Région fortement exportatrice, et assez dépendante de l’automobile, le Nord-Pas-de-Calais ressent les effets de la crise. Mais une diversification économique réelle, et l’habitude des chocs, lui donnent des atouts pour rebondir.
économie régionale
« Le Nord-Pas-de-Calais est la deuxième région exportatrice de France, elle se trouve donc au cœur de ce qui se passe pour l’économie mondiale. Nous subissons les événements mondiaux », analyse Léonce-Michel Deprez, président de la CRCI. Avec une forte sous-traitance dans le secteur automobile, le ralentissement se fait donc ressentir. Arcelor-Mittal, à Dunkerque (Nord), annonce des réorganisations de production, la Française de mécanique, à Douvrin (Pas-de-Calais), pourvoyeur en moteurs pour PSA et Renault, prévoit des jours chômés. Oxford Automotive, à Douai (Nord), vient d’annoncer cinq semaines de chômage pour ses 600 salariés ; Sevelnord, à Valenciennes (Nord), trois semaines pour ses 4 000 salariés. Même l’usine de Toyota de Valenciennes, surfant pourtant sur la vague avec ses Yaris et autres modèles populaires, a fermé trois jours. Une première en dix ans de fonctionnement.
Des pôles dynamiques
Cela vient s’ajouter à d’autres éléments, plus anciens, comme la chute de la vente par correspondance dans la métropole lilloise (moins 672 emplois pour La Redoute, inquiétudes aux Trois Suisses), ou encore la crise de la pêche à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Le président Deprez rappelle, à juste titre, l’énorme diversification de l’économie régionale à laquelle se sont attelés les responsables politiques et économiques depuis les années 1970. Il n’empêche que le Nord-Pas-de-Calais, aussi dynamique soit-il, sortait à peine de convalescence. La note de conjoncture économique de la préfecture laisse peu de doutes : une demande en baisse de 28 %, 15 % des entreprises en difficultés de trésorerie.
Le principal, et contradictoire, avantage du Nord-Pas-de-Calais est peut-être d’avoir été entraîné à affronter la (les) crise(s) depuis longtemps. Dans les trente ou quarante dernières années, la région a vu s’effondrer presque toute sa structure économique : le charbon, le textile. Chacun considéré comme une quasi mono-industrie. Les plans sociaux et plans de restructuration se sont succédés, apprenant aussi aux habitants et à leurs responsables politiques et économiques à se battre. Il est très évident que la région est très dépendante du secteur automobile, durement secoué, mais elle n’est plus mono-industrielle. Elle s’est dotée d’atouts. Lille est une métropole dynamique, avec une université puissante, des laboratoires de recherche reconnus, un quartier d’affaires ultramoderne, reliée par TGV à Paris, Londres, Bruxelles. La venue de Toyota a ressuscité Valenciennes. Dunkerque est un port de commerce actif, et bien situé. L’agroalimentaire dans toute la région se maintient. Le Nord est aussi le siège des grands de la grande distribution. Boulogne-sur-Mer, pourtant frappée par la récession de la pêche, dont elle reste le premier port français, a su développer une activité de transformation des produits de la mer qui emploie plus de 3 000 personnes, sur une zone d’activités hypermoderne, labellisée Iso 14 000. La région compte plusieurs pôles de compétitivité. Responsables politiques et économiques cherchent aussi à voir au-delà. La Région va participer au financement du canal à grand gabarit Seine-Escaut. Après les travaux de construction, qui vont employer des milliers de personnes, le canal est prévu pour transporter 13 à 15 millions de tonnes de fret en 2020 (quatre fois le transit actuel), 20 à 28 Mt en 2050. Il reliera l’Ile-de-France, le port du Havre, dont la montée en charge de son nouveau Port 2000 ne se ralentit pas, et les ports du Bénélux. Rotterdam vient d’annoncer 3 MdE d’investissements pour accroître ses capacités d’accueil. Le Nord-Pas-de-Calais sera au cœur de ce maillage.
économie du BTP
Dans le bâtiment, la situation est presque au rouge : 2 750 logements mis en chantier au deuxième trimestre 2008 pour plus de 4 000 pour la même période les années précédentes (- 31 %) ; 3 700 permis de construire, contre 5 000 en 2007 (- 28 %).
« Aujourd’hui, il n’y a pas de crise dans le bâtiment, l’activité est bonne, les carnets normaux, soutient cependant Alain Gougenheim, délégué général de la FFB régionale. On constate des transferts. Il y a des programmes reportés, sans doute par frilosité, mais le neuf ne représente que 27 % de l’activité du bâtiment. On voit aussi des particuliers retirer leur argent de la banque pour des travaux sur leur patrimoine, non prévus avant. On baisse un peu, mais sur des niveaux très élevés : 2005 à 2008 ont été de très bonnes années. »
Pour ce responsable syndical, il y a un déplacement du neuf vers la rénovation, mouvement amplifié par les objectifs du Grenelle. Alain Gougenheim ne se veut « ni optimiste, ni pessimiste. Le printemps sera une source de questions, parce qu’il existe un véritable retournement depuis l’été, rapide et violent. Mais, dans la région, la demande de logements reste forte, parce qu’on a accumulé du retard. On n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle, poursuit-il. Les pouvoirs publics se sont mobilisés pour que les banques suivent. Les assureurs-crédits sont plus frileux, ils jouent la ceinture, les bretelles, et le parapluie ; souhaitons que leur frilosité ne constitue pas un blocage ».
« Les artisans qui avaient un gros carnet sont un peu pessimistes. Ils travaillent, mais sur leur acquis, six mois, un an, et ont peur pour 2009 par manque de visibilité, reprend Jean-François Hallez, secrétaire général adjoint de la Capeb Nord-Pas-de-Calais. Si la réhabilitation pure se maintient encore, on observe un ralentissement dans le neuf, même public. Pour le privé, c’est le blocage. Même en peinture et décoration, on ressent un attentisme de la clientèle, une morosité. »
Jean-François Hallez dénonce « la frilosité des banques qui suppriment les autorisations de découverts. Elles demandent des garanties énormes ; c’est le grand parapluie. Les entreprises dotées d’un bon bilan accèdent encore à du crédit pur, pour un investissement par exemple, mais un de nos adhérents a dû mettre sa propre assurance vie en garantie. Et les artisans n’ont pas le choix : s’ils veulent travailler, ils doivent investir, donc emprunter. Il va sûrement y avoir un creux, poursuit-il, mais le besoin en logement est toujours là ».
Une réalité globalement positive
Hervé Allard, Pdg de Trenois-Descamps, négoce en quincaillerie pour le bâtiment et l’industrie, observe : « Nous sommes globalement dans une bonne dynamique. Il n’y a pas encore de ralentissement. 2008 a vu une bonne progression, mais beaucoup de points d’interrogation se profilent pour 2009. Les artisans sont moins touchés que les industriels, et les choses ne vont peut-être pas aussi mal qu’on le dit ». Le président régional de la Fédération du négoce de matériaux admet ressentir une légère baisse d’activité depuis septembre. « Ce n’est pas flagrant mais il y a moins de permis, donc moins de mises en chantier, les carnets sont à six mois, au lieu d’un an, le neuf se tasse. La rénovation se maintient mais la conjoncture entraîne une morosité des esprits peut-être plus importante que la réalité de la crise ne le nécessiterait. Dans le bâtiment, le problème est devant nous. Il est évident que la baisse importante du nombre des permis de construire va peser sur la construction, donc rejaillir sur le négoce. La situation à venir sera difficile parce qu’elle est nationale et mondiale. »
Si la région a encore de nombreux retards, le Bâtiment a pu profiter de la nécessaire réhabilitation du parc immobilier, soutenu par les collectivités qui investissent dans le HQE : logement bois, isolation, énergies nouvelles. Certes, les voyants économiques sont en rouge, mais la région maintient ses projets dans tous les domaines, et avec des fondamentaux assainis, sinon encore consolidés.