Sécheresse ou inondation ? Les deux, hélas. Depuis quelques années, l’une et l’autre se succèdent, accompagnées de leur lot de catastrophes humaines, sanitaires et économiques. « Il n’y a plus d’année normale, souligne l’hydrologue Emma Haziza, invitée par les Canalisateurs à dresser un état des lieux, nous basculons sans cesse d’un extrême à l’autre ».
Ainsi en 2017, la sécheresse s’étend jusqu’à fin décembre ; l’année suivante, la France subit trois semaines de violentes précipitations, suivies d’une canicule intense qui produit un effet « sèche-cheveux », faisant de nouveau basculer le territoire dans la sécheresse. En 2019, on relevait 42 °C à Paris et 46 °C dans le Gard au mois de juin, du jamais vu à cette saison.
Nouvelle normalité
« On sort de tous les contextes statistiques », s’inquiète l’hydrologue qui rappelle que les épreuves du brevet ont dû être décalées cette année-là car la chaleur était insupportable dans les collèges : « on comprend alors que nos bâtiments, nos infrastructures, ne sont absolument pas prêts pour de telles températures ».
Dômes de chaleur, incendies dans des champs en Picardie, inondations catastrophiques en Belgique et en Allemagne… 2021 ne fait pas exception à cette nouvelle normalité et 2022 se présente sous les mêmes auspices : « Janvier et février ont été marqués par une sécheresse extrême sur le pourtour méditerranéen et on a vu des précipitations très importantes dans l’Hérault et l’Aude », souligne Emma Haziza pour qui les températures relevées ces derniers jours dans l’Antarctique, supérieures de 40 °C à leurs normales saisonnières, vont avoir des conséquences considérables sur nos réserves d'eau douce.
Quand il n'y a plus la quantité, il faut de la qualité
Comment répondre à cette nouvelle donne ? « Concernant les inondations, l’attention doit se porter sur l’alerte des populations, la protection des bâtiments et la protection des ouvrages contre des phénomènes extrêmement rapides », indique l’hydrologue. Contre les sécheresses, c’est la capacité des sols à recueillir l’eau qui doit avoir la priorité en repensant l’agriculture et en interrogeant l’utilisation des pesticides. « Nous n'avons pas le choix, assène Emma Haziza, nous sommes dans une situation où quand il n’y a plus de quantité, il faut qu’il y ait la qualité ».
Adaptation
Le milieu des infrastructures s’adapte, assure le président des Canalisateurs, Alain Grizaud. Parmi les actions mises en oeuvre, il y a le redimensionnement les canalisations, la construction de bassins de rétention pour retenir l’eau en amont, la mise en place de batardeaux afin d'autoriser le passage de l’eau sans endommager les constructions. Bref, « nous réinventons le bon sens ». Une évolution indispensable car nos besoins dépassent largement les apparences : un Européen consomme en moyenne 5 000 l d’eau/jour pour son alimentation, ses vêtements ou ses déplacements. « Quand cette eau vient à manquer, cela se traduit par des pénuries, comme nous le constatons actuellement sur le marché du blé, et donc des hausses de prix ».
Pour pérenniser les infrastructures, que ce soit dans les canalisations ou à l’échelle des bâtiments, « il va falloir mieux réfléchir l’usage de certains matériaux, plus durables, pour se protéger contre les extrêmes thermiques. » Reste la question récurrente de la réutilisation des eaux usées pratiquée dans certains pays – Emma Haziza cite en exemple Israël qui réutilise 90 % de ses eaux usées – une solution qui toujours prohibée en France.