Ingénieur chez Eiffage Construction, Vianney Fullhardt est chargé de suivre la vie du premier bâtiment BBC du groupe. Livrée début 2010, l'opération Hélianthe, siège d'Eiffage en Rhône-Alpes avait fait l'objet, lors de sa conception, d'une simulation thermodynamique avec des hypothèses très éloignées de la réalité d'aujourd'hui. Alors que les calculs ont été réalisés avec l'hypothèse de 580 postes de travail chauffés à 19°C, le bâtiment compte actuellement 350 occupants réclamant une température d'au moins 22°C durant la saison froide.
La quasi-égalité entre la consommation totale donnée, en phase conception, par la simulation thermodynamique et celle mesurée au compteur électrique, est donc « un miraculeux hasard cachant d'importants écarts au niveau de chaque poste», a reconnu Vianney Fullhardt, jeudi 28 novembre, lors d'une rencontre organisée par l'Institut français pour la performance énergétique du bâtiment et le Centre scientifique et technique du bâtiment.
Pour le siège de sa filiale Nordiste, Norpac, Bouygues construction fait le même constat qu'Eiffage. Si le résultat de la simulation thermodynamique est presque identique à la consommation réelle du bâtiment, ce n'est pas le fruit de la précision des hypothèses et de l'efficacité de l'algorithme de calcul mais une heureuse coïncidence. Sur certains postes la consommation mesurée est supérieure à celle estimée et, sur d'autres, c'est l'inverse. En additionnant tous les postes, sur la consommation totale, les différences s'annulent.
Pour cet immeuble de quatre étages accueillant 300 collaborateurs sur 6000 m², les consommations liées à la ventilation et aux ascenseurs ont étaient surestimées lors de la simulation. «Les ascenseurs sont moins utilisés que prévus car nous avons mené, en interne, une campagne pour inciter les collaborateurs à utiliser les escaliers entre les niveaux intermédiaires», explique Jean Lacroix, ingénieur chez Bouygues construction, en charge du suivi du bâtiment.
En revanche, les consommations liées aux auxiliaires de chauffage et de refroidissement, autrement dit les pompes servant à puiser dans la nappe souterraine et à alimenter les PAC, ont largement étaient sous-estimées. Alors que la consommation de ce poste était évaluée à 0,5 kWhep/m²/an, elle représente en réalité plus de 20kWhep/m²/an. Plusieurs raisons expliquent cet écart. « Nous n'avions pas pris en compte, dans les calculs, que la salle informatique avait besoin d'être refroidie tout le long de l'année. Ce qui nécessite de faire fonctionner, en continu, les pompes de forage, explique Jean Lacroix. Une erreur sur le catalogue du fournisseur a aussi biaisé l'estimation. Le rendement de la pompe, annoncé à 56%, ne se révèle en fait que de 46%».
Selon Jean Lacroix, le siège de Norpac, avec une facture énergétique annuelle inférieure à 6 euros/m², est quand même aujourd'hui le « bâtiment le plus performant au sein du parc du groupe». Pour en faire un exemple d'exploitation, tout a été passé au crible. « Le premier mois, la consommation liée au «coin café» s'élevait à 10kWhep/m²/an. Nous avons travaillé avec le prestataire, notamment pour que les distributeurs s'éteignent le week-end, et nous avons ainsi divisé par trois les besoins en électricité de cet espace».
Si les bureaux nordistes de Bouygues ont fait l'objet d'une attention particulière, c'est qu'ils devaient servir de laboratoire de la basse consommation.
Cependant, dans les BBC livrés par des investisseurs et occupés par plusieurs entreprises, les choses sont bien différentes. L'écart entre les résultats des simulations thermodynamiques et les consommations réellement mesurées peut, plutôt que se réduire, s'accroître avec le temps.