », corrobore Jacques-Olivier Durand. Autrement dit, un management ni trop directif ni trop souple, « car ils ont aussi besoin d'un cadre. » Au risque de les perdre dans l'un comme dans l'autre cas.

Autre nécessité : « Apporter de la nouveauté et du challenge à des jeunes salariés qui, entretenant un rapport au temps plus court, se lassent vite », pose le DRH. Sans pour autant satisfaire toutes leurs demandes. « A charge pour nous d'expliquer à un junior pressé d'évoluer que l'expérience a aussi ses vertus, tout en lui proposant un plan de carrière, illustre Jacques-Olivier Durand. C'est presque un micromanagement du quotidien qui s'impose. »

Accepter de possibles désaccords. Au-delà des efforts consentis, les employeurs n'en reconnaissent pas moins les apports de la jeunesse en entreprise. Envie de s'investir, capacité à apprendre seul et à aller vérifier l'information… « Nos jeunes ingénieurs, désireux d'œuvrer pour un monde meilleur, n'hésitent pas à “challenger” le choix de nos projets sur le plan éthique ou environnemental », rapporte Biljana Kostic, DRH de Setec.

L'enjeu de la politique du groupe : leur faire sentir qu'ils sont libres d'exprimer leur avis et d'argumenter, mais aussi les rendre acteurs de la transition. « Il s'agit de répondre à un besoin d'être entendu, même si nous ne serons pas toujours d'accord, poursuit-elle. La jeune génération ose, et nous pouvons nous en féliciter, car cette évolution correspond pour nous à une quête de collaborateurs capables de réfléchir par eux-mêmes et de prendre de la hauteur. »

 « Innovez en matière de processus de recrutement ! », Elodie Gentina, professeure à Ieseg School of Management et autrice de « Manager la génération Z » (éditions Dunod).

Comment appréhendez-vous la génération Z ?

Pour mémoire, le terme désigne les personnes nées à partir de la fin des années 1990, en pleine révolution numérique, et qu'on nomme ainsi les digital natives. On constate chez elles, malgré la place accordée aux nouvelles technologies, un fort besoin de lien humain, d'aller sur le terrain et d'apprendre des anciens, mais aussi d'être reconnues et félicitées pour leur travail. En outre, le rapport à l'autorité a changé : la nouvelle génération attend d'être encadrée non par un chef, mais plutôt par un « manager coach » présent pour ses équipes et faisant montre de souplesse dans sa communication. Par ailleurs, dans le BTP, le rapport à l'argent crée d'importantes disparités. D'un côté, une jeunesse issue de la classe dite CSP + en quête de sens, et particulièrement alerte sur les sujets de RSE. De l'autre, des jeunes issus de milieux populaires davantage préoccupés par des considérations financières, et dès lors moins enclins à démissionner.

Que conseillez-vous pour attirer ces nouveaux venus sur le marché du travail ?

Donnez-leur envie ! Aller dans les écoles à la rencontre des étudiants et les accueillir en stage ou en alternance ne suffit plus. Les jeunes s'identifient avant tout à leurs pairs : ceux qui officient déjà en interne doivent parler de leur expérience et jouer ainsi un rôle d'ambassadeur auprès de potentielles nouvelles recrues. Il importe aussi d'innover en matière de processus d'embauche. Par exemple, proposer de postuler en envoyant une vidéo au lieu d'une lettre de motivation, organiser un entretien collectif avec l'équipe dans laquelle le jeune sera amené à travailler, ou encore lui faire visiter un chantier.

Comment fidéliser les juniors ?

Avant d'être fidèles à une entreprise, les jeunes salariés le sont à leurs collègues. D'où l'importance de veiller à entretenir la solidarité au sein des équipes et de créer des moments fédérateurs tels que des jeux ou séminaires. Il s'agit d'autre part de ne pas attendre le rituel de l'entretien annuel pour faire des points réguliers avec un junior et, le cas échéant, remédier à une difficulté, lui proposer une formation en adéquation avec ses attentes, un nouveau projet…

A défaut, l'intéressé aura déjà pris la décision de quitter l'entreprise.

De manière générale, il convient de se garder d'entretenir des stéréotypes sur la jeunesse : il faut plutôt tenter de la comprendre !

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