"Nous avons besoin de trésorerie pour financer le redémarrage", Didier Brosse, président de l'UMGO

Les Rencontres des métiers du gros oeuvre se tiennent les 16 et 17 septembre, à Obernai. L'occasion pour le président de l'Union de la maçonnerie et du gros oeuvre (UMGO-FFB), Didier Brosse, de faire un tour d'actualité de la filière. Avec une bonne nouvelle qui se confirme décidément semaine après semaine : le redémarrage de l'activité est flagrant en 2016.

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Didier Brosse préside, depuis 2013, l'Union des métiers du gros oeuvre (UMGO-FFB).

Dans le gros œuvre, peut-on enfin parler de reprise ?

Didier Brosse : Oui, ça va mieux ! Nous pouvons parler d’une reprise globale même si toutes les entreprises ne le ressentent pas encore. Le nombre de permis de construire en logement collectif, sur douze mois cumulés à fin juillet, a augmenté de manière conséquente (+13,5%, d’après les chiffres communiqués par le ministère du Logement). Les mises en chantier ont pour leur part crû de 8,6%. En logement individuel, le redémarrage est plus timide (+1,2%). Il en est de même dans le non résidentiel. S’agissant de l’entretien-rénovation, l’activité ne redémarre pas nettement. C’est notamment le cas pour les marchés liés à la rénovation énergétique.

À quel niveau se situent vos carnets de commandes ?

D.B. : Selon l’indicateur FFB à fin juin, dans le gros œuvre, ils sont en hausse de 6,1% par rapport à l’année passée, à 6,4 mois en moyenne. Ce qui cache d’importantes disparités : de 4,1 mois pour les entreprises de 10 à 20 salariés à 12,6 mois pour celles de plus de 200 salariés.

Pour quelles raisons, selon vous ?

D.B. : Une des raisons est probablement que les particuliers, clientèle type des petites entreprises, n’ont pas encore repris confiance. Le moral des ménages n’est pas au plus haut, du fait du climat social ambiant, des incertitudes liées aux prochaines échéances électorales…

Comment se tiennent les prix dans le gros œuvre ?

D.B. : Ils sont toujours bas. Pourquoi ? Car tout le monde est loin d’avoir des carnets de commandes pleins. Par ailleurs, nous avons été confrontés à des hausses tarifaires importantes et soudaines sur les produits acier. Heureusement, cela semble se calmer.

Justement, vos adhérents ont-ils réussi à reconstruire un peu de trésorerie du fait de la reprise ?

D.B. : Non, et c’est dommageable, car nous avons justement besoin de trésorerie pour financer ce redémarrage. Cela fait des années que nous nous efforçons de diminuer nos coûts, il est donc difficile aujourd’hui de continuer dans cette voie. Même si la chasse au gaspillage est toujours d’actualité, de même que des méthodes telles que le lean management. Je note aussi que ce qui finit d’assécher nos trésoreries, actuellement, ce sont les révisions de prix négatives.

Les banques accompagnent-elles cette reprise ?

D.B. : La relation avec la banque, c’est avant tout une affaire d’hommes, de confiance. Les entreprises saines n’ont aujourd’hui pas beaucoup de difficultés à trouver des fonds. Surtout avec les taux très bas. Taux bas, redémarrage de l’activité : ce serait même le bon moment pour investir.

Les pouvoirs publics ont pris de nombreuses dispositions pour lutter contre le détachement illégal de salariés. Constatez-vous une amélioration sur le terrain ?

D.B. : Je ne veux pas faire de généralités, mais dans la région Rhône-Alpes où je travaille, les contrôles se sont énormément durcis. Des inspecteurs du travail ont été recrutés, sont sur place, et les interventions sont plus nombreuses. Les maîtres d’ouvrage prennent donc des garanties et obligent les entreprises qui souhaitent répondre à leurs appels d’offres à montrer patte blanche. Aujourd’hui, tout le monde est plus vigilant sur la question du détachement. Quelques jugements ont fait grand bruit, et le niveau actuel des sanctions (jusqu’à 500 000 euros, ndlr) peut mettre en péril la survie d’une entreprise.

Lors de vos Rencontres des métiers du gros œuvre, qui ont lieu à Obernai les 16 et 17 septembre, vous évoquerez la maquette numérique…

D.B. : Cette question se situe dans la continuité du thème de l’innovation que nous avions mis au cœur de nos Rencontres 2015, à Toulouse. Quelques projets réalisés en « BIM » en phase chantier sont en cours, ce qui n’était pas le cas il y a un an. Nous pouvons en tirer de premières observations. Pour ce faire, nous ferons intervenir des entrepreneurs de gros œuvre qui vont parler concrètement à nos adhérents de leur expérience en matière de BIM. Il s’agit de voir ce qui fonctionne et où ça pèche. Les retours de nos adhérents à la suite de cette réunion nous permettront aussi de savoir comment, nous, organisation professionnelle, pouvons les accompagner sur ce sujet.

Vous allez également lancer, lors de vos Rencontres, une application pour smartphone liée à la formation. En quoi consiste-t-elle exactement ?

D.B. : Cette application baptisée « UMGO Tuto » mettra à disposition des utilisateurs une douzaine de films permettant d’illustrer les bons gestes en maçonnerie, dans différents types de travaux comme la construction d’un escalier en béton ou la pose de briques à joints minces. Elle proposera également des quizz qui  permettant de valider les apprentissages et ouvre la possibilité de partager les résultats avec d’autres. « UMGO Tuto », qui à terme donnera accès à vingt-cinq films, ne sera pas réservé à nos adhérents ! À travers cette initiative, nous visons notamment les jeunes. Et, toujours en ce qui les concerne, nous sommes en train de mettre sur pieds une épreuve française de «construction en béton armé» dans le cadre des prochaines olympiades des métiers.

Pour quelle raison ?

D.B. : Nous avons souhaité que les métiers du gros œuvre soient mieux représentés dans le cadre des Olympiades. A l’épreuve de «maçonnerie» qui existait déjà, nous souhaitons donc ajouter celle de «construction en béton armé». D’autant qu’au niveau international, cette épreuve existe et que la France en a été absente lors des Worldskills de Sao Paulo à l’été 2015. Actuellement, des sélections régionales sont en cours et cinq équipes lauréates devraient se rencontrer aux finales nationales qui se tiendront en mars 2017 à Bordeaux. Les vainqueurs iront ensuite démontrer nos savoir-faire aux internationaux d’Abu Dhabi, en octobre 2017. Une belle occasion de mettre en valeur les métiers de la filière minérale !

Comment évolue votre travail sur les référentiels « pénibilité », dans le cadre de l’entrée en vigueur du compte pénibilité le 1er juillet dernier ?

D.B. : Nous avons réuni un groupe de professionnels et nous avons travaillé avec l’appui de l’OPPBTP (organisme professionnel de prévention du BTP). C’est un dossier très complexe, beaucoup plus qu’on veut bien le dire. Nous ne sommes donc pas au bout du chemin…

Comment souhaiteriez-vous voir le dispositif pénibilité évoluer ?

D.B. : Nous souhaitons que l’on s’oriente vers la proposition de la FFB d’un autre système, individualisé et basé sur une approche médicale du salarié. En l’état actuel, le dispositif est beaucoup trop complexe pour le chef d’entreprise.

Une autre évolution vous touche de plein fouet : celle qui oblige, à compter du 1er janvier 2017, à installer des ascenseurs dans les grues à tour supérieures à 30 m. Serez-vous prêt ?

D.B. : Non et cela pose un vrai souci ! Tout simplement parce que l’offre technique et commerciale n’est pas prête. Actuellement, nos fournisseurs et prestataires nous alertent sur le fait qu’ils ne seront pas en mesure de satisfaire nos demandes. En fourniture, en installation, en formation… Le parc de grues concerné est énorme. La seule solution serait de décaler l’échéancier d’entrée en vigueur de la recommandation. Sans cela, au 1er janvier 2017, nous allons nous trouver dans des situations ubuesques !

Quel autre sujet concerant la filière minérale aborderez-vous lors de vos Rencontres ?

D.B. : Nous sommes scandalisés par les attaques dont fait l’objet la filière minérale par l’intermédiaire de la future réglementation environnementale. Tous les arbitrages rendus par les pouvoirs publics sont systématiquement défavorables à notre filière. Prenez le nouveau critère relatif au «carbone». Sans entrer dans les détails, pourquoi avoir retenu une durée de vie des logements de 50 ans alors qu’il suffit de prendre les statistiques officielles pour se rendre compte que cela n’est pas représentatif du parc en France ? Et ce n’est qu’un exemple…

Comptez-vous réagir ?

D.B. : Bien sûr que nous serons actifs pour défendre les atouts de notre filière. Mais je note qu’au début de l’été, les organisations professionnelles dans leur ensemble, représentant les promoteurs, les bailleurs sociaux, les entreprises et les économistes ont écrit aux pouvoirs publics pour alerter de la précipitation et l’impréparation dans lesquelles risquait de naître la future réglementation. Aussi ambitieuse soit-elle, elle ne doit pas s’exonérer de l’avis des acteurs de la construction. Ne  reproduisons les mêmes erreurs qu’avec la réglementation thermique 2012 !

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