Périurbain L’agriculture, une ressource pour la ville durable

Les terres agricoles périurbaines sont aujourd’hui considérées comme une ressource pour aménager des espaces de nature et de loisirs pour les citadins, tout en maintenant l’activité des exploitants.

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Chaque année, 61 000 ha de terres agricoles sont soustraits à l’agriculture pour être urbanisés. En six ans, c’est l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département qui disparaît (1). Les espaces agricoles périurbains, soumis à une forte pression foncière, sont les plus menacés. On en mesure aujourd’hui les conséquences : ce grignotage foncier a fini par miter les paysages, enclaver les exploitations parmi les lotissements pavillonnaires et les zones d’activités, et détériorer les conditions de travail des agriculteurs – morcellement des parcelles, circulation des engins agricoles rendue difficile, précarité des baux. En outre, en assurant leur approvisionnement alimentaire par transports, les villes ont sérieusement augmenté leur empreinte écologique.

Certaines agglomérations ont cependant pris conscience que les terres agricoles ne pouvaient plus être la variable d’ajustement de leur extension. « Avec le changement climatique et la crise alimentaire, la protection et la valorisation des espaces agricoles en milieu périurbain deviennent un objectif aujourd’hui mieux partagé », résume Serge Bonnefoy, secrétaire technique de Terres en villes, un réseau créé en 2000 qui rassemble à parité des agglomérations et des acteurs du monde agricole (voir interview page 46). Le citadin exige désormais de consommer des produits de qualité et le rétablissement des circuits courts de distribution (marchés forains, ventes à la ferme…), que permet le maintien de l’agriculture périurbaine, offre cette garantie de qualité et de traçabilité. « On entre dans un cercle vertueux : l’agriculteur est rémunéré au juste prix, ce qui lui permet d’améliorer ses conditions de travail et la qualité des produits », précise Thierry Laverne, président de l’association le Triangle vert, qui a développé un projet agri-urbain sur cinq communes de l’Essonne (voir ci-dessus).

Partenariat avec les exploitants agricoles

Ces territoires agricoles à proximité des villes sont aussi appréciés des citadins comme espaces de nature et de loisirs. La métropole lilloise a ainsi développé un partenariat solide avec les exploitants agricoles pour combler le déficit de l’agglomération en espaces naturels. Elle s’est également dotée d’un outil, le syndicat mixte Espace naturel Lille Métropole (ENLM), pour mener à bien ces aménagements. « Le projet de la communauté urbaine de Lille repose sur un juste équilibre : maintenir une agriculture périurbaine forte et ouvrir les plaines agricoles aux citadins », explique Slimane Tir, président de l’ENLM.

Le parc de la Deûle a été le laboratoire de cette politique, aujourd’hui reconduite sur d’autres territoires de la métropole (plaine des Périseaux, Arc Nord…). « Les agriculteurs ont compris que la création d’un parc paysager était un moyen de conserver leur outil de travail, ce qui n’aurait pas été possible avec l’installation d’une zone d’activités ou d’un lotissement », ajoute Pierre Dhénin, directeur de l’ENLM. La reconquête de ces espaces naturels s’appuie sur des acquisitions, « mais l’objectif n’est pas de transformer la métropole lilloise en grand propriétaire terrien », prévient Slimane Tir. Pour la plaine des Périseaux, la déclaration d’utilité publique, en cours d’instruction, vise à racheter les bandes de terre nécessaires à l’élargissement des chemins, de manière à accueillir les visiteurs, installer des corridors biologiques et assurer le passage des engins agricoles. En retour, les exploitants auront la garantie que la vocation agricole de leurs terres sera maintenue.

Outils réglementaires

Préserver ces territoires agricoles nécessite aussi d’établir des limites claires dans les documents d’urbanisme, les Scot et PLU. Des outils réglementaires permettent d’assurer plus fortement leur protection. La procédure la plus lourde est la zone d’agriculture protégée (ZAP), définie par la loi d’orientation agricole de 1999. Mais la loi relative au développement des territoires ruraux de 2005 a introduit le PAEN (2), un outil plus intéressant car le gel du foncier s’accompagne d’un programme d’action.

Au-delà de ces outils, certains experts pointent le manque de clarté dans la délimitation des compétences en matière d’agriculture périurbaine. « En France, il y a une réelle difficulté à créer les synergies autour d’un projet d’envergure et à débloquer les moyens nécessaires, contrairement à d’autres pays, comme les Pays-Bas, l’Angleterre, ou même l’Italie et l’Espagne par exemple, où les parcs agricoles de Sud-Milan (48 000 ha) et de Barcelone (3 000 ha) sont nés d’un travail commun des collectivités territoriales – à tous les échelons – avec le monde agricole, remarque Serge Bonnefoy. L’agriculture périurbaine doit faire l’objet d’une politique globale en devenant une compétence obligatoire pour toutes les agglomérations. » La condition pour inventer des projets de développement dynamiques et durables sur ce territoire.

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