Depuis la loi Biodiversité du 8 août 2016, les arbres font juridiquement l’objet d’une attention et d’une protection spécifiques. Son article 172 a ainsi ajouté un article L. 350-3 au Code de l’environnement. Lequel pose le principe d’interdiction d’abattre ou de porter atteinte à un ou plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres, d’en compromettre la conservation ou d’en modifier radicalement l'aspect. Des dérogations sont toutefois prévues « si l'abattage ou l'atteinte est nécessaire pour des motifs sanitaires, mécaniques ou esthétiques ou s'il a été autorisé, à titre dérogatoire, pour la réalisation d'un projet de construction. »
À lire aussi
En tout état de cause, le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, d’en compromettre la conservation ou d’en modifier radicalement l'aspect « donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur » (art. L. 350-3).
A la suite d’un contentieux opposant la métropole rennaise à une association de protection de l’environnement, le Conseil d’Etat est venu préciser ces dispositions dans un avis du 21 juin 2021.
Permis d’aménager et d’abattre
Le maire de Rennes avait en l’espèce délivré à la métropole un permis d’aménager une voirie et l’avait autorisé à abattre quatre arbres - ce qui était nécessaire au projet – situés aux abords. L’association attaque les arrêtés devant le tribunal administratif, qui sursoit à statuer. Les juges du fond se tournent vers la Haute juridiction administrative et lui soumettent les deux questions suivantes :
« Lalégalité d'un permis d'aménager portant sur des travaux impliquant l'abattage d'arbres inclus dans une allée ou un alignement d'arbres bordant une voie de communication peut-elle être directement appréciée au regard des dispositions de l'article L. 350-3 du Code de l'environnement ?
Dans l'affirmative, le permis d'aménager peut-il être regardé comme valant par lui-même dérogation accordée par l'autorité administrative compétente sur le fondement de l'article L. 350-3 du Code de l'environnement, ou sa délivrance doit-elle être différée, dans l'attente de celle de la dérogation, en particulier lorsque l'autorité compétente à cet égard n'est pas celle qui délivre le permis ? »
Nécessité de l’abattage et compensation
Se fondant sur les dispositions du Code de l’urbanisme encadrant la légalité d’une autorisation de construire au regard notamment de prescriptions environnementales (art. L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27) et de l'article L. 350-3 du Code de l'environnement, le Conseil d’Etat admet que « l'autorisation d'urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable vaut octroi de la dérogation prévue par le troisième alinéa de l'article L. 350-3 du Code de l'environnement ».
Et met à la charge de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme « de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage. »
CE, avis, 21 juin 2021, n° 446662, publié au recueil Lebon, JO du 29 juin 2021