« Nous ne sommes pas dans une situation de dégradation globale et significative », Frédéric Visnovsky, vice-président de l’Observatoire des délais de paiement

Si la situation ne semble pas s’être détériorée en 2023, les retards de paiement restent tout de même trop importants. Face à cette situation, l’Observatoire des délais de paiement a lancé fin janvier 2024 un groupe de travail chargé de dégager des bonnes pratiques en la matière. Son vice-président, Frédéric Visnovsky, fait le point sur le sujet pour lemoniteur.fr.

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Frédéric Visnovsky, vice-président de l'Observatoire des délais de paiement et Médiateur national du crédit à la Banque de France.

Constatez-vous, comme le font la FFB et la FNTP, une dégradation des délais de paiements sur l’année 2023 ?

Les fédérations sont sans doute mieux placées que l'Observatoire des délais de paiement, car nous avons un petit décalage dans la récolte des données. Nous n’avons pas encore tous les chiffres pour l’année 2023. Ce que nous pouvons tout de même confirmer, c’est que nous observons une légère augmentation des délais : secteurs privés et publics confondus nous étions à 11,7 jours de retard en moyenne fin 2022, alors qu’à l’automne 2023 c’était plutôt 12 jours. Il y a donc des tensions, notamment dans le secteur de la construction qui souffre actuellement, mais nous ne sommes pas dans une situation de dégradation globale et significative.

Ce niveau de retard de 11-12 jours semble être un plancher difficile à franchir…

En effet, depuis la loi LME de 2008, nous sommes parvenus à atteindre cette moyenne, qui s’est progressivement stabilisée. Mais ce n’est pas satisfaisant. A l’Observatoire des délais de paiement, nous chiffrons à une quinzaine de milliards d’euros l’impact des retards de paiement pour les petites entreprises, à cause des comportements d’un nombre limité de grandes entreprises. Car s’il y a des retards ça veut dire que la loi n’est pas respectée.

Quelles actions peuvent être entreprises pour remédier à ces manquements ?

Les mauvais comportements doivent être sanctionnés. A ce titre, les contrôles de la DGCCRF sont importants. Ils aboutissent à des sanctions, qui sont communiquées largement dans une logique de name and shame. De son côté, la Banque de France intègre progressivement les comportements de paiement dans la cotation des entreprises. En 2022 elle a dégradé la note d’environ 250 entreprises. En 2023, c'est plus d'un millier. Mais les retards de paiement ne sont pas causés uniquement par des comportements volontaires, il y aussi beaucoup de retards liés à des mauvaises pratiques.

Lesquelles ?

Il y a d'abord tout ce qui tourne autour de la validation de la prestation. Ca peut être totalement justifié ou au contraire être une manœuvre dilatoire. La bonne connaissance des clauses du contrat est donc un préalable pour éviter des contestations et donc des retards.

Il y a aussi les difficultés d’émission ou de réception de la facture. Ou encore le choix du mode de paiement. Enfin, l’organisation interne dans l’entreprise peut aussi générer des retards. Par exemple, il existe des pratiques qui consistent à faire des règlements groupés à chaque fin de mois, ce qui allonge les délais de paiement.

Comment corriger ces mauvaises pratiques ?

Il faut trouver les moyens en termes de pédagogie. Il y a actuellement deux groupes de travail qui planchent sur le sujet. Le premier, mené par l’Observatoire économique de la commande publique, s’intéresse spécifiquement aux marchés publics et en particulier à la problématique des délais cachés. Il devrait rendre ses conclusions d’ici l’été 2024.

Le deuxième est organisé dans le cadre de l’Observatoire des délais de paiement et s’est réuni pour la première fois le 23 janvier dernier. Il a pour vocation d’identifier les différentes causes des retards de paiement et de dégager des bonnes pratiques. Le premier volet sur les causes sera probablement publié dans le cadre de notre rapport annuel en mai ou juin 2024. Nous verrons si nous avons avancé pour publier aussi les bonnes pratiques ou si nous le faisons plus tard dans le courant de l’année.

La facturation électronique, qui va devenir obligatoire entre entreprises privés, va-t-elle régler certaines difficultés ?

Elle devrait faciliter le process de règlement mais elle ne règlera pas tout. L’automatisation est un élément d’amélioration mais n’est pas suffisante. D’ailleurs, en Italie la mise en œuvre de la facturation électronique n’a pas conduit à améliorer les délais de paiement. Dans un système automatisé, la moindre erreur dans la facture conduit à ce qu’elle soit rejetée donc il faut être vigilant en amont.

C’est une des explications des délais cachés dans les marchés publics (pour lesquels la facturation électronique est déjà obligatoire) ?

En effet, nous parlons de délais cachés car les délais effectifs sont mesurés à partir du moment où la facture est envoyée. Il existe des tas d’éléments qui font que la facturation peut être retardée, comme un rejet en cas d’erreur. Il peut aussi s’agir d’une contestation de la prestation, ce qui arrive également souvent dans les marchés publics. Ce n’est pas forcément volontaire, même si ça peut l’être dans certains cas.

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