Assis derrière leur tasse de café, les deux cadres des Négociants Réunis dépriment comme deux aficionados du PSG après la énième défaite consécutive de leur club préféré.
- Tu as raison, j’ai nettement eu l’impression que Benoît Marchand nous prépare un placard. Peut-être doré ? Mais un placard tout de même !
Serge Boutemy, le directeur commercial des Négociants Réunis, commente avec Jacques André, le directeur du marketing, le dernier comité de direction. Benoît Marchand, le Pdg, leur a annoncé sa volonté de créer un vivier de jeunes cadres de haut niveau. Il veut préparer l’avenir et assurer la relève des cadres dirigeants du groupe qui ont tous dépassé la cinquantaire. Tôt ou tard, ils allaient faire valoir leur droit à la retraite !
Jacques André hausse les épaules :
- Je ne pense pas qu’il faille prendre cette déclaration au tragique. Le Pdg a raison, il faut préparer l’avenir… Nous avons un peu de temps devant nous ; aussi nous avons intérêt à ne pas trop diffuser l’information, sinon tu t’imagines l’ambiance ! Parmi les nouvelles recrues, il y aura d’un côté les grosses pointures que l’on va soigner, à qui on va offrir les meilleures formations… Et les autres, à qui on devra dire, grosso modo : « D’accord, vous êtes bons…mais pas assez pour prétendre à des postes de responsabilité, mais bosser tout de même, on ne sait jamais ! ».
Boutemy soupire :
- Sans compter qu’en interne, des choix sont à faire… Les gros potentiels sont plutôt rares, il n’y en a pas des quantités, ni dans les services ni dans les agences.
- C’est pas un problème. Tu prends le moins mauvais de chacune des équipes… Et tu le proclames comme le meilleur potentiel du groupe ! De plus, dès que le recrutement externe débutera, la nouvelle sera connue et je m’attends à un vrai défilé des anciens collaborateurs dans mon bureau. La motivation des troupes va en prendre un sacré coup !
- De toutes les façons, tout n’est pas si simple, les meilleurs techniciens ou les plus diplômés ne feront pas forcément les meilleurs managers… Ah non, ce n’est pas simple, et je t’en donne un exemple : quand j’ai engagé Jean-François Barbier, je croyais que c’était un as. Or avec le temps, il s’est avéré moyen voire limite !
Jacques André sourit et ajoute :
- De toute façon, tu as intérêt à recruter quelqu’un qui n’est pas exceptionnel… Sinon, il aura pris ta place avant même que tu envisages de partir à la retraite !