« Pourquoi paierions-nous pour le recyclage d’autres matériaux ? » Lors du bilan annuel du Syndicat français de la construction métallique (SCMF), Roger Briand, son président, a mis les pieds dans le plat. Il fait référence à un projet d’arrêté, dont la consultation publique s’est achevée le 11 janvier dernier, modifiant le cahier des charges des éco-organismes, responsables de la mise en place la responsabilité élargie du producteur (REP) des produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB).
Publié « comme d’habitude en catimini entre Noël et le Jour de l’an par les pouvoirs publics, il rendrait solidaires les producteurs de matériaux de catégorie 2 [les produits non-inertes dont l'acier fait partie, NDLR] à hauteur de 50 % de l’éco-contribution de la filière bois. Cela va créer une distorsion de la concurrence entre l’acier et le bois », poursuit le représentant de l’organisation professionnelle.
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Aux yeux du secteur de l’acier, « cette disposition de l'arrêté n’est pas recevable et nous nous y opposons fermement. Notre matériau affiche un taux de recyclage de 97 % et nous développons le réemploi. L’acier aussi est vertueux », s’exclame Roger Briand. Et ce dernier ajoute : « D’ailleurs, nous sommes étonnés que les produits de la catégorie 1, et notamment le béton, ne soient pas eux aussi solidaires... »
La soutenabilité économique de la filière bois en jeu
Cet arrêté nous rendrait solidaires à hauteur de 50 % de l’éco-contribution de la filière bois.
— Roger Briand, président du SCMF
Par ce projet d’arrêté, le gouvernement tente de prévenir les effets d’une hausse des tarifs de l’éco-contribution qui pourrait mettre en péril les acteurs économiques de la filière bois, et notamment les scieries, dont les produits sont à faible valeur ajoutée.
Pour Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB), ce texte répond en effet à un enjeu de « soutenabilité économique de l’éco-contribution sur le bois de sciage. D’ici 2027, elle augmentera progressivement et représentera, s’il n’y avait pas de modulation, 15 % du prix du bois sortant des scieries, 7 % pour les produits transformés par les industriels. »
Le délégué général de la FNB regrette néanmoins que « l’Etat fasse encore les choses de son côté sans nous consulter. Les scieries ont su le jour même de la publication du premier arrêté d’application de la REP, le 12 décembre 2022, qu'elles étaient concernées. »
Un arrêté vraiment indispensable ?
D’autant que la démarche du gouvernement serait a priori inutile à en juger les pratiques des éco-organismes. Rami Jabbour, directeur marketing et de la communication Valobat, affirme en effet que les barèmes appliqués par son éco-organisme permettent déjà de compenser 50 % du prix de l’éco-contribution de la filière bois : « Nous anticipons les éco-modulations dans nos tarifications publiées début janvier et qui seront effectives au 1er mai 2024. En effet, nous calculons les éco-contributions en fonction du taux de recyclage des produits, afin de remplir les objectifs fixés dans nos cahiers des charges. »
Le bois pourrait donc se rassurer, mais quid de l’acier ? « La filière acier est très performante dans ses capacités de recyclage, et de fait, elle n’aura qu’une augmentation très légère d’ordre d’1€ la tonne », explique Rami Jabbour. Nicolas Douzain-Didier assure pour sa part : « nous ne nous opposons pas à l’acier. C’est l’Etat qui a mis le feu aux filières. »
La SCMF, quant à elle, compte obtenir prochainement une entrevue avec le ministère de la Transition écologique pour faire tomber cette solidarité avec le bois concernant l’acier.