Le nez collé à son ordinateur, Yves Novack essaie de se couper du monde. Les salutations matinales de ses collègues n’ont obtenu qu’un grognement étouffé en guise de réponse. Le responsable du portefeuille clients grands comptes s’attelle à un dossier d’offre de prix concernant une fourniture de matériaux échelonnée sur dix-huit mois. Une offre qui répond à la demande de José Torres, le plus gros client des Matériaux Réunis. L’enjeu est d’importance, le stress total !
Las, sur le plateau des commerciaux, il est impossible de se concentrer. Il y règne un brouhaha incessant. Les téléphones sonnent sans arrêt, certains de ses collègues ATC s’interpellent d’un bout à l’autre de la pièce… Au comptoir, juste derrière la baie vitrée qui sépare le point de vente de l’espace des commerciaux, Jérome Parnodi se fait bruyamment engueuler par un artisan mécontent d’avoir trop attendu… De surcroît, le bureau paysagé ne bénéficie d’aucun traitement acoustique !
Cerise sur le gâteau, Paul Amiette, son voisin de bureau, se met à hurler au téléphone :
- Allo, allo, je ne vous entends plus… Vous désirez que je passe vous voir rapidement ? Qu’est-ce que vous dites ?… Jeudi ? Je n’entends plus rien… Allo, vous êtes encore là ?
Amiette raccroche en exprimant à haute voix sa mauvaise humeur :
- Ah, ces portables… C’est vraiment pénible… Impossible d’avoir une communication sans être coupé !
Puis, comme par miracle, l’espace d’un instant, le silence s’installe… À quelques mètres de Novack, Parnodi se met à fredonner un air à la mode… Définitivement perturbé, Yves Novack se lève pour aller prendre un café. Devant le distributeur, Frédéric Chareton, son chef d’agence, également grand consommateur d’Arabica, s’empresse de lui demander :
- Tu penses avoir fini ta proposition commerciale pour la fin de l’après-midi ?
Novack a du mal à cacher son agacement:
- Peut-être bien ! Si du moins, tu me prêtes ton bureau, histoire d’être un peu au calme…
- Pas de mauvais esprit, Yves, nous sommes tous logés à la même enseigne. D’ailleurs cela ne changerait pas grand-chose, les cloisons sont si minces que j’entends tout…
Lorsqu’il revient à son bureau, la cacophonie a repris de plus belle. Novack décide d’appeler son épouse, par ailleurs secrétaire de Benoît Marchand, le Pdg des Négociants Réunis :
- Oui… Je vais rentrer un peu plus tard ce soir… Oh ! Ne t’énerve pas, je sais qu’on devait dîner chez ta sœur… Je t’y rejoindrai au plus tôt… Enfin, tu sais que je dois impérativement boucler cette offre de prix… Le bureau des commerciaux est infernal, nous sommes trop nombreux, je suis constamment dérangé, il est excessivement bruyant, et je n’arrive plus à me concentrer… Tu veux que je te dise ? J’aimerais bénéficier d’un bureau pour moi tout seul, et si tu pouvais en toucher un mot au Pdg, je serais plus efficace et moins souvent en retard !