Les problématiques environnementales sont rarement la priorité des repreneurs lors de la reprise d’une entreprise industrielle en difficulté et le calendrier procédural ne facilite pas forcément leur prise en compte. Pourtant, la plupart des activités industrielles sont soumises à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). D’où l’importance de s’interroger sur les principaux enjeux environnementaux et les éventuels risques qui y sont attachés.
Responsabilité administrative lourde
D’une part, la réglementation ICPE implique une responsabilité administrative lourde, attachée à la qualité d’exploitant et que ce dernier porte pendant toute la durée de l’exploitation et pour les trente années qui suivent la cessation d’activité (art. L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 du Code de l’environnement). Rappelons que, dans le cadre de la procédure judiciaire, la responsabilité administrative est souvent portée par le mandataire de justice jusqu’à la cession. Le transfert de cette responsabilité interviendra lors de l’information du changement d’exploitant à l’administration par le repreneur.
D’autre part, dans le cadre de la reprise d’une activité industrielle, le passif environnemental est transféré au repreneur. Ce transfert aura un impact à plus ou moins long terme selon le projet : en cas de maintien de l’activité existante, les obligations de dépollution du site ne représentent pas un enjeu immédiat. En effet, tant que la pollution ne sort pas du site, il n’y a pas d’obligation de dépollution en cours d’activité. A l’inverse, en cas de cessation d’activité, la question de la remise en état du site va se poser dans un futur proche et impliquera souvent des coûts extrêmement élevés. Les modifications apportées à la réglementation par l’article 57 de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l'action publique, dite "Asap" et son futur décret d’application permettront peut-être de faciliter et de raccourcir la procédure de cessation d’activité, mais il est important d’anticiper qu’elle puisse s’étaler sur une durée longue de plusieurs années.
Calendrier serré
Or, le plus souvent, le calendrier pour présenter une offre est extrêmement serré puisqu’il est dicté par la capacité de la société en crise à financer son activité. Ainsi, il peut varier entre quelques semaines ou quelques mois, selon la trésorerie dont dispose la société pour financer ses charges (salaires, fournisseurs, loyers…) dans l’attente d’un repreneur. Il faut donc être en mesure de se positionner dans un délai court et de se poser en amont les bonnes questions. C’est la raison pour laquelle, dans les dossiers à fort enjeu environnemental, l’ouverture de la procédure collective et/ou l’appel d’offres qui s’ensuit, sont anticipés au maximum.
La phase préalable à cette procédure de cession (souvent une phase amiable de conciliation ou de mandat ad hoc) permettra de poser les sujets et estimer les coûts, puis d’identifier les potentiels candidats repreneurs les plus sérieux afin de les mettre en mesure de traiter le sujet environnemental le plus sereinement possible.
Vérifier la validité des autorisations environnementales
Concrètement, si le repreneur poursuit la même activité, il est important de veiller à bien vérifier la validité des autorisations administratives ICPE, ainsi que la conformité des activités avec la réglementation environnementale. C’est le rôle des audits juridique et technique (avocats, bureaux d’études) qui permettront également d’avoir une idée globale de l’état de pollution du terrain.
A l’inverse, en cas de fermeture du site pour reprendre le terrain ou implanter une nouvelle activité industrielle, les priorités du repreneur sont différentes. Dans cette hypothèse, la remise en état intervient à court terme et peut lui incomber, selon les termes de son offre. L’analyse de l’état de pollution du terrain et l’audit environnemental des sols (bureaux d’études spécialisés en sites et sols pollués) doivent donc être menés dès que possible.
Ces données devront impérativement être intégrées dans le prévisionnel d’exploitation et de trésorerie du repreneur et impacteront le financement de son activité sur les années post-reprise.
Anticiper le coût de la dépollution
Ainsi, il est conseillé aux candidats repreneurs d’anticiper le chiffrage des opérations de dépollution le plus en amont possible dans les négociations, étant donné que leur coût peut constituer un véritable point de discussion. Il faut savoir qu’une offre de reprise, une fois déposée, ne peut plus être ni retirée, ni réduite. Elle ne peut qu’être précisée ou améliorée, que ce soit en terme de prix proposé, ou de nombre de salariés repris, ou encore de périmètre de l’offre, ou de charges reprises. Dans cette mesure, la prise en charge, totale ou partielle, des coûts liés à la dépollution par le candidat repreneur permettra à ce dernier d’améliorer son offre de reprise sans pour autant devoir augmenter son prix ou le volet social de son offre initiale. On considérera alors que le fait de proposer de reprendre l’intégralité ou une quote-part importante des coûts de dépollution constitue une amélioration de l’offre. C’est un levier important (parmi d’autres) en vue d’obtenir l’adhésion des administrateurs ou mandataires judiciaires, et in fine, du tribunal, pour remporter le dossier.