Un bilan plutôt positif en matière de sobriété foncière, beaucoup moins s’agissant de l’objectif de créer 6 000 logements par an jusqu'en 2025. Tel est le constat que dresse la chambre régionale des comptes (CRC) des Pays de la Loire dans un rapport publié le 16 décembre 2024 concernant la politique d’aménagement de Nantes Métropole à partir de 2005.
Un des meilleurs ratios artificialisation/emploi, ménage accueillis
Premier constat : le rythme de l’artificialisation a « fortement » diminué – d’environ 40 % entre 2011/2012 et 2021/2022 – sur le territoire métropolitain depuis dix ans, relève la CRC. Il présente d’ailleurs l’un des « meilleurs ratios des métropoles de taille comparable pour ce qui est de la superficie artificialisée pour chaque nouvel emploi et chaque nouveau ménage accueillis ». En pratique, cela se traduit par une densification importante de la métropole, la part des habitants vivant en maisons individuelles étant passée « de 44,2 % en 2006 à 38,9 % en 2020 ».
Merci la planification de l’urbanisme
Les principales raisons de cette efficacité ? La planification de l’urbanisme : les 24 PLU communaux adoptés par la métropole en 2006-2007 et applicables jusqu’en 2019 ont « mis en œuvre un certain nombre de règles afin d’urbaniser en priorité les centralités pour éviter le mitage de l’espace, tout en protégeant les espaces naturels, agricoles » et forestiers (Enaf).
En 2019, le plan local d'urbanisme métropolitain (PLUm) s’est inscrit dans la continuité des PLU et renforce même l’exigence de sobriété foncière par rapport aux PLU communaux : il a fixé un « objectif ambitieux, qui est pour l’heure atteint, de réduire de 50 % le rythme annuel moyen de la consommation des [Enaf] d’ici 2030, anticipant ainsi de plus de deux ans le dispositif ZAN », relève la CRC.
Réduction de moitié de la superficie des zones à urbaniser
Pour y parvenir, le PLUm actionne plusieurs leviers « comme le fait de ne plus limiter la hauteur des constructions dans les zones dédiées à l’accueil d’activités économiques et d’équipements » ou encore celui de réduire de moitié la superficie des zones à urbaniser. 915 hectares ont ainsi été supprimés. Le PLUm étend de façon significative les zones agricoles et naturelles (+ 634 hectares) et pose le principe d’inconstructibilité dans ces zones, les travaux autorisés étant définis de façon limitative. Les espaces boisés gagnent quant à eux 826 hectares.
Baisse de logements plus importante qu’au niveau national
Côté production de logements en revanche, le tableau est moins reluisant. Alors que le programme local de l’habitat (PLH) métropolitain cible, pour la période 2019-2025, une production annuelle de 6 000 logements - dont 2 000 logements sociaux et 3 000 logements pour la seule commune de Nantes -, seuls 4 150 logements ont été autorisés en moyenne chaque année entre 2020 et 2022, « ce qui marque une véritable rupture par rapport à la période antérieure qui avait vu un dépassement de l’objectif avec 7 000 logements autorisés », note la CRC. « Une baisse qui est beaucoup plus importante que celle observée au niveau national ».
Recours contre les permis de construire en hausse
Cette situation peut s’expliquer par « le renchérissement du coût de la construction » et « un durcissement des conditions d’accès aux prêts bancaires » mais aussi par « l’augmentation des recours contre les permis de construire », notent les magistrats ligériens.
La volonté de certains élus locaux de « défendre un développement plus harmonieux et modéré de leur collectivité » contribue également à cette baisse, comme l’élaboration du PLUm, « qui a entraîné une "levée de crayon" dans l’attente des nouvelles règles d’urbanisme », plus complexes que celles des précédents PLU et « donc susceptibles de rendre plus difficile la mise en œuvre des projets de construction ».
Plan de relance de la production de logements
Pour redresser la barre, Nantes Métropole a adopté un plan de relance de la production de logements en 2023. Un plan qui identifie plusieurs mesures en faveur du logement allant de l’ouverture de nouvelles zones à urbaniser à court terme – dont le besoin semble avoir été sous-estimé -, à l’approfondissement du dialogue citoyen et de la concertation pour favoriser l’acceptation de la densité des opérations ou encore à l’amélioration de la lisibilité des processus de validation et de suivi des permis de construire.
Sur ce dernier point, la CRC estime que la métropole a une « connaissance insuffisante » de l’application du PLUm, dès lors que les arrêtés communaux relatifs aux autorisations d’urbanisme ne lui sont en règle générale pas transmis, pas plus que les décisions de justice s’y rapportant, ce qui « constitue un angle mort dans sa politique d’urbanisme ».
En particulier, la métropole ne sait pas combien de permis sont refusés ni pour quels motifs. « Elle ne sait donc pas quelles règles de son document d’urbanisme font achopper les projets des pétitionnaires » alors que cette donnée lui permettrait de faire évoluer le règlement afin de faciliter l’aboutissement des projets de construction de logements. Pour les magistrats, il apparaît dès à présent utile que l’interco ait connaissance de l’ensemble des décisions de justice rendues à l’occasion des recours contre les autorisations de construire et des refus de permis.
Une stratégie foncière à parfaire
Sur le volet foncier, la CRC salue le renouvellement de la stratégie de la métropole qui « promeut une intervention foncière dans les zones déjà urbanisées, la préservation des ressources naturelles et agricoles » et qui « met en œuvre d’importantes réhabilitations de friches » comme la caserne Mellinet à Nantes ou les abattoirs de Pirmil les Isles à Rezé. Mais à cet égard, elle regrette qu’aucun programme ne soit défini, l’empêchant entre autres d’avoir une vision d’ensemble, de définir de façon précise la faisabilité et l’objet de leur réhabilitation et d’en assurer le suivi.
La gestion des ZAE à améliorer
Quant aux stratégies de gestion des zones d’activités économiques (ZAE) *, qui intègrent l’exigence de sobriété foncière, « elles ne font pas l’objet d’un suivi rigoureux ». Elles gagneraient pourtant à être davantage opérationnelles « en prévoyant systématiquement des objectifs chiffrés, ou du moins suffisamment précis, un calendrier d’exécution et une méthodologie pour en assurer le suivi ».
(*) Au niveau national, 23 % de la consommation totale d’Enaf est consacré aux activités économiques. Cette part est supérieure de 11 points à Nantes Métropole.
Bail à construction
En outre, les parcelles de ces zones sont systématiquement cédées aux entreprises souhaitant s’y installer. Pour la CRC, il pourrait être pertinent d’expérimenter d’autres outils, comme le bail à construction, qui permettrait à la métropole « de maîtriser les usages de la parcelle, en imposant par exemple au preneur de construire des bâtiments économes en espace, sans nécessairement s’engager dans des investissements lourds. »