Pourquoi les industriels s'intéressent de plus en plus au recyclage

L’économie circulaire a le vent en poupe. En attendant l’examen parlementaire du projet de loi sur l’économie circulaire, la rédaction de Négoce a retenu six démarches industrielles qui combinent respect de l’environnement et viabilité économique.

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PVC à recycler
PVC à recycler

Déchets inertes : les bons élèves du recyclage

Selon l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem), la mobilisation des producteurs de matériaux minéraux dans le cadre des engagements pour la croissance verte (ECV) contractés en 2016 a permis de dépasser, dès 2018, le seuil des 70 % fixé par l’Union européenne à l’horizon 2020 pour la collecte, le recyclage et la valorisation des déchets inertes du BTP. Toujours selon l’Unicem, ce pourcentage couvrirait près du tiers des besoins français en granulats. De plus, le syndicat professionnel œuvre pour proposer à l’État de signer un nouvel engagement et atteindre un taux de 90 % à l’horizon 2025.

 La performance et l’objectif sont directement liés aux initiatives de tous les grands acteurs de la filière ces derniè­res années. Plattard, groupe familial basé à Villefranche-sur-Saône (Rhône) et très diversifié, en fournit un bon exemple. Il intègre à la fois un pôle négoce (34 agences) et un pôle industrie centré autour des granulats, du béton et du recyclage. Avec Ancycla, née en 2013, le groupe Plattard dispose d’une filiale qui, au service des acteurs du BTP et des collectivités locales, assure le suivi des déchets inertes, les valorise en écomatériaux ou les évacue vers les carrières pour la création de prairies inon­dables. Ancycla, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 2,1 M€ en 2018, annonce 80 000 tonnes de granulats recyclés par an, et sa production d’écomatériaux devrait atteindre 20 000 tonnes en 2019.

« La rentabilité opérationnelle est déjà au rendez-vous », affir­me Jacques Plattard, président du groupe, en insistant sur les 8 M€ investis ces dernières années dans l’ensemble de l’outil industriel qui intègre notamment, au-delà d’Ancycla, une carrière, une centrale à béton  deux usines à blocs et à tuyaux et un centre d’usinage.

À lui seul, le concasseur Gipo, mis en service en septembre 2018 et qui permet une meilleure granulométrie, a coûté 1,2 M€. Il va contribuer à la montée en puissance du site. Pour Ancycla, le principal nuage à l’horizon réside peut-être, même si Lyon n’est distant que d’une quarantaine de kilomètres, dans la capacité de son environnement immédiat à fournir suffisamment de déchets inertes. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le groupe réfléchit à la mise en place d’une filière de collecte dans son réseau de négoces.

Veka massifie la collecte des déchets de PVC

On le sait depuis longtemps, le PVC des portes, fenêtres et canalisations se recycle très bien. Mieux, il s’inscrit parfaitement dans le modèle de l’économie circulaire, puisque la matière recyclée est substituable à la matière vierge et réduit considérablement (moins de CO2 et moins d’énergie consommée) l’empreinte carbone du matériau. Une excellente nouvelle dans la perspective de l’entrée en vigueur de la RE2020.

Seulement voilà, avant de recycler, il faut collecter. Et là, le bât blesse. Selon Veka, producteur de profilés PVC, on estime entre 45 000 et 50 000 tonnes de « déchets PVC de fenêtres et fermetures post-consommation » la masse qui pourrait être valorisée annuellement en France. Or, seules 8 000 tonnes le sont, le reste partant en enfouissement.

L’entreprise est une des pionnières du recyclage du PVC : le concept de développement durable était à peine in­venté qu’elle ouvrait, en 1995, sa pre­miè­re usine de recycla­ge en Allemagne. Depuis, deux autres ont suivi, une en Grande-Bretagne, l’autre en France, à Vendeuvre-sur-Barse (Aube) en 2008. De cette dernière usine, 20 000 tonnes de matière recyclée sont sorties en 2018, et sans doute 22 000 cette année.

La performance a été réalisée grâce à 15 000 tonnes de déchets collectées, dont au moins la moitié provient… de pays frontaliers. Pourtant, Veka a mis en place un dispositif qui offre aux responsables de chantiers des conditions économiques incitant à la collecte plutôt qu’à la mise en décharge. Mais les habitudes sont bien installées. « La filière n’est pas centrée sur la valorisation de ses déchets », constate François Auble, président de Veka Recyclage, par ailleurs président du Syndicat national des régénérateurs de matières plastiques (SRP).

Placo s'attaque au diffus

Le Syndicat national des industriels du plâtre (Snip) a mis en place une charte de gestion des déchets dès 2008, puis a signé un engagement volontaire pour la croissance verte (ECV) avec le gouvernement en avril 2016. Résultat, le volume de déchets recyclés est passé de 10 000 tonnes en 2008 à 93 000 tonnes en 2018. Un bon résultat, mais loin de l’objectif défini lors de l’ECV, de 250 000 tonnes en 2020. En France, la filière extrait envi­ron 4 Mt de gypse par an, matière première du plâtre, dont plus de la moitié en Ile-de-France, dans 18 carrières. Or, si les gisements sont estimés à 350 Mt, dont près de 70 % dans le bassin parisien, la majeure partie inaccessibles, compte tenu de l’urbanisation, de l’implantation de grandes infrastructures et des réglementations environnementales. Les industriels doivent donc gérer les ressources naturelles de manière raisonnée – et recycler.

En 2017, 91 000 tonnes ont été valorisées en France par la profession. À lui seul, Placo en a recyclé 51 000 tonnes et se fixe comme objectif 200 000 tonnes d’ici à 2025. À cet effet, en 2018, l’industriel a lancé Big Bag, une offre pour les négoces qui vise à démocratiser l’accès au recyclage par la reprise de petites quantités provenant de chantiers diffus. L’artisan achète auprès de son négoce des sacs translucides et réutilisables, de 25 kg chacun. Il rapporte les sacs pleins dans son négoce, qui les contrôle et les stocke. Un collecteur Placo Recycling les achemine vers un atelier de recyclage Placoplatre. Transformés en poudre de gypse, ils sont réintroduits dans le process pour fabriquer de nouvelles plaques.

Le polystyrène s’active en France et en Europe

Composé essentiellement d’air, le polystyrène expansé (PSE) n’a pas à rougir de son bilan carbone. Sauf que l’enveloppe autour de l’air demeure un dérivé du pétrole, et que la pression monte pour agir autour du recyclage. En avril, l’Afipeb, qui rassemble les principaux fabricants présents sur le marché français, a signé un engagement volontaire, dans le cadre de la Feuille de route Économie circulaire (Frec) initiée par le gouvernement. Les acteurs s’engagent à atteindre un niveau annuel de 2 500 tonnes de PSE recyclé en 2025.

En amont de cet engagement national, il existe un projet européen, financé par le programme Life+ et baptisé PolyStyreneLoop. Il rassemble des acteurs industriels de tout le continent et vise à bâtir une usine-test pour le recyclage du PSE. L’objectif est d’agir chimiquement sur le PSE issu de la déconstruction – pour le transformer à nouveau en matière première, et fabriquer ainsi du polystyrène sans matériaux neufs.

Ce programme de recherche, situé aux Pays-Bas, s’inscrit dans la tendance globale de la filière plastique qui cherche des réponses technologiques pour valoriser les déchets et fonctionner au maximum en circuit fermé, le matériau usagé servant à fabriquer un nouveau produit, lui-même recyclable. Une boucle vertueuse, mais un défi technologique.

Objectif deuxième vie pour le vêtement de travail

Environ 8 millions de Français, soit près du tiers de la population active, portent un uniforme ou un vêtement de travail. De plus, d’après une étude publiée en 2016 par Yamana pour l’Ademe (1), quelque 34,8 millions de vêtements professionnels par an sont consommés en France. À cela, il faut ajouter le nombre de pièces en circulation dans le circuit des loueurs, estimé autour de 28 millions. Bref, le bleu de travail est un gisement important de déchets.

Le secteur du BTP, qui était jusqu’à présent en retard notamment par rapport à l’hôtellerie, commence tout juste à se mobiliser pour collecter ces vêtements usagés, sous l’impulsion des fabricants comme Muzelle Dulac Hasson et Molinel.

Ces deux acteurs participent à un programme baptisé Objectif 2e Vie. « Le dispositif existe depuis 2011, explique Rachel Boulos, adjointe de direction chez Molinel. Mais depuis ces dernières années,  nous constatons une montée en puissance du programme. Les grands comptes et les distributeurs sont de plus en plus sensibles à cette démarche en raison de leur engagement sociétal et environnemental de plus en plus soutenu. »

Pour ce programme, les deux fabricants passent par leurs distributeurs. Ceux-ci collectent les vêtements usagés, mais propres, en 100 % coton, coton/polyester ou polyster/coton. LesEPI peuvent également être revalorisés.

Une fois la volumétrie atteinte, le négoce envoie la marchandise chez Molinel, dans le Nord, qui la transmet à un partenaire spécialisé dans le traitement des déchets textiles. « Le retour est à la charge des distributeurs, poursuit-elle. Là, les vêtements sont déchiquetés et effilochés. » La matière fibreuse obtenue présente des caractéristiques particulières qui la rendent utilisable pour différentes applications, notamment en isolants thermiques et phoniques. Une fois les vêtements de travail recyclés, « une preuve de revalorisation est remise par nos soins », précise-t-elle. Enfin, il faut noter que les produits non recyclables comme certains équipements de protection individuelle (EPI) participent à la filière de revalorisation énergétique.

L’aluminium soigne son bilan carbone

Le bilan carbone de l’aluminium a de quoi inquiéter la filière. La production de ce matériau est responsable de 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial. Si l’aluminium européen se montre plus vertueux que les produits mondiaux, ce sujet reste central, en particulier avec la mise en place en France de la RE2020, qui va prendre en compte le bilan carbone global des bâtiments. Le groupe Hydro, connu en France notamment pour les marques Technal et Wicona, a pris le sujet à bras-le-corps. Il valorise dans son usine allemande l’aluminium issu de la déconstruction, puis le réintégre dans le processus de production dans l’usine luxembourgeoise. Ainsi, il divise par presque trois le bilan carbone du matériau. De plus, il place les menuiseries aluminium au niveau des menuiseries PVC en termes d’impact CO2. Une excellente illustration du cercle vertueux auquel le recyclage peut conduire.

Pour l’heure, toute la production de ce nouvel aluminium, baptisé R75, a été fléchée vers Technal et Wicona pour leurs usines françaises. Le matériau échappe donc au négoce, puisque ces marques vendent en direct aux menuisiers via des réseaux de distributeurs exclusifs. Mais le groupe Hydro entend développer cette production dans les prochaines années, avec une possible usine jumelle en Espagne dans quelques années. De plus, il y a fort à parier que ses concurrents développeront à leur tour des réponses comparables s’ils veulent pouvoir encore proposer des solutions de menuiseries aluminium dans la construction neuve en France dans les prochaines années.

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