Prévue dans le budget de l’Etat pour 2026, l’enveloppe de 100M€ dédiée aux maires bâtisseurs concernera les programmes résidentiels dont le permis de construire a été déposé entre 1er avril 2025 et le 31 mars 2026, a annoncé Valérie Létard au Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim), organisé à Cannes du 11 au 14 mars.
La ministre du Logement en a profité pour rappeler la nécessité de stimuler les élus en période pré-électorale. A un an des élections municipales, traditionnel frein à la construction, la simplification des procédures d’urbanisme figure parmi ses priorités pour relancer les autorisations, dont le volume ne cesse de reculer sur fond de crise de la demande, pour in fine éviter un trou d’air en termes de livraisons dans trois ans. Une proposition de loi en ce sens est attendue d’ici la fin du mois, alors que les promoteurs reprochent aux maires d’avoir « lever le stylo » sous la pression populaire. Entendez : ils ne signent plus de permis de construire, craignant pour leur réélection.
C’est dans ce contexte qu’une trentaine de collectivités ont participé au Forum des élus, rendez-vous phare de l’écosystème français au Mipim, en présence de la ministre et d’opérateurs privés. L’occasion de mettre en avant des villes qui comptent s’inscrire à contre-courant...
Avant de les solliciter, nous avons demandé à la société de conseil Adéquation de les classer. Les communes qui voient leur population baisser, comme Châteauroux, se retrouvent logiquement sous la moyenne nationale de 6,5 logements autorisés par an pour 1000 habitants. Moyenne sur la période 2018-2023, soit deux ans avant les dernières municipales, car « les dynamiques négatives démarrent souvent dès l’année n-2 », note Olivier Conus, directeur des partenariats chez Adéquation, ajoutant qu’il faudrait « a minima 7,5 logements autorisés par an pour 1000 habitants pour répondre aux besoins à l’échelle nationale ».
Les cinq élus que nous avons rencontrés dirigent des communes aux profils variés : nombre d’administrés, dynamique démographique, quota HLM…
Montpellier restera à contre-courant
En 2025, le volume de logements autorisés à la construction par la municipalité de Montpellier (302 000 habitants*) correspondra à la moyenne annuelle du mandat, avec une marge d’erreur de « plus ou moins 10% », anticipe Michaël Delafosse. Le maire socialiste promet donc de rester à contre-courant des autres grandes villes de plus de 100 000 habitants représentées au « Forum des élus », pour la plupart sous la moyenne nationale de 6,5 logements autorisés par an pour 1000 administrés.
Michaël Delafosse a « mis fin à cet urbanisme à la parcelle des années 2010 qui a été une des raisons de mon élection en 2020 », rappelle-t-il. Les nouvelles constructions se concentrent dans les nombreuses ZAC de la ville. Ces fonciers représentent « à la fois un gage de sécurité pour les acteurs économiques et des projets qui sont acceptés par les habitants », souligne celui qui a lancé en 2022 un « choc d’offre » à l’échelle métropolitaine, en tant que président d’une agglomération qui gagne 8 000 habitants par an.
Concernant l’offre future, Montpellier a besoin en particulier de résidences services seniors (RSS), de pensions de famille ou encore de logements en bail réel solidaire (BRS), estime Michaël Delafosse. La préfecture de l’Hérault est sur le point d’atteindre le seuil de 25% de logements sociaux fixé par la loi.
Libourne se reconstruit sur elle-même
A Libourne (25 000 habitants*), le maire socialiste Philippe Buisson table sur une stabilité du volume des permis délivrés par rapport à la moyenne annuelle de son mandat. « J’ai assez peu d’emprise foncière à construire, de friches à valoriser. Je suis vraiment sur la reconstruction de la ville, en particulier du centre où nous luttons contre l’habitat indigne, les marchands de sommeil », résume celui qui ne dit pas s’il se représentera l’an prochain.
Deux options : soit les 200 logements identifiés sont rénovés par leurs propriétaires privés, avec l’aide de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) notamment, soit ils sont transformés en logements sociaux par des bailleurs comme Domofrance, filiale d’Action Logement. La ville communique un taux HLM de 21%.
Le maire aimerait créer en outre « quelques centaines » de logements étudiants, pour ceux de l’Institut de formation en soins infirmiers de Libourne et ceux qui peinent à se loger à Bordeaux. « Notre agglomération d’environ 200 000 habitants est un territoire de desserrement de la métropole bordelaise, que les Libournais pourront rejoindre en 45 minutes avec le RER métropolitain », rappelle-t-il.
Et de conclure sur les enjeux nationaux : « 80% des demandes de rendez-vous en mairie concernent une attente de logement. Les maires voient bien qu’il faut produire du logement. Dans le même temps, cela crée des problèmes d’acceptabilité, de voisinage. Ils sont donc plutôt enclins à lever le stylo. Mais on ne se fait jamais battre électoralement en étant attentiste. Il y a une urgence à bâtir. »
Saint-Dizier a besoin des promoteurs
« Dans une ville peu dense comme Saint-Dizier, nous avons besoin de promoteurs prêts à s’engager », assure le maire de droite Quentin Brière. La commune de Haute-Marne (23 000 habitants*) n’a pas vu pousser de logements neufs construits par des acteurs privés pendant trente ans. Son alliance foncière avec Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a ouvert un nouveau chapitre en 2024 : les municipalités ont sélectionné le groupe Pichet pour construire 93 logements dans la première, 56 dans la seconde, via un mécanisme solidaire au profit de la commune rurale. Les livraisons sont prévues en 2027.
Les 400 autorisations sur le mandat ont uniquement consisté à développer l’offre sociale, déficitaire. Aucun changement de cap n’est prévu en 2025. Le maire de 35 ans n’est par ailleurs « pas inquiété par l’échéance municipale ».
Coup de frein à Saint-Ouen
Limitrophe de Paris, la ville de Saint-Ouen-sur-Seine (51 000 habitants*) a vu sa population croître de 10% en six ans, entre les deux derniers recensements de 2015 et 2021. Logique : la plupart de ses friches ont laissé place à de vastes programmes immobiliers, principalement résidentiels.
S’il « ne dicte pas (sa) politique en fonction des derniers mois qui précèdent » les élections municipales, la maire socialiste Karim Bouamrane veut « faire en sorte que les habitants puissent bien se sentir dans l’endroit où ils vivent ». Concrètement, l’édile de la commune de Seine-Saint-Denis entend « végétaliser, créer des espaces verts, en utilisant les friches », pour rendre acceptable la densification de ces dernières années. Pas question, donc, de délivrer plus de permis de construire en 2025 et au-delà, par rapport à la moyenne annuelle de son premier mandat ou celui de son prédécesseur, William Delannoy (UDI). Karim Bouamrane ne dit pas s’il vise une réélection.
Pas de nouveau coup de frein à Colombes
L’opposition à la majorité sortante bâtisseuse de Colombes (89 000 habitants*) a gagné les élections de 2020. « Nous avons volontairement mis un coup de frein en 2021, 2022, 2023. Puis le contexte national a changé. Nous n’avons pas de raison de mettre un coup de frein supplémentaire en 2025 », explique Alexis Bachelay, adjoint à l’urbanisme au maire EELV. « Comme les autres communes, nous n’allons pas autoriser de grands programmes de plusieurs centaines de logements, qui devront faire l’objet d’un débat pendant la campagne électorale », ajoute le socialiste devenu écologiste.
La municipalité de gauche souhaite pour autant continuer à construire. Mais pas forcément des logements familiaux. « Beaucoup ont été autorisés par l’ancienne majorité et livrés pendant le mandat en cours. Notre politique de diversification de l’offre ne nous oblige pas à financer des crèches, des écoles et d’autres équipements publics et nous permet de maîtriser le budget, dans un contexte financier difficile pour les villes », observe Alexis Bachelay.
Selon lui, la ville des Hauts-de-Seine est « sous-dotée » en logements étudiants, résidences services seniors (RSS) et habitats inclusifs. Elle affiche un taux HLM de 33%.
*Le dernier recensement de l’Insee remonte à 2021.