En prenant fin avril 30 % dans le capital de l'Autrichien Strabag, le magnat de l'aluminium russe Oleg Daripaska a fait une entrée fracassante dans le gotha du BTP occidental.
Leader dans son pays, Strabag n'est rien moins que le n°6 européen avec plus de 9,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006, dont 80 % réalisés à l'export. Deux semaines plus tard, Deripaska continuait sur sa lancée, achetant 3% de Hochtief, le leader allemand du BTP. On murmure même que le jeune oligarque russe – il a moins de quarante ans – était prêt à s'emparer des 25% que le banquier allemand August Von Finck a finalement cédé à l'Espagnol ACS.
Ce désir d'expansion n'a finalement rien de surprenant. Le BTP est en plein boom et Oleg Deripaska a les moyens de ses ambitions : à en croire le magazine "Forbes", il est la quarantième fortune au Monde avec 13,3 milliards de dollars. En partant à la conquête du BTP européen, il répond de plus au souhait du président Poutine, qui a réuni le 2 février les "tycoons" de son pays pour les exhorter à investir davantage à l'étranger.
Enfin, celui qui est à la tête de Rusal, premier producteur mondial d'aluminium, n'est pas un néophyte dans le BTP, puisqu'il est déjà propriétaire de trois groupes russes du secteur.
Insuffisant. Selon le quotidien russe Vedomosti de lundi 14 mai, l'oligarque convoiterait une participation de 50% dans la société de BTP Transstroy. Cette société privée, créée après l'effondrement de l'URSS, à partir du ministère des Transports et du Bâtiment est dirigée et appartient à un ancien ministre des Transports de l'époque soviétique Vladimir Brejnev !
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes mondialisés si le "camarade Deripaska" n'avait derrière lui un passé aussi sulfureux. C'est en effet au début des années 1990, à l'époque de la sanglante "guerre de l'aluminium", qu'Oleg Deripaska commença sa carrière, progressant dans l'ombre de Mikhaïl Tchernoï, l'ancien président de Rusal. Un "mentor" – un parrain ? – qu'il préfère aujourd'hui oublier. Soupçonné d'activités criminelles et de blanchiment d'argent sale, l'homme est interdit de territoire dans plusieurs pays européens, dont la France. A l'image de son pays, Oleg Deripaska s'est assagi et veut aujourd'hui donner l'image d'un homme d'affaires respectable. Les présidents des majors du BTP européen qui seront désormais amenés à le rencontrer pourront vérifier de visu si la transformation est totalement achevée.
Hugues Boulet
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