Pas de fumée sans faute. Une société titulaire d’un lot « traitement des fumées » d’un marché de travaux pour la modernisation d'une usine d'incinération a obtenu la réception définitive des travaux de conception et de construction du dispositif qu’elle avait réalisés.
Le maître d'ouvrage public et la société exploitant l’usine, bénéficiaire des travaux, ont cependant demandé réparation à ce constructeur du préjudice causé par des désordres survenus pendant l’exécution du marché.
Le constructeur ne l’entendant pas de cette oreille, il s’est retourné contre le maître d’ouvrage et contre le maître d’œuvre.
Une décision du Conseil d’Etat (CE, 6 février 2019, n° 414064) est venue préciser les droits de chacun.
La réception sans réserve des travaux, élément déclencheur de l’appel en garantie
On ne saura faire mentir le Code civil qui, sur ce point, brille par sa concision : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. » (art. 1972-6). Par cette déclaration, le maître d’ouvrage autorise ainsi formellement que l’ouvrage lui soit livré en l’état, avec ou sans réserve.
L’acceptation sans réserve constitue pour l’entrepreneur une véritable protection en ce qu’elle le pare en principe de toute action future du maître d’ouvrage, notamment d’un appel en garantie pour des dommages dont un tiers demanderait réparation (voir notre article « La réception sans réserve des travaux fait obstacle à l’appel en garantie des constructeurs »).
À l’inverse, le constructeur est fondé à demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage, dans la mesure où la réception définitive sans réserve met fin aux rapports contractuels nés du marché (CE, 4 juillet 1980, n° 03433, publié au Recueil).
En ce sens, il ne pouvait être refusé à la société privée d’appeler en garantie le maître d’ouvrage, puisque la réception des travaux avait été prononcée par un arrêt de cour administrative d’appel devenu définitif.
Les limites de l’appel en garantie
Le Conseil d’État prend soin d’encadrer cette possibilité en rappelant sa position antérieure. L’appel en garantie n’est en effet envisageable pour le constructeur que dans la mesure où il n’existe pas de clause contractuelle contraire, et que la réception ne lui a pas été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part (CE, 15 juillet 2004, n° 235053, publié au Recueil, voir notre article à ce sujet).
Il précise par ailleurs que l’appel en garantie n’est possible que si le constructeur « ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale ». En l’espèce, la réception des travaux ayant été prononcée à effet du 1er juillet 2001, elle faisait obstacle à toute action en garantie de parfait achèvement ou décennale : celles-ci étaient prescrites respectivement après le dépassement des délais de un an et de dix ans. L'appel en garantie était donc recevable, et l'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel pour être jugée à nouveau.
Conseil d’État, 6 février 2019, n° 414064, mentionné aux tables du Recueil