Jurisprudence

Préemption : quand le juge vient au secours d’un promoteur immobilier

Le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l'exécution d'une décision de préemption prise par l'Eurométropole de Strasbourg (EMS) dans le cadre d'un contentieux avec un promoteur concernant un projet de construction d'habitations collectives.

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Droit de préemption : quand le juge vient au secours d'un promoteur immobilier
Urbanisme

Une collectivité exercerait-elle son droit de préemption dans la seule optique de faire obstacle à la réalisation d’un projet de construction ? C’est en tout cas l’avis d’un promoteur immobilier qui a décidé de saisir le juge des référés pour qu’il suspende la décision de préemption de la métropole de Strasbourg, opposée à la réalisation de 18 logements collectifs dans un quartier en renouvellement urbain. Le tribunal administratif (TA) lui a donné gain de cause le 28 janvier 2022, estimant que les moyens avancés par les requérants étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de la collectivité.

Refus de permis de construire…

A l’origine de cette affaire, le refus de la Ville de Strasbourg de délivrer le permis de construire au promoteur « au motif que la voie publique qui assure la desserte de la construction projetée ne présenterait pas des caractéristiques adaptées à la nature et à l’importance de l’opération », explique David Gillig, l’avocat de la société de promotion immobilière. Ce refus a été contesté auprès du TA et le recours a été assorti d’une demande tendant à ce que le tribunal ordonne à la mairie d’octroyer l’autorisation. Ce contentieux est toujours en cours.

… suivi du droit de préemption urbain

Ne souhaitant pas attendre la fin de cette procédure, le promoteur a, par l’intermédiaire de son notaire, déposé une déclaration d’intention d’aliéner, afin de purger le droit de préemption urbain. C’est alors que l’EMS a décidé de préempter les parcelles concernées par le projet, justifiant sa décision par la nécessité, pour des raisons de sécurité, de réaliser un équipement public visant à aménager une aire de retournement dans l'impasse desservant le projet.

Saisi en référé, le juge a tout d’abord considéré que la condition tenant à l’urgence – nécessaire pour obtenir la suspension de la décision de préemption – était bien remplie. En effet, « alors que la réalité du projet de la société […] ressort des pièces du dossier, [l’EMS] se borne à faire valoir les risques lors des manœuvres sur l’aire de retournement, qui ne constituent pas en l’espèce une circonstance particulière caractérisant la nécessité pour elle de réaliser immédiatement le projet qui a motivé l’exercice du droit de préemption », indique le juge. D'autant que le bien avait fait l'objet d'une vente peu de temps avant sans que la collectivité préempte et que des travaux de sécurisation avaient déjà été réalisés.

Doute sérieux sur la légalité de la préemption

S’agissant des moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision – seconde condition d'octroi du référé-suspension – , le promoteur faisait valoir que la préemption n’était pas réalisée pour une opération d’aménagement au sens des dispositions de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme. « L’exécution de travaux relatifs à la voirie ne peut pas, par elle-même, justifier l’exercice du droit de préemption. En effet, si l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme vise la réalisation des équipements collectifs, c’est en tant qu’ils constituent des actions ou opérations d’aménagement. Or en l’espèce, des travaux d’aménagement d’une aire de retournement ne constituent pas le complément indissociable d’une opération d’aménagement que l’EMS aurait mise en œuvre dans le secteur concerné », avait plaidé l'avocat.

Autre moyen invoqué : la collectivité n’établissait pas disposer d’un réel projet d’intérêt général. Selon David Gillig, « l’impasse assurant la desserte du terrain préempté avait déjà fait l’objet de travaux de sécurisation il y a moins de deux ans permettant aux usagers de circuler sur la voie publique dans des conditions de sécurité tout à fait satisfaisantes. Il n’y avait donc aucune nécessité d’en réaliser de nouveaux. […] Et le terrain préempté n’était pas inscrit en emplacement réservé au PLU en vue de la réalisation de travaux de voirie ». Autant d'arguments qui ont convaincu le tribunal.

Un exemple pour les promoteurs

Cette ordonnance « doit servir d’exemples aux promoteurs immobiliers qui sont trop souvent victimes aujourd’hui de décisions qui ne reposent pas sur des considérations d’intérêt général mais sur des programmes et engagements électoraux visant à empêcher ou a minima réduire la réalisation de bâtiments d’habitation collective », prévient l’avocat.

TA Strasbourg, 28 janvier 2022, n° 2108942

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