Pas assez de concertation, textes pas assez aboutis, rythme trop soutenu, positions du Bâtiment pas assez défendues… Ces douze derniers mois, les critiques concernant le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) ont fusé, huit représentants des fédérations du Bâtiment ont même réussi à parler d’une même voix pour peser dans les débats. C’est peu dire que l’année 2021 du CSCEE a été mouvementée !
Et quand l’orage gronde, c’est le président de l’entité qui attire les foudres. Nommé le 4 novembre 2020 pour succéder à Thierry Repentin (ancien président de l’Agence nationale de l’habitat et actuel maire de Chambéry), Christophe Caresche n’a pas souhaité répondre à nos questions. L’ancien député de Paris a crispé les professionnels quand il a pris part au vote sur la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) sur le tertiaire. Sa voix compte double, et s’il s’était abstenu, l’avis adopté aurait été défavorable….
« Le président du CSCEE n’est qu’une courroie de transmission, il ne défend pas le point de vue des membres de la filière, ne laisse pas de place à la concertation et soumet au vote des textes pas aboutis », déplore un professionnel. « Il a reporté le vote sur la RE 2020 sur le résidentiel, pour donner au collège des professionnels le temps de l’été dernier pour rédiger un avis éclairé de façon à formuler des amendements au texte présenté », tient à rappeler un de ses soutiens.
Ne pas confondre concertation et consultation
Contacté, Christophe Caresche n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais le ministère du Logement (qui dépend de celui de la Transition Ecologique) l’a fait.
« Le CSCEE, qui est une instance consultative, fonctionne normalement. Ses membres doivent veiller à ne pas confondre le temps de la consultation et celui de la concertation, nous dit-on dans l’entourage d’Emmanuelle Wargon. La consultation consiste à prendre l’avis d’une personnalité qualifiée, le gouvernement est alors libre de le suivre. Alors que la concertation consiste à associer des parties prenantes à une prise de décision, en l’occurrence, la rédaction d’un texte de loi ou réglementaire. Notons que le gouvernement a largement pris en compte les réserves des membres du CSCEE, dans le cadre de leur consultation, puisque la RE 2020 a été largement amendée. Par ailleurs, le CSCEE permet de donner un cadre. Il donne l’occasion à chacun de ses membres, qu’elle que soit sa taille et ses ressources, de pouvoir s’exprimer et de faire entendre sa voix. »
Le mode de fonctionnement de l’administration, et donc du ministère du Logement, est également été pointé du doigt.
Dans le cadre des débats sur la RE 2020, « les membres du collège professionnel du CSCEE ont dû acquérir la licence du moteur de calcul, puis faire appel au même bureau d’étude que la DHUP (Pouget Consultants), afin de challenger les cas tests trop stéréotypés et soumettre des cas plus proches de la réalité du terrain, déplorait Marianne Louis, déléguée générale de l’Union sociale pour l’habitat (USH), dans le cadre d’une interview accordée au Moniteur. Le calcul conventionnel était trop différent de la réalité, nous avons conclu collectivement que la première version du texte ne pourrait être appliquée. Même si nous avons réussi à amender le texte, le fait de devoir acquérir le moteur de calcul en dit long sur la méthode de travail du CSCEE. »
Sur ce point, le ministère rappelle que « la réglementation environnementale s’appuie sur des moteurs de calcul qui ne sont pas la propriété du ministère de la Transition écologique. Le CSTB en développe un, d’autres ont été développés par des bureaux d’études mandatés par l’administration. Ce qui n’a pas entravé la négociation sur la RE 2020. »
Autre critique : la qualité des textes proposés à la consultation. A titre d’exemple, rappelons que dans le cadre de la RE 2020 sur le tertiaire, les membres du CSCEE ont découvert que les façades rideaux avaient été oubliées des modélisations de la DHUP. « Et elle a tout de suite pris en compte les remarques des membres », rappelle un membre du CSCEE.
Pas de volonté de contrecarrer le poids du Bâtiment dans les débats
Dernier point de crispation : l’arrivée de nouveaux membres au CSCEE. Le Conseil s’est enrichi de trois nouveaux représentants de l’Union des industriels et constructeurs bois (UICB), de l’Association des directeurs immobiliers (ADI) et du Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav). Et de deux personnalités qualifiées (l’essayiste et économiste Robin Rivaton, auteur d’un rapport sur l’industrialisation de la filière construction) et d’un représentant d’Effinergie.
Ces deux dernières nominations ont crispé les représentants de la filière Bâtiment. Le rapport de Robin Rivaton est critiqué – « il est hors-sol », dit l’un de ses détracteurs - et Effinergie est une association qui « prend souvent des positions extrêmement exigeantes sur ce que la réglementation prévoit », juge un autre professionnel.
Certains ont vu en ces nominations la volonté de contrebalancer le poids de la filière Bâtiment, qui a réussi à peser dans les débats sur la RE 2020. « Ce sujet a été débattu en séance, car nous avons senti une certaine irritation des membres historiques par rapport à la composition du CSCEE, assure-t-on au ministère du Logement. Imaginer que faire entrer un syndicat relatif à la maintenance vient à l’encontre de la maîtrise d’ouvrage relève de l’extrapolation. L’arrivée des nouveaux membres ne gomme pas la spécificité technique du CSCEE. L’évolution de cette assemblée reflète les enjeux à venir qui s’imposent à la filière Bâtiment. »
L’agacement lié à la nomination d’un représentant du Synasav porte surtout sur son statut selon un observateur. « Au départ, seules les fédérations devaient être représentées et non pas les syndicats, pour avoir une vision plus globale des problématiques. Avoir un représentant de la maintenance n’est pas problématique en soit, bien au contraire, mais pour respecter cette règle de base, il aurait été préférable de proposer un siège à la Fédération des services énergie environnement (Feden) qui regroupe sept syndicats, dont le Synasav. »
La dernière séance du CSCEE s'est tenue le 14 décembre dernier. Ses membres se réuniront le 11 janvier prochain pour de nouveaux débats...