Le froid a beau geler les activités, l'ambiance reste chaude chez les Négociants Réunis. Planté au milieu du plateau des commerciaux, Jean-Pierre Duranton, le chef de cour, peste en évoquant ses échanges avec Gérard Marsala, le responsable de la logistique, au sujet d'un retard de livraison :
- De toutes les façons, quand je m'adresse à lui, cela ne marche jamais. Il essaie de m'éviter, il bougonne, il ne répond pas à mes questions, et pour obtenir quelque chose de lui, il faut presque lui forcer la main !
Yves Novack le coupe :
- N'exagère pas. Gérard est un garçon agréable, en règle générale.
- Pas avec moi ! Peut-être que ma tête ne lui revient pas ! Je n'en sais rien, mais le résultat est là : je n'en tire rien !
- Tu devrais un peu y mettre les formes, temporise Novack.
Yves connaît les manières frustres de cette sympathique force de la nature. Au début de leur amitié, Yves avait écouté ses plaintes et essayé d'arrondir les angles avec les collègues des autres services jusqu'à leur demander de traiter le chef de cour avec plus de considération. Puis, il a pris conscience du comportement de Duranton. Jean-Pierre débarque dans les services comme un ouragan et aboie ses demandes sans la moindre formule de politesse. ni bonjour, ni s'il vous plaît, ni merci !
- Que racontes-tu ? Bien sûr que j'y mets les formes ! Mais le service « logistique » ne m'a jamais apprécié. Depuis ma prise de fonction, ils me donnent tous l'impression qu'à chacune de mes questions, je leur demande la lune !
- Tu exagères ! Tu pourrais en parler avec eux, autour d'un café, dans le calme et la sérénité.
- Non, non cela ne servira à rien. D'ailleurs, le poste de chef de cour est un vrai traquenard, en prise directe avec les clients et leurs problèmes, toujours pressés et mécontents. Je fais le sale boulot. Je n'ai jamais une récompense, un mot aimable. Dès qu'il y a un truc qui ne va pas, c'est sur moi que cela retombe. Et ce n'est pas Chareton, notre chef d'agence, qui s'est posé la question de savoir si j'avais les moyens d'améliorer la situation.
Novack soupire. Aujourd'hui, il ne se sent pas le courage de remettre sur le tapis un débat maintes fois abordé. Il remet cette corvée à plus tard.
- Ecoute. Positive ! Pense que tu seras en vacances la semaine prochaine. Si tu veux, on en reparlera à ton retour !
Jean-Pierre soupire, modeste :
- Ah ! Qu'est-ce qu'ils feront sans moi, pendant tout ce temps ?