Projet de loi EnR : ces mesures que le gouvernement a dû reprendre

Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, tel que présenté en Conseil des ministres le 26 septembre, avait été réécrit pour partie afin de tenir compte des observations formulées par le Conseil d’Etat.

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Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables
Le projet de loi EnR a été réécrit pour partie à la suite des observations du Conseil d'Etat.

Entre la version initiale et la version définitive du texte qui sera prochainement débattue au Parlement  - le texte sera examiné en première lecture par le Sénat -, le projet de loi dit EnR aura été modifié par cinq saisines rectificatives du Conseil d’Etat entre le 8 et le 22 septembre 2022. Les différents échanges auront notamment « permis de retirer des dispositions posant des difficultés ne pouvant être immédiatement résolues », et d’en modifier certaines, souligne la Haute assemblée dans son avis rendu lors des séances des 15 et 22 septembre 2022.

Délais pour rendre un avis trop courts

De manière générale, le Conseil d’Etat pointe du doigt l’étude d’impact initiale du projet de texte, « apparue inégale, insuffisante sur plusieurs articles, voire inexistante sur certaines dispositions pourtant importantes. Les insuffisances relevées tiennent, d’abord, à l’absence d’état des lieux, de données précises concernant les situations sur lesquelles portent les mesures, ce qui […] semble accréditer l’idée que l’évolution proposée des textes repose sur des présupposés plus que sur des constats étayés : tel est, en particulier, le cas de l’idée selon laquelle le contentieux serait une cause déterminante des délais constatés pour la mise en œuvre d’un projet ».

Le Conseil d’Etat déplore aussi les « très brefs délais » dont les organismes consultés ont disposé pour rendre leur avis. Si la régularité formelle des consultations a été assurée, « l’esprit qui préside à l’obligation de consulter ne peut être considéré, dans ces conditions, comme respecté ».

Dérogations à la loi Littoral trop hétérogènes

S’agissant des mesures visant à accélérer le développement de l’énergie solaire, rappelons que le projet de loi entend déroger à la loi Littoral pour permettre l’installation d’ouvrages de production d’énergie photovoltaïque en discontinuité de l’urbanisation, « sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée ».

Si ces dispositions « n’appellent pas d’objections d’ordre constitutionnel et conventionnel », le Conseil d’Etat met toutefois en garde le gouvernement sur « la multiplication au fil du temps et sans logique d’ensemble, de régimes dérogatoires à la législation très protectrice du littoral, qui sont de surcroît assortis de conditions procédurales et de fond hétérogènes ». Il ne peut que l’inviter à engager une réflexion pour tenter de donner une cohérence à ces dérogations et harmoniser les règles les régissant.

Solarisation des parkings éclatée dans trois codes

Le projet de loi entend aussi obliger les propriétaires de parkings extérieurs de plus de 2500 m2 à réaliser notamment des aménagements de végétalisation ou des dispositifs de production d’énergies renouvelables sur ombrières. Dans la version initiale du projet, cette mesure figurait dans le Code de l’énergie. Or, des mesures similaires avaient déjà été codifiées dans le Code de la construction et de l’habitation et dans le Code de l’urbanisme. Pour le Conseil d’Etat, « il n’est pas satisfaisant, au regard des exigences de lisibilité de la loi, d’éclater entre trois codes poursuivant des finalités différentes des dispositions similaires et complexes régissant les parcs de stationnement extérieurs ni de prévoir leur entrée en vigueur à des dates différentes ». Aussi, il lui a semblé préférable, « en l’état de la législation, de ne pas codifier les dispositions envisagées » et de fixer une même date d’application, le 1er juillet 2023, pour toutes les modifications souhaitées. Ce qu’a accepté le gouvernement.

Partage de valeur des énergies renouvelables, oui sur le principe

Enfin, compte tenu des fortes oppositions suscitées par certains projets d’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable, en particulier d’éoliennes terrestres et d’unités de méthanisation de grande capacité, le projet de loi institue un régime de « partage territorial de la valeur des énergies renouvelables » avec les riverains des installations et les communes concernées. Concrètement, cette mesure se traduira par un rabais sur leur facture d'électricité et doit permettre « d'améliorer considérablement l'attractivité locale des projets », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Sur ce point, le Conseil d’Etat admet que cette disposition, « qui introduit une différence de traitement entre consommateurs selon l’importance de la contribution du territoire où ils résident à l’atteinte des objectifs […] en matière de lutte contre le réchauffement climatique, poursuit un objectif d’intérêt général justifiant, dans son principe, un [tel] soutien ».

Différence de traitement non justifiée

Mais eu égard « précisément à l’objectif poursuivi, la différence de traitement introduite par le projet de loi entre résidences principales et secondaires ne se justifie pas ».

Il lui a semblé aussi nécessaire de justifier, « par des critères objectifs et solidement étayés » les atteintes à l’égalité de traitement entre consommateurs ou entre collectivités qui pourraient résulter de l’application de cette mesure. Et de définir, « par des dispositions de niveau législatif » et non en renvoyant au règlement, « la condition déclenchant cette déduction et consistant en un critère géographique (un périmètre), lui-même déterminé en tenant compte de la nature et des caractéristiques de ces installations ». Ici encore, les observations de la Haute Assemblée ont été entendues.

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