Pompes à chaleur made in France : deux acteurs décryptent les enjeux

Deux semaines après les annonces du président de la République sur le développement d’une filière française de production de pompes à chaleur air-eau, Négoce a interrogé deux acteurs, l’un déjà producteur (Vaillant Group, sous la marque Saunier Duval, à Nantes), et l’autre pas encore présent industriellement en France pour cette technologie (Bosch Home Comfort). Tour d’horizon des questions en suspens.

Réservé aux abonnés
Auer, fabricant français de chauffe-eau thermodynamiques et de pompes à chaleur dans la Somme
Auer, fabricant français de chauffe-eau thermodynamiques et de pompes à chaleur dans la Somme

Quelle production en France ?

Tout le monde l’a compris : le chef de l’Etat ne parle que de la pompe à chaleur air-eau. La production de PAC air-air semble hors de portée, les industriels asiatiques étant très bien positionnés sur ces produits qui présentent moins de particularités selon les marchés nationaux ou régionaux.

Mais même avec cette précision, le périmètre n’est pas totalement clarifié. « Il ne s’agit pas d’avoir que de l’assemblage, même si Saunier Duval est ravi d’en faire dans son usine de Nantes, estime Diego Lepoutre, directeur du marketing de Vaillant Group en France. Il faut au fur et à mesure créer tout un réseau de fournisseurs et de sous-traitants, notamment, à terme, pour les compresseurs. » Or, la partie est loin d’être gagnée.

Quelles perspectives de marché pour la pompe à chaleur air-eau?

La certitude semble partagée par de nombreux acteurs : la pompe à chaleur air-eau est promise à un bel avenir à long terme. Reste qu’à court terme, la conjoncture est moins favorable. « La France est le premier marché au monde pour la PAC air-eau, porté ces dernières années par des aides généreuses », détaille Marc Trela, responsable national produits résidentiels de Bosch Home Comfort. Mais ces derniers mois, le climat se tend. « On observe depuis quelques semaines une panne du marché, confirme Diego Lepoutre. Le climat inflationniste, les contrôles renforcés qui rendent les aides moins faciles à obtenir, l’augmentation du reste à charge et des prix de l’électricité qui rend le choix de la pompe à chaleur plus incertain, la morosité ambiante, les difficultés du neuf… : le marché est beaucoup plus faible. » 

Aujourd’hui, Saunier Duval négocie du chômage partiel avec les instances représentatives du personnel dans son usine de Nantes. « Il s’agit pour nous de conserver les compétences, car nous sommes convaincus que les perspectives de long terme sont bonnes pour la PAC air-eau, poursuit Diego Lepoutre. Mais il faut passer ces quelques mois difficiles, en France comme en Europe. »

Quels modèles pour l’avenir ?

En France, le marché est dominé à 80 % par les produits splits (séparés en un groupe extérieur et une ou plusieurs unités intérieures). « Ils conviennent parfaitement aux installateurs venus du monde de la climatisation, estime Diego Lepoutre, mais plus les professionnels chauffagistes s’y mettent et plus le monobloc se développe. » Ces machines ressemblent davantage aux chaudières. « La conversion du marché se fait à marche forcée vers le monobloc, analyse Marc Trela. C’est donc assurément sur cette production qu’il faut miser. »

Mais d’autres appareils pourraient s’avérer intéressants à produire. « Contrairement à pas mal de ses voisins, la France n’a pas misé sur les appareils hybrides, poursuit Marc Trela. Cette technologie est pourtant intéressante pour accompagner en douceur la conversion du tissu productif français de chaudières vers les pompes à chaleur. »

Quelles économies d’échelle ?

Autre question brûlante, le prix des appareils. Au bas mot, une pompe à chaleur coûte au client final 12 000 €, soit plus du double d’une chaudière. Un delta qui peut expliquer en partie le ralentissement du marché. Une baisse de prix paraît nécessaire pour que la PAC air-eau franchisse un nouveau cap.

« La réduction des coûts passe par la création de gigafactories », estime Marc Trela, pour qui l’heure n’est plus à essaimer de petites productions sur le territoire. Diego Lepoutre, pour sa part, ne croit guère à des économies d’échelle significatives. « La PAC air-eau ne peut atteindre le prix d’une chaudière gaz, estime-t-il. La technologie n’est pas nouvelle, elle demande plus de composants et un ballon pour le stockage de l’eau sanitaire, il n’y a pas de réelle courbe d’apprentissage à attendre au-delà des optimisations sur le dimensionnement de certains composants et la fabrication. Et les effets de volume sur l’acier, le cuivre ou les compresseurs – qui sont déjà produits en grande quantité – ne seront pas significatifs pour faire baisser les coûts. » D’autant que les exigences européennes se renforcent avec le temps. Les PAC conçues pour les usages européens sont plus volumineuses que sur d’autres continents pour permettre des émissions sonores moins importantes. « Le prix pour le client final comprend bien sûr la machine, mais aussi l’installation », rappelle Diego Lepoutre. Or, elle dure plus longtemps et nécessite plus de main-d’œuvre que celle d’une chaudière au gaz de par notamment la complexité ou le poids du système.

Il faudra donc aussi de la R&D pour parvenir à baisser significativement le coût des appareils. Une voie explorée par de nombreux acteurs, qu’ils produisent déjà en France à l’instar de Saunier Duval, ou pas encore, comme Bosch Home Comfort .

Quels instruments politiques ?

La volonté présidentielle devrait passer par deux canaux de déploiement : les incitations financières d’une part, et l’activisme gouvernemental d’autre part, pour réussir dans l’univers de la pompe à chaleur et de ses composants la même chose que dans les batteries électriques. Objectif : attirer des méga-investissements.

Plusieurs sources interrogées par ailleurs murmurent qu’une réflexion est en cours autour d’un encouragement public en fonction du poids carbone des produits. Une façon indirecte de favoriser une production made in France, dont il reste à prouver qu’elle respecte la réglementation européenne.

Abonnés
Top 100 de la distribution bâtiment et bricolage
Retrouvez le classement annuel du Top 100
Je découvre le classementOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !