150 tonnes de calcaire et trois tonnes de brique broyée ont été nécessaires pour transformer le terrain de football du stade Pierre-Mauroy de Lille en court de tennis en terre battue. Et le double pour aménager les deux courts de Marcq-en-Barœul, où les équipes de France et de Suisse se sont entraînées toute la semaine. Circuit court – sans jeu de mot - pour la brique, en provenance de la briqueterie Lamour, dont l’unité de production est située dans le Douaisis, à moins de 40 km du stade Pierre-Mauroy. Et nouveau filon pour cette PME familiale rachetée en 2009 par Frédéric Vandeneeckoutte, un ingénieur en process industriel qui a travaillé 14 ans aux Briqueteries du Nord, en association avec Philippe Louillet, président d’Arbuatti, Prix Moniteur de la Construction 2013 dans la catégorie gros œuvre.
Depuis trois ans, Lamour fournit, en effet, la «matière première» de Roland-Garros: une brique argileuse de couleur rouge qui a fait la notoriété du stade de la Porte d’Auteuil. «Il y a un cahier des charges très pointu, explique Frédéric Vandeneeckhoutte. La couleur, déjà, mais également la dureté de la brique, qui doit avoir une granulométrie bien précise après broyage. Nous mettons tous nos déchets de coup de côté, lesquels partent ensuite à Andilly, dans le Val-d’Oise.» Là, la société Supersol, leader français dans la construction, la rénovation, la réfection et l’entretien de terrains de tennis, procède au broyage et à la confection du produit fini. Cette année, entre le tournoi du Grand Chelem et la finale de la Coupe Davis, Lamour a livré 300 tonnes de brique à Supersol. Dans un marché en baisse de 30% en France, la niche vient à point nommé. «Et c’est une image prestigieuse pour l’entreprise», ajoute Frédéric Vandeneeckhoutte.
La brique, un produit de luxe
L’histoire de Lamour débute par l’installation en 1929 à Waziers d’un four Hoffmann à double galerie de 50 m de long et celui-ci fonctionne toujours ! Depuis qu’il a repris l’entreprise, Frédéric Vandeneeckoutte a beaucoup investi: dans la remise en état du four et des cheminées, dans un nouvel atelier de sciage, en attendant un nouveau séchoir. Des moyens importants ont également été mis dans la recherche, en collaboration avec l’Université du Hainaut. Avec la crise, la brique, qui a servi à bâtir le Nord, est en train de devenir un produit de luxe, davantage orienté vers le parement et la décoration. «Nous avons affaire à des clients très exigeants, notamment à l’étranger, en Allemagne et au Benelux, où nous réalisons désormais 30% de notre chiffre d’affaires (1,5 million d’euros en 2013). Il nous a donc fallu nous adapter et développé de nouvelles gammes de produits en jouant notamment sur le format et la teinte.» Lamour a même créé une filiale – Brique ISO – dédiée à l’isolation thermique par l’extérieur.
La production annuelle de la briqueterie, qui emploie 23 salariés à temps plein, atteint 4 millions d’unités par an, suivant un rythme saisonnier: fabrication de la brique humide en été et cuisson tout au long de l’année. Le nouveau séchoir offrira une capacité supérieure. Depuis 1994, l’extraction de l’argile ne s’effectue, toutefois, plus sur place mais aux carrières de Roucourt, à une quinzaine de kilomètres au sud de Waziers, la concession d’exploitation du gisement courant jusqu’en 2029. En plus de participer à la renommée du tennis français, la briqueterie Lamour apparaît sur la bande-annonce du Louvre-Lens. A 85 ans, elle fait désormais partie du patrimoine régional. Une victoire dimanche de la France la ferait entrer dans l’histoire.
