Le 21 janvier 2025, le tribunal administratif (TA) de Marseille prononçait l’annulation d’un accord-cadre de marché de partenariat passé entre la ville de Marseille et la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) dénommée Société publique des écoles marseillaises (Spem). Ce contrat avait été conclu en 2023 dans le cadre du plan Ecoles d’un montant de 1,2 Md € pour rénover ou construire 188 écoles municipales dans la cité phocéenne d’ici 2031.
Le TA avait considéré dans son jugementqu’il n’était pas possible de confier des opérations d’entretien et de maintenance à la Spem, ces missions ne figurant pas à l’article L. 327-1 du Code de l’urbanisme qui définit limitativement l’objet des SPLA-IN. Les juges avaient différé l’effet de l’annulation au 1er août 2025, afin de laisser le temps à la Ville de Marseille d'organiser l’entretien et la maintenance des nouvelles écoles construites, soit en faisant réaliser ces prestations par ses services soit en les déléguant à une ou plusieurs entreprises.
Mais la Ville n’aura finalement pas besoin d’opter pour ces solutions alternatives. Le 18 juin dernier, la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille a annulé la décision du TA. L’accord-cadre pourra donc se poursuivre comme prévu.
Requête irrecevable
La CAA ne s’est pas prononcée sur la régularité du marché de partenariat conclu entre la Ville et la Spem. Elle a uniquement relevé que les requérants, un collectif de citoyens, avaient exercé leur recours trop tardivement et que celui-ci est donc irrecevable. Les juges rappellent à cet égard que conformément à la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » de 2014, les tiers peuvent contester directement la validité d’un contrat de la commande publique dans les deux mois suivant « l’accomplissement des mesures de publicité appropriées ».
Ces mesures consistent en la publication d’un avis mentionnant la conclusion du contrat ainsi que les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi, est-il noté dans l'arrêt. La cour relève que l’accord-cadre conclu par la Ville de Marseille a bel et bien fait l’objet d’un avis d’attribution qui mentionnait la conclusion du contrat et indiquait l’adresse de l’acheteur public. Elle estime alors que cet avis constituait une mesure de publicité suffisante.
Avis conforme
Surtout, elle juge que les dispositions de l’article R. 2183-1 du Code de la commande publique ne sont pas applicables au contrat en cause car cet article ne concerne que les marchés passés après mise en concurrence. Or la Ville de Marseille est dans une relation de quasi-régie avec la Spem, la Ville étant actionnaire de la société à hauteur de 50 % (l’autre moitié des capitaux est détenue par l’Etat) et pouvait donc lui attribuer directement le marché de partenariat.
Dès lors l’avis d’attribution n’avait pas à être publié dans un délai maximal de trente jours à compter de la signature du contrat, ni à être publié au Journal officiel de l’Union européenne, comme le prévoit l’article R. 2183-1 du CCP précité.
La CAA ajoute qu’il est sans incidence que le montant du contrat mentionné dans l’avis d’attribution soit différent du montant indiqué dans la délibération du conseil municipal ayant approuvé le marché, « dès lors que le montant figurant sur l’avis correspond bien au montant de l’accord-cadre finalement conclu ».
Une erreur des requérants
Les juges considèrent que l’avis d’attribution étant valide, il a donc fait courir les délais de recours contentieux. Ils observent que le délai pour contester l’accord-cadre était dès lors expiré à compter du 7 août 2023. Or les requérants n’ont sollicité son annulation pour la première fois que le 21 avril 2024.
L’arrêt relève à cet égard une subtilité contentieuse. Les citoyens à l’origine du litige avait initialement attaqué la délibération du 10 février 2023 ayant approuvé le marché de partenariat. Mais ce recours « n’est pas au nombre des actes susceptibles d’interrompre » le délai de recours de deux mois dont disposent les tiers pour contester un contrat administratif, souligne la Cour.
« Ils ont d’abord attaqué la délibération, en méconnaissance de la jurisprudence de l’arrêt Tarn et Garonne de 2014 qui permet aux tiers de recourir non plus contre les délibérations mais contre les contrats de marché et quand ils ont finalement attaqué l’accord-cadre, c’était trop tard », a expliqué leur avocat en appel, Benoît Candon, au quotidien La Provence.
Cour administrative d'appel de Marseille, 18 juin 2025, n°25MA00701, 720, 721, 723 et 724