Décryptage

Relance du nucléaire et urbanisme : ce que prévoit le projet de loi adopté par les députés

Dispense de permis de construire, mise en compatibilité des documents d’urbanisme, raison impérative d’intérêt public majeur… L’Assemblée nationale a adopté le 21 mars 2023, en première lecture, le projet de loi relatif à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ».

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Le projet de loi visant à accélérer la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 est adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 21 mars 2023.

En route pour réduire les délais de construction de six nouveaux réacteurs EPR 2 promis par Emmanuel Macron dans son discours de Belfort en février 2022 et contribuer à faire de la France « le premier grand pays à sortir des énergies fossiles ». Le projet de loi qui doit permettre de relancer le nucléaire civil a été adopté en première lecture par les députés le 21 mars 2023, deux mois après les sénateurs. La procédure accélérée ayant été engagée sur ce texte, une commission mixte paritaire se réunira prochainement.

Vingt ans

Le projet de loi simplifie ainsi certaines procédures d’urbanisme. Objectif : réduire les délais de construction des nouveaux « réacteurs électronucléaires » dont l’implantation est envisagée « à proximité immédiate » ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire existante. Ces mesures de simplification seront applicables aux projets dont la demande d’autorisation de création au titre du Code de l’environnement (art. L. 593-7 du Code de l’environnement) sera déposée au cours des vingt ans qui suivront la promulgation de la loi. A noter que le projet de loi initial fixait cette durée à 15 ans et que les sénateurs avaient prévu 27 ans.

Sont concernés l’ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création d’un réacteur électronucléaire ou à sa mise en service, ses ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité, ainsi que les installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de sa réalisation.

Mise en compatibilité des documents d’urbanisme

Le texte (art. 2) instaure une procédure spécifique de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, en vue de la réalisation d'un réacteur électronucléaire. Cette procédure, prévoyant la qualification de projet d'intérêt général - par décret en Conseil d'État - et l'adoption de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme - par décret -, doit contribuer « à limiter la durée inhérente aux procédures de droit commun », précise l’exposé des motifs.

Evaluation environnementale

L’autorité administrative compétente de l’État doit procéder à l’analyse des incidences notables sur l’environnement du projet de mise en compatibilité et transmettre le dossier à l’Autorité environnementale. Si une évaluation environnementale est requise, le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de participation du public par voie électronique (art. L. 123-19 du Code de l’environnement). Dans le cas contraire, le projet sera mis à la disposition du public pendant un mois, « dans des conditions lui permettant de formuler ses observations ». Lesquelles seront « enregistrées et conservées ».

Exit les permis de construire

Tirant les conséquences de l'examen détaillé de la conformité du projet avec les règles d'urbanisme dans le cadre de la procédure de mise en compatibilité, le texte dispense purement et simplement d’autorisation d’urbanisme, les constructions, aménagements, installations et travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Un contrôle de la conformité au respect des règles d'urbanisme (règles de fond) de ces opérations sera toutefois assuré, pour l'ensemble du projet, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création du réacteur (art. 3).

L’exploitant du réacteur sera néanmoins considéré comme titulaire d’une autorisation de construire et sera redevable notamment de la taxe d’aménagement.

ZAN

Les députés ont supprimé les dispositions introduites par le Sénat excluant l’artificialisation et la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des travaux des nouveaux réacteurs de l’objectif ZAN. Pour la rapporteure Maud Bregeon (Renaissance), « les modalités d’un tel décompte seront débattues prochainement dans le cadre de l’examen de la proposition de loi […] visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols. Il est indispensable, afin de garantir la cohérence de la discussion globale sur l’artificialisation des sols, de concentrer le débat à l’occasion d’un texte entièrement consacré à ce sujet. »

Autorisation environnementale

Par ailleurs, l’autorisation environnementale requise pour la réalisation d’un réacteur électronucléaire et des installations nécessaires à son exploitation sera délivrée par décret simple pour l'ensemble de ces constructions, aménagements, installations ou travaux, au vu d’une étude d’impact portant sur l’ensemble du projet. Les travaux pourront être mis en œuvre dès lors que l’exploitant bénéficie de cette autorisation (art. 4).

En revanche, les travaux concernant « la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires, y compris leurs fondations, ainsi que ceux destinés à héberger des matériels de sauvegarde », ne pourront être engagés « qu’après la délivrance de l’autorisation de création » du réacteur électronucléaire (art. L. 593-7 du Code de l’environnement).

Raison impérative d’intérêt public majeur

En outre, à l’instar des projets d’installations d’EnR, les députés confèrent une présomption de raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) aux réacteurs nucléaires, sous certaines conditions de puissance définies par décret en Conseil d’Etat. Cette disposition figurait dans le projet de loi initial du gouvernement mais elle avait été supprimée à la suite de l’avis défavorable du Conseil d’Etat.

Par ailleurs, la réalisation et l’exploitation d’un réacteur ne seront pas soumises aux dispositions de la loi Littoral (art. L. 121-1 et s. du Code de l’urbanisme) (art. 5).

Autre mesure forte : la procédure d’extrême urgence prévue par les articles L. 522-1 et suivants du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique pourra s’appliquer en vue d’une prise de possession immédiate des immeubles bâtis ou non nécessaires à la réalisation du réacteur (art. 7).

Régularisation

Le texte entend enfin faciliter les actions contentieuses, en donnant au juge administratif un pouvoir de régularisation (annulation partielle et sursis à statuer) pour les actes dont il serait saisi. Cette disposition avait été introduite par le Sénat, mais elle n’offrait qu’une faculté au juge. Les députés ont renforcé cette mesure en obligeant le juge à prendre de telles mesures si les conditions sont réunies (art. 7 bis). Ce faisant, le texte unifie le régime contentieux des actes relatifs aux projets de réacteurs électronucléaires avec celui des autorisations environnementales (art. L. 181-18 du Code de l’environnement).

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