Mieux vaut prévenir que guérir… « Comme lors d’une visite médicale où tous les sens sont auscultés, la gestion d’une entreprise exige une attention régulière, voire quotidienne, de tous ses paramètres comptables et financiers. Se focaliser sur le seul voyant du chiffre d’affaires par salarié peut s’avérer contreproductif ! », met en garde Jacques Thomas, expert-comptable chez KPMG Entreprises. De guerre lasse ?
« Électrocardiogramme ! »
Dans le feu de l’action quotidienne, certains dirigeants répondraient encore aux sirènes de la seule course au volume. « Une attitude visant à conserver ou décrocher un marché, mais sans doute dictée par une trop forte pression concurrentielle ou la montée du hard-discount », estime Laurent Chapiron, Dg du cabinet Ascensio.
N’empêche. Spécialiste de la formation et du conseil en distribution Bâtiment, cet expert reconnaît volontiers que « la profession – tant chez les intégrés que dans de nombreux groupements d’indépendants – semble désormais largement rompue aux méthodes comptables et financières. À de rares exceptions, l’époque où le négoce adoptait un management et une gestion… “paternalistes” – sous prétexte d’éviter l’évasion commerciale – est quasiment derrière nous. D’ailleurs, ce type de comportements a suscité bien des surprises au moment de définir la valorisation du point de vente lors de sa cession ».
Sans jouer au donneur de leçons, Jacques Thomas rappelle avec sagesse qu’il faut « avoir un œil sur le plan de vente et les stocks ; l’autre sur ses tableaux de bord ». Ni plus, ni moins que ce que fait, par exemple, le groupe Michal (trois agences, 12 M€ HT de CA, 70 salariés). Adhérent Tout Faire, son codirigeant Christian Michal a en permanence son niveau de marge brute dans le collimateur. « C’est en sorte notre électrocardiogramme », sourit-il.
Depuis sept ans, des outils de suivi d’activité sont en place. Avec une grille de lecture par famille de produits que s’approprient, tous les mois, l’ensemble de ses collaborateurs. « Du chef d’agence jusqu’aux responsables commerciaux et service des RH », précise celui qui siège aussi au comité d’orientation de Tout Faire.
Se comparer et anticiper
Niveaux de CA, marges commerciales, achats, en-cours clients, etc. Tout est passé au crible et « mis à plat ». Jusqu’à la rentabilité de la flotte de livraison. « De facto, chacun est à même de prendre d’éventuelles mesures correctives (réajustements tarifaires, repositionner une offre, accentuer une promotion…) pour éviter de perdre des PdM », note le négociant rhônalpin. Sans oublier que via la centrale, ses trois agences disposent d’un service ad hoc pour « vérifier la cohérence » de leurs ratios.
Une méthodologie déclinée aussi au Gapsa. « Tous les ans, nous décortiquons le bilan de nos 95 adhérents pour que les 360 agences puissent avoir des éléments de comparaison et se situer les unes par rapport aux autres », indique Muriel Monguillon du service Comptabilité. Sans interventionnisme de la part du groupement… Pour « préserver l’anonymat » et « gérer les susceptibilités », Promater, lui, attribue un numéro à chacun des 48 coopérateurs (86 agences) figurant sur le tableau de bord annuel du réseau. Son Dg, Michel Souvignet, privilégie trois ratios clés : la valeur ajoutée, l’excédent brut d’exploitation et le résultat courant avant impôt. « Trois indicateurs pertinents sur l’état de santé financière et le bien-fondé des politiques commerciales », juge le dirigeant.
Reste que « le négoce ne peut pas se contenter de regarder dans le rétroviseur. Il faut aussi observer aux jumelles pour mener une action plus… prospective », convient Christian Boisseau, à la tête de la Sofinmat chez BigMat (voir ci-contre). Un précepte adopté depuis peu par Espace Revêtements. Pour que les 104 adhérents (130 points de vente) bénéficient d’« une visibilité – en amont du bilan annuel – sur leurs forces et faiblesses », la coopérative a investi, l’été dernier, 140 000 euros dans l’IG4 : une plateforme Web accessible via l’intranet. Sa mission ? « Fournir des éléments d’analyse comptables et financiers (ventes, achats, bilan, compte de résultats…) et des outils de pilotage. Grâce à cette démarche proactive, l’adhérent pourra, par exemple, mieux anticiper une campagne de communication ou établir un prévisionnel des investissements futurs », concède Alain Depoisier, Dg de la coopérative.
En somme, « il faut avoir l’œil et le compas pour suivre le bon cap », lâche l’expert de KPMG Entreprises. D’autant que, comme le rappelle Laurent Chapiron, « le négoce affiche un résultat net compris entre 3,5 et 5 % du chiffre d’affaires… BFA incluses ; celles-ci pouvant absorber jusqu’à 4 points d’activité ! ». Quand, en GSB, ce ratio flirterait avec les 5 à 7 %.
Son mode de calcul | Il mesure… | Les standards en négoce | ||
1 | Le chiffre d’affaires/salariés | CA HT/effectif total | La rentabilité par salarié | 250 à 270 Ke HT |
2 | La marge brute | Prix de vente – prix d’achat | Le niveau d’activité | 55 à 65 Ke |
3 | Le taux de marge commerciale | (Marge brute x 100)/Prix vente HT | La politique commerciale et son positionnement | 25 à 28 % |
4 | Le délai de règlement clients | (Créances clients et comptes rattachés – avances et acomptes reçus/CA TTC)/360 | Le nombre de jours moyens pour se faire régler par les clients (pouvoir de négociations des clients)* | 75 à 90 jours |
5 | Le délai de règlement fournisseurs | (Dettes fournisseurs/CA TTC)/360 | Le nombre de jours moyens pour régler ses fournisseurs* | 60 à 70 jours |
6 | Le taux de charges de personnel | (k charges sociales [y compris primes, intéressement…] x 100)/effectif total | Le poids des frais de personnel sur l’activité | 10 à 15 % maximum |
7 | Le taux de charges de personnel/marge brute | (k charges sociales [y compris primes, intéressement…] x 100)/marge brute | L’impact de la politique sociale de l’entreprise | 40 à 45 % |
8 | Le taux de rotation des stocks | 360/(coût d’achat des marchandises/stock moyen) Stock moyen = (stock initial stock final)/2 | Le nombre de jours de CA que représentent les stocks | 60 à 90 jours |
9 | Le résultat net courant | Produits – charges (d’exploitation, financières et exceptionnelles) | La performance de l’entreprise. Pour avoir une vision plus critique sur la santé de l’entreprise, il est préférable d’étudier dans le détail les soldes intermédiaires de gestion desquels découle le RNC | 3,5 à 5 % |
10 | L’excédent brut d’exploitation | Valeur ajoutée – (charges de personnel impôts et taxes) subventions d’exploitation provisions pour charges | La rentabilité de l’exploitation courante. Donne une vision objective de l’entreprise | 4 à 8 % du CA |