Le plan local d’urbanisme bioclimatique (PLUb) parisien, dont la révision avait été initiée en décembre 2020, a été définitivement approuvé le 20 novembre. Ce document, désormais en vigueur, se veut un PLU de la transformation et non plus de la construction. Il raisonne par catégories d’interventions à effectuer sur une construction existante, à savoir : reconstruction, restructuration lourde, réhabilitation, extension, surélévation, et épaississement.
Ces catégories d’intervention sont déterminantes pour l’applicabilité d’un certain nombre de règles, comme la servitude de mixité fonctionnelle, les emplacements réservés, les linéaires de protection du commerce et de l’artisanat, les exigences d’espaces libres et d’indice de végétalisation du bâti, les performances énergétiques et environnementales, le stationnement des vélos, ou encore les externalités positives...
Restructuration lourde
A la suite des nombreuses remarques faites par les opérateurs, la définition de chaque catégorie d’intervention a été précisée, en particulier la notion de « restructuration lourde ». Elle s’entend des « travaux visant à rénover ou modifier une construction existante, qui suppriment ou rendent à l’état neuf les éléments déterminant la résistance et la rigidité de la construction dans une proportion d’au moins 15 %, sous réserve des travaux qui ressortent de la reconstruction ».
Le rapport de présentation du PLUb précise que « les éléments déterminant la résistance et la rigidité de la construction pris en compte sont les planchers, poteaux, poutres, murs porteurs, charpentes porteuses… Les façades sont susceptibles d’être prises en compte, selon qu’elles présentent ou non un caractère structurel. Les fondations ne sont pas incluses dans les éléments pris en compte dans le calcul. Ces interventions ont été choisies car elles revêtent un caractère objectif et vérifiable au moment de l’instruction ».
Ne pas bloquer les travaux vertueux sur le plan écologique
De son côté, le règlement exclut de la notion de restructuration lourde les travaux entrepris sur les fondations et ceux « visant exclusivement à améliorer la performance énergétique des constructions et/ou à développer la production d’énergie renouvelable » ou « visant exclusivement à préserver l’état sanitaire des constructions et/ou à en assurer la mise aux normes en matière d’accessibilité, d’hygiène, d’isolation phonique ou thermique ou de sécurité », l’idée étant de ne pas bloquer des travaux écologiquement vertueux. Le champ de cette exception devrait être précisé par la Ville lorsqu’elle mettra en œuvre le PLUb ou par le juge en cas de contentieux.
Extension
A noter également la modification de la définition de la notion d’extension, qui vise l’« agrandissement horizontal d’une construction existante modifiant son emprise au sol ou son emprise géométrique et présentant un lien physique et fonctionnel avec celle-ci ». Il faut souligner qu’en faisant désormais référence à une nouvelle notion « d’emprise géométrique », le PLUb soumet à des règles contraignantes les extensions en sous-sol.
Possibilité d’augmenter la SPE
Répondant partiellement à l’avis de l’Etat et aux nombreuses critiques, la Ville de Paris réintroduit, en l’encadrant, la possibilité d’augmenter la surface de plancher des destinations liées à l’activité économique (SPE) dans le nouveau secteur de développement de l’habitation en prévoyant qu’« une augmentation de la SPE inférieure ou égale à 10 % est admise lorsque l’opération comporte la création de locaux destinés à l’habitation sur le même terrain, d’une surface de plancher supérieure ou égale à la SPE créée, avec un minimum de 500 m² ». Toute nouvelle surface tertiaire devra donc être accompagnée de la même surface d’habitation. Rappelons que dans le projet initial, il n’était pas possible de créer un seul m² de SPE dans le secteur de développement de l’habitation.
Mixité fonctionnelle
Cette nouvelle règle qui impose - de manière schématique - d’affecter 10 % de la surface de plancher (hors rez-de-chaussée et sous-sol) à du logement, en cas de construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination ou de sous-destination d’un immeuble d’activités de plus de 4 500 m², dans l’Ouest parisien, a suscité de nombreuses critiques et interrogations. Pourtant, la Ville de Paris n’a pas suivi la commission d’enquête qui recommandait que soient exclus de cette règle les opérations de restructuration lourde et les changements partiels de sous-destination, ce qui est fort regrettable pour les propriétaires ou locataires de bureaux.
Mixité sociale
La servitude de mixité sociale, déjà présente dans le précédent PLU est renforcée : abaissement du seuil de déclenchement à 500 m2 (contre 800 m2 dans le PLU de 2006) et relèvement de la part de logements sociaux à créer.
A cet égard, la Ville n’a pas davantage entendu les nombreuses critiques concernant la définition qu’elle donne du logement social, dont elle exclut expressément les logements en location-accession, en usufruit locatif social, en bail réel solidaire (BRS), ainsi que les logements locatifs intermédiaires. Soulignons que la municipalité a entendu assujettir à cette servitude aussi bien les programmes de « logement » que les programmes « d’hébergement », de type résidences services.
Elle a néanmoins tenu compte des observations des bailleurs sociaux en exonérant de l’obligation de réaliser 30 % de BRS dans la zone non-déficitaire en logement social, la création ou la restructuration de résidences gérées, affectées en totalité à des logements sociaux.
Espaces libres en sous-sol et végétalisation du bâti
A la demande des professionnels de l’immobilier, la municipalité admet, sous certaines conditions, l’aménagement des espaces libres en dessous du niveau du sol pour la transformation de parkings existants en salle de sports, restaurants inter-entreprises, salles de réunion, etc. et ajuste les modalités de calcul et d’application de l’indice de végétalisation du bâti qui avait été jugé inatteignable, notamment en cas de restructuration lourde.
Externalités positives
Le dispositif innovant que représentent les externalités positives, également très critiqué, qui impose à tout projet de construction neuve, de restructuration lourde ou de surélévation ou d’extension, d’une surface de plancher supérieure à 150 m², de remplir au moins trois critères de performance (sur neuf existants) relevant de deux des trois thématiques « biodiversité et environnement », « programmation » et « efficacité énergétique et sobriété » a fait l’objet d’ajustements. A la suite de l’enquête publique, l’article UG.8 précise que d’une part, les constructions neuves non assujetties à la RE 2020 doivent seulement remplir deux critères (et non trois) et d’autre part, les extensions et surélévations non assujetties à la RE 2020 ne sont pas soumises à ce dispositif.
Sur ce thème comme pour beaucoup de nouvelles exigences, la publication d’un « guide d’application » du PLUb évoqué par la Ville dans ses réponses à la commission d’enquête est attendu par les porteurs de projet.
Abandon des emplacements réservés
Enfin, et en réponse à la seule « réserve » de la commission d’enquête, la municipalité a renoncé aux emplacements réservés (ER) qu’elle avait inscrits sur les groupes scolaires ainsi que sur une centaine d’immeubles dont les caractéristiques techniques, tout compte fait, ne se prêtaient pas à une transformation en logements. A l’arrivée, le PLUb comporte 828 ER pour le logement (514 nouveaux et 314 reconduits du précédent PLU).
Droit de délaissement
Les propriétaires d'immeubles dont l’emplacement réservé est maintenu peuvent à tout moment exercer leur droit de délaissement et mettre en demeure la Ville de Paris d’acquérir l’immeuble selon la procédure prévue aux articles L. 230-1 à L. 230-6 du Code de l’urbanisme. La collectivité dispose d’un délai d’un an pour s’accorder avec le propriétaire sur le prix de cession. A défaut d’accord amiable, le juge de l’expropriation pourra être saisi dans les trois mois. S’il n’est pas saisi dans un délai de quinze mois à compter de la réception de la mise en demeure, l’ER ne sera plus opposable (article L. 230-4 du Code de l’urbanisme), sans que cette inopposabilité ne soit conditionnée à la suppression de l’emplacement réservé dans le document d'urbanisme.
En cas de saisine du juge de l’expropriation, le prix doit correspondre à la valeur réelle de l’immeuble sans tenir compte de la réserve.
Recours contre le PLUb
De plus, le propriétaire, comme tout Parisien ou toute association qui souhaiterait critiquer certaines dispositions du PLUb, peut former un recours en annulation devant le tribunal administratif de Paris à l’encontre de la délibération approuvant le document d’urbanisme.
Ce recours, qui n’a pas d’effet suspensif (sauf à être accompagné d’un référé-suspension) devra être introduit dans les deux mois de l’entrée en vigueur du PLUb. A noter que, passé ce délai, il sera encore possible de solliciter son abrogation et de contester devant le tribunal administratif le refus d’abroger.
Appel à projets exemplaires
Parallèlement à l’approbation de son document d’urbanisme, la Ville de Paris a lancé un appel à projets, pour parvenir à identifier quelques immeubles « mutables » qui pourraient faire l’objet de travaux conformes au nouveau PLUb. Il est vrai que les opérateurs économiques, tout en souscrivant à ses objectifs environnementaux légitimes, paraissent dans l’ensemble largement circonspects. La limitation drastique voire totale de toute possibilité d’extension et l’assujettissement des opérations de restructuration lourde à l’obligation de créer des logements risquent fort de freiner les projets de transformation. Avec cet appel à projets, la municipalité semble vouloir les convaincre du contraire. Les projets devraient pouvoir être présentés au public d’ici la fin de l’année 2025.