Décryptage

Marchés publics : les nouveaux CCAG mis en consultation publique

La Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy dévoile officiellement les projets des cinq CCAG réformés et du tout nouveau CCAG maîtrise d’œuvre. Ces documents, régissant l’exécution des marchés publics qui s’y réfèrent, doivent entrer en vigueur le 1er avril prochain.

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Consultation publique
La consultation publique sur les six CCAG marchés publics est ouverte du 15 janvier au 5 février 2021.

Le calendrier est tenu ! Comme elle l’avait annoncé, la DAJ, en cette mi-janvier, livre à la consultation publique les futurs CCAG marchés publics. La refonte, lancée à l’été 2019, a associé des parties prenantes (acheteurs, entreprises, universitaires, avocats, administrations) au sein de groupes de travail dématérialisés.

Les internautes sont aujourd’hui invités à donner leur avis d’ici au 5 février 2021. Et ils devraient être nombreux, ces CCAG constituant les documents de référence pour les contrats de la commande publique. Approuvés par arrêtés ministériels, ils ne s’appliquent aux marchés que si ceux-ci s’y réfèrent – ce qui est communément le cas. Selon Bercy en effet, « près de 70 % des marchés publics [recensés] passés par l'Etat et plus de 99 % de ceux passés par les acteurs locaux font référence à un CCAG ».

Actualisation et modernisation

Ce sont ainsi cinq CCAG profondément remaniés qui sont dévoilés : CCAG travaux, CCAG fournitures courantes et services (FCS), CCAG prestations intellectuelles (PI), CCAG marchés industriels (MI) et CCAG techniques de l’information et de la communication (TIC). Leur version actuelle date de 2009… Pour faciliter le travail des contributeurs, les projets de CCAG sont présentés sous la forme de tableaux comparant l’ancienne et la nouvelle mouture. En outre, un CCAG maîtrise d’œuvre (MOE) fait son apparition, l’utilisation du CCAG PI pour ce type de marchés ayant montré ses limites.

Le ministère de l’Economie rappelle dans sa note de présentation les objectifs de la réforme. Tout d’abord, des adaptations s’imposaient compte tenu des – nombreuses – évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles intervenues ces dernières années. Ensuite, il s’agissait de moderniser ces pièces contractuelles afin qu’elles prennent mieux en compte les enjeux liés au développement durable, à la dématérialisation, à la protection des données personnelles, à l’équilibre économique entre les acteurs, etc. Les dispositions relatives à la propriété intellectuelle, devenues cruciales tant la PI est désormais présente partout, ont été totalement revues avec la consécration d’une clause unique dans les cinq CCAG « historiques ».

Architecture générale

Un travail d’harmonisation et de clarification de certaines clauses communes à tous les CCAG, à l’exception du très spécifique CCAG travaux, a été mené.

L’interdiction de principe de se référer à plusieurs CCAG pour un même marché a été conservée, une dérogation étant expressément prévue en cas de marché global. Le maître d’ouvrage devra alors « veiller à assurer la parfaite cohérence entre les différentes clauses auxquelles il se réfère », est-il précisé.

Et, après moult débats lors des travaux préparatoires, la disposition imposant de constituer une liste récapitulative des articles du CCAG auxquels un marché déroge est maintenue, avec un tout petit assouplissement (cette liste peut maintenant figurer au choix dans le CCAP « ou dans tout autre document qui en tient lieu »).

Achat responsable

Grande nouveauté, des articles intitulés « développement durable » sont introduits dans les CCAG. Toute la difficulté étant, pour les rédacteurs, de proposer des clauses générales alors que le droit impose que les stipulations en matière de développement durable soient en lien avec l’objet du marché.

L’article 21 du CCAG travaux par exemple (et l’article 16 du CCAG MOE) détaille les conditions minimales qu’une clause d’insertion sociale doit respecter dans le cas où les documents particuliers du marché en prévoient une – sans en imposer, donc, le principe. Le mode d’emploi de la clause sociale est très détaillé, listant les publics éligibles possibles, définissant les modalités d’exécution, soulignant la faculté de globaliser les heures d’insertion sur un même bassin d’emploi, imposant un contrôle de l’exécution et la fixation de pénalités, etc.

Beaucoup plus courte, la partie relative à la clause environnementale est aussi plus contraignante : l’article 21 énonce que « les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales du titulaire dans l’exécution du marché. Ces obligations doivent être vérifiables, selon des méthodes objectives, et faire l’objet d’un contrôle effectif. ». Avec, là encore, des pénalités à prévoir en cas de manquements.

Les obligations du titulaire en matière de gestion des déchets sont par ailleurs renforcées dans le CCAG travaux (art. 37) ; et le CCAG MOE (art. 16) confie au maître d’œuvre la responsabilité de la valorisation ou l'élimination des déchets créés lors de l’exécution des prestations pendant la durée du marché.

Exécution financière

Les dispositions relatives à l’exécution financière des marchés ont été retravaillées en profondeur, dans l’idée de simplifier et rééquilibrer les relations contractuelles. Principal apport : la clause relative aux avances comporte deux options (art. 11 du CCAG travaux). Option A, qui s’applique à défaut de stipulation particulière : un taux d’avance à 20% au moins pour les PME, et le taux minimum réglementaire pour les autres entreprises ; option B : le taux minimum réglementaire pour toutes les entreprises.

Autre point important, un plafonnement du montant des pénalités est introduit, avec finalement (ce point a été longuement discuté) un taux précis : « Le montant total des pénalités appliquées au titulaire pendant la durée du marché ne peut excéder 10% du montant hors taxes de l'ensemble du marché », énoncent ainsi les articles 20.1 du CCAG travaux et 14.1 du CCAG MOE.

Rééquilibrage des relations toujours, les primes apparaissent (art. 20.4 du CCAG travaux, 15.1 du CCAG MOE), afin de clarifier la pratique des clauses incitatives. Point d’obligation, mais si les documents particuliers du marché prévoient des primes, par exemple pour réalisation anticipée des prestations, les CCAG encadrent désormais leur contenu.

Des marchés zéro papier…

Effective au stade de la passation des marchés, la dématérialisation gagne le stade de l’exécution, les CCAG réécrits lui faisant une place dans les articles relatifs aux communications entre les parties -  sans guère contraindre à son utilisation. Les obligations légales et réglementaires relatives à la facturation électroniques sont par ailleurs rappelées (art. 13 du CCAG travaux).

En outre, en raison de l’entrée en vigueur du RGPD en 2018, les stipulations relatives au traitement des données personnelles sont remodelées (art. 5.2 du CCAG travaux).

… et zéro contentieux ?

Enfin, les nouveaux CCAG tentent de promouvoir le dialogue entre les parties pour prévenir les différends, et les modes de règlement amiable en cas de litige. Il s’agit notamment, explique Bercy, d’ introduire « davantage de contradictoire dans les prises de décision dans l’exécution des marchés publics ». Ainsi avant d’infliger des pénalités de retard, le maître d’ouvrage devra avertir le titulaire de son intention, et lui laisser au moins 15 jours pour fournir des explications (art. 20.2 du CCAG travaux, 14.2 du CCAG MOE).

Place à présent à la consultation (ici). Elle s’achèvera le 5 février, laissant ensuite deux mois côté ministère pour peaufiner la copie, adopter définitivement les CCAG… et, côté cocontractants et éditeurs de logiciels de marchés, pour s’y préparer.

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