Baisse de 17% du chiffre d’affaires du groupe, recul de 8% du nombre de logements vendus… Comment résumer
l’année écoulée ?
Elle a été conforme à nos attentes mais plus chahutée qu’on ne l’attendait sur le plan des réservations. L’instabilité politique a pesé sur nos clients particuliers et institutionnels. Qui aurait imaginé une dissolution puis deux changements de gouvernement en trois mois ? Pour ce qui est du groupe, nous avons fait ce que nous avions annoncé. Notre dette a été réduite de moitié en un an, nous permettant de renouveler nos covenants [clauses pouvant entraîner le remboursement anticipé du crédit en cas de non-respect des objectifs, NDLR] avec les banques. Cela nous donne plus de confort de gestion.
En 2024, votre stratégie de recentrage a consisté à vous séparer de deux activités éloignées de votre coeur de métier : l’administration de biens et la gestion de parcs immobiliers. Que comptez-vous faire de vos autres filiales, notamment dans l’exploitation ?
L'essentiel du recentrage a été fait, mais nous serons opportunistes. En début d’année, nous avons cédé les 18% que nous détenions dans le capital de Aegide-Domitys [exploitant de résidences services senior, NDLR] à l’actionnaire majoritaire AG2R La Mondiale. S’il y a une offre pour Morning [gestionnaire d’espaces de coworking, NDLR], nous la regarderons. Idem pour Accessite, spécialisée dans la valorisation de commerces.
L'année 2024 a aussi été marquée par la suppression de 500 postes…
Nous avons adapté la structure de Nexity au marché [de la promotion résidentielle, son activité principale, NDLR], qui s’est contracté de 46% en deux ans. Le plan social annoncé en avril 2024 a été bouclé avec 237 départs contraints, les mobilités internes ont été favorisées, et nous avons donné naissance à une nouvelle organisation. Les patrons régionaux, avec lesquels je suis désormais en lien hiérarchique direct, ont pris la responsabilité de l’offre multiproduits dans leur territoire. Face à un maire, ils peuvent désormais proposer du logement, mais aussi un hôtel, une école… et de nouveaux produits comme le data center. C’est très efficace.
Pourquoi avez-vous abandonné 103 opérations, totalisant 2 844 logements, en 2024 ?
Le coût de construction a progressé de 17% de mi-2022 à fin 2023. Sur la même période, nos clients ont perdu 40% de pouvoir d’achat immobilier à cause de la hausse des taux. Nous avons donc étudié le bilan de chaque programme. Avec des mairies, nous avons négocié un peu plus de constructibilité ou des produits différents. Avec des propriétaires fonciers, nous avons obtenu des baisses de prix. Au final, nous avons dû abandonner 103 opérations pour un coût de 38M€. Il y a aussi de bonnes nouvelles : nous comptons 60 000 logements sous promesse, qui peuvent potentiellement sortir, soit plus de quatre ans de production dans le nouveau contexte [avant la crise, un rythme annuel de 20 000 réservations était visé, NDLR].
A un an des élections municipales, traditionnel frein à la construction, restez-vous optimiste ?
Il ne faut pas jeter la pierre aux élus. Nous intégrons le cycle électoral dans la conduite de nos affaires. Nous savons que nous ne travaillerons pas sur des programmes majeurs à six mois du scrutin. Les municipalités préparent déjà des projets qui se développeront après les élections de mars 2026.
Un an et demi après le lancement de Nexity Héritage, marque dédiée à la transformation de bâtiments, friches et quartiers, quel bilan tirez-vous ?
Nexity Héritage est un centre d’expertise pour tout le groupe. A Paris, nous avons transformé trois parkings silos en logements. A Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), nous convertissons des bureaux en logements. Nous rénovons des immeubles résidentiels. Nous réhabilitons le patrimoine historique à Reims (Marne), Cherbourg (Manche)… Je ne pensais pas que nous progresserions aussi vite : 10% des projets en cours cochent la case régénération urbaine. Parmi ceux qui ont été validés l’an dernier en comité d’engagement, nous atteignons déjà un taux de 20%.
Nexity a été choisi en 2023 par Carrefour pour revaloriser 76 de ses sites français. Vous en annoncez 74 désormais, suite à deux préemptions par des collectivités. Quand les premiers chantiers démarreront-ils ?
Probablement en fin d’année. Pour l’instant, nous en sommes au stade des permis de construire. Nous en avons déposé deux à fin 2024. C’est long car il faut, la plupart du temps, modifier le PLU. Dans la majorité des cas, nous sommes accueillis à bras ouverts par les mairies. L’idée est que le projet livré redynamise un quartier ou une entrée de ville et amène plus de clients à notre partenaire.
En tant que premier vendeur en bloc de logements en France, comment anticipez-vous l’attitude des bailleurs sociaux cette année ?
La baisse du taux du livret A [qui finance le logement social, NDLR] de 3% à 2,4% en février et les quelques mesures prévues dans le budget de l’Etat en faveur du secteur leur redonnent des marges de manoeuvre. Action Logement et CDC Habitat devraient être sur le même rythme d’achat que l’an dernier. Globalement, nous tablons sur une stabilisation des ventes en bloc aux bailleurs sociaux. Le seul changement par rapport à l’an dernier, c’est qu’ils réserveront moins de logements intermédiaires.
Vous misez sur la baisse des taux d’intérêt pour attirer les particuliers. Les profils de ces clients ont-ils changé depuis le début de la crise de la demande fin 2022 ?
Nous comptons toujours des primo-accédants. L’an dernier, le prêt à taux zéro (PTZ), centré uniquement sur les appartements en zones tendues, les a bien aidés. Son extension, à partir du 1er avril, à tout le territoire et à la maison individuelle est une bonne nouvelle pour les entreprises du BTP et pour Nexity. L’individuel pèse un tiers de nos réservations. Lancées en septembre dernier, les campagnes publicitaires sur notre PTZ jusqu’à 50 000€, dont la mensualité est égale au loyer dans le privé selon le territoire des acheteurs, ont fonctionné. Nos ventes ont augmenté de 14%.
Une mission « flash » sur l’investissement locatif, en berne, vient d’être confiée par la ministre du Logement Valérie Létard à deux parlementaires. Etes-vous rassurée ?
J’en attends beaucoup. Les anciens gouvernements nous ont expliqué pendant cinq ans que l’investissement immobilier était une rente. Le diagnostic qui sera rendu en juin prochain montrera la réalité. En attendant, de nouvelles annonces ont été faites par Valérie Létard. Nous travaillerons dans le cadre de l’ensemble de ces mesures. Par exemple, l’élargissement du PTZ aux logements en démembrement va dans le bon sens. Notre filiale spécialisée Perl fera feu de tout bois pour les vendre.
Qu’attendez-vous de la mission d’évaluation sur les impacts du palier 2028 de la RE 2020 ? Un assouplissement ?
C’est très bien de tout poser à plat. Nous saurons in fine combien coûte le passage au seuil 2028. Une décision rationnelle pourra être prise. Pour le moment, je suis neutre. Ce qui m’intéresse, c’est l’activité des six prochains mois, de voir si les mesures mises en oeuvre au 1er avril, comme le PTZ élargi, auront un effet sur la demande…
Depuis 2023, vous cherchez à développer le hors-site via des partenariats, avec l’industriel britannique TopHat notamment. Qu’est-ce qui vous freine ?
Le marché du logement s’est effondré en Grande-Bretagne. TopHat a essuyé des pertes, et son projet de construction d’une usine en France a été abandonné. Nous allons signer un nouveau partenariat dans une optique de construire en 2D, avec un industriel français présent dans plusieurs régions. L’idée est de réduire le temps du chantier – actuellement de deux ans et demi en moyenne – et donc le coût de l’opération.